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Titre : Promenades pittoresques à Hyères, ou Notice historique et statistique sur cette ville, les environs et les îles, par Alph. Denis,... - De l'Influence du climat d'Hyères sur la conservation de la santé et la guérison des maladies, par M. le Dr Bayle
Auteur : Denis, Alphonse (1794-1876). Auteur du texte
Auteur : Bayle, Antoine-Laurent-Jessé (1799-1858). Auteur du texte
Éditeur : Bellue (Toulon)
Date d'édition : 1841
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30323906k
Type : monographie imprimée
Langue : français
Langue : Français
Format : In-8° , 472 p.
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Description : Comprend : De l'Influence du climat d'Hyères sur la conservation de la santé et la guérison des maladies...
Description : Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur
Description : Avec mode texte
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529919z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK7-3157
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/06/2013
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S>IR®miSf!!!l!DI3S
PITTORESQUES
A HYÈRES.
Toulon. — Imprimerie de A. Baume , fils aîné, rue Royale 50.
PROMENADES ipuwoiisquibs
g .¡ ou
Er®HH(ii3 mn8v (Dibik^IVIB et Statistique Sur Me bille 1 sts munirons d Us 5Us,
PAR
M. ALPH. DENIS, Chevalier de la Légion d'Honneur , Maire de la ville d'Hyères et Député du rar.
A TOULON CHEZ 13ELLUE, LIBRAIRE-EDITEUR.
1 A HYÈRES , Chez JOUQUET, libraire.
A PARIS,
IEZ GAYET ET LEBRUN.
A BREST, IP^HËÏ-IEFOURNIER , LIBRAIRE.
•■L S» dm. -
AVANT-PROPOS.
Une préface n'étant en général que l'exposé succinct du plan qu'un auteur a prétendu suivre , j'ai cru de mon devoir de présenter ici quelques explications nécessaires, sur les difficultés d'exécution d'un livre tel que le mien et sur la marche que j'ai dû adopter pour les aplanir ou les vaincre.
Ce qui rend d'ordinaire si fastidieuse l'histoire d'une province ou celle d'une ville dont le nom a été sans grand retentissement dans la vie des peuples, c'est l'importance que les annalistes attachent à certains faits qu'ils rapportent les premiers , ou bien encore c'est que le plus souvent, ne trouvant pas matière à intéresser le lecteur dans les documents qu'ils ont recueillis , la plupart d'entre eux , pour ne pas sortir de la gravité historique , se jettent dans le domaine de l'histoire générale et ne racon-
tent guères que des événements bien connus et déjà plus dignement retracés.
Pour moi , livré par goût et par besoin d'occupation à des études analogues aux leurs ; moi , plein de respect et surtout de commisération pour mes devanciers , dont il m'est arrivé souvent de rencontrer les bons, vieux , mais indigestes ouvrages , enfouis, non encore coupés , dans la poussière des bibliothèques ou des librairies anciennes ; moi, "qui leur ai fait le rare honneur de les exhumer, de les secouer, de les faire relier avec soin , de les placer avec amour sur les. rayons de mon cabinet d'études; moi, qui ai plus fait encore ; moi, qui les ai lus attentivement ; moi, leur modeste imitateur, j'ai cru avoir deviné l'écueil contre lequel tant d'hommes de savoir étaient venus se briser et se perdre, et j'ai cherché à l'éviter.
Il se présentait, selon moi , deux choses à considérer en traitant la partie historique de mon livre : d'un côté , les événements.pauvres, tristes , décolorés ; de l'autre, l'esprit des mœurs et des institutions communales et provinciales aux différentes phases de la civilisation du moyen-âge.
A ces mœurs viennent se rattacher les préjugés , les superstitions, les croyances, les haines ou les sympathies populaires pour ou contre tel ordre de choses dès long-temps établi , telle forme de gouvernement, telle secte religieuse.
C'est alors que le récit s'anime, qu'il se brillante , qu'il se pare de lui-même ; c'est alors que l'auteur s'échauffe et s'exalte. Il sent que son œuvre a pris un caractère particulier d'utilité , de vraie science et même de poésie ; que si les superstitions et les croyances vraies sont les élémens poétiques de la vie de ces populations, les traditions et les légendes en sont l'expression plus ou moins heureuse. On conçoit que , considérant mon livre sous ce point de vue, j'ai dû me servir des élémens que d'autres avaient négligés, et entremêler de couleurs brillantes le monument historique, gris et terne, qup pendant dix années je m'étais complu à édifier avec peine et labeur.
Cependant, un inconvénient semblera peutêtre résulter de cette nouvelle manière d'envisager la tâche que j'avais à remplir, et je ne me le dissimule pas, car j'ai ma réponse toute prête.
Donc la seule objection possible, c'est qu'agir ainsi, c'est traiter tout à la fois l'art et la science bien cavalièrement; c'est que l'ouvrage en dernier résultat, paraîtra sans liaison et sans suite.
Mais est-ce ma faute si l'une et l'autre manquaient dans les événemens; si à peine, durant l'espace de deux siècles , se dessinent quelquesuns de ces caractères hors de ligne qui ébranlent, agitent ou poussent en avant les populations contemporaines? Ces faibles populations' d'ailleurs, semblables à l'homme fatigué d'une œuvre laborieuse, ne prennent-elles pas ellesmêmes des momens de repos, après ces pertubations politiques et religieuses , espèces de crises, qui leur redonnent vie , lustre et accroissement, ou qui les écrasent. L'histoire d'un grand peuple, ne saurait ciTrir de ces temps d'arrêts de ces stagnations, de ces lacunes inattendues, par cette même raison que dans une nombreuse famille on voit toujours quelques uns de ses membres malades ou convalescens, des frères heureux ou qui font de grandes fortunes, et d'autres qui perdent ou gaspillent la leur. Seulement, un trône renversé ébranle le monde:,
tandis qu'un fateuil jeté à terre n'ébranle même pas les vitres de la maison.
J'en ai assez dit , je crois, pour qu:on me pardonne ce qu'on remarquera d'incomplet et de décousu dans le style; tel sera aussi le résultat d'un second inconvénient duquel je suis loin de me plaindre, puisqu'il ne nuit qu'à celui qui s'est chargé du travail des recherches et de Ja rédaction , et qu'il est tout à l'avantage de nos lecteurs ; c'est qu'à mesure que le bruit de la prochaine publication de cet ouvrage s'est répandu dans le département , où j'ai trouvé un accueil si hospitalier et si honorable , c'est que, dis-je, de nouvelles notes et de nouveaux matériaux m'arriment de tous côtés. J'accepte avec reconnaissance ces documens souvent précieux; je sollicite de la bienveillance universelle de nouveaux envois de ce genre. Je parcours, je lis, j'extrais , j'intercale, je rejette. Quoique mon siège soit presque fait, je ne prétends pas suivre l'exemple de M. de Vertot.: un abbé de cour pouvait se permettre ces licences, un humble maire de campagne, qui a la prétention de se donner pour écrivain consciencieux, se résigne à ce surcroît de travail et de veilles; heureux
de penser que sa récompense sera dans le succès de son livre.
1re PARTIE.
HISTOIRE. — LÉGENDES. - TRADITIONS.
De Toulon à Hyères , la route est belle et bien entretenue; la terre fertile et cultivée avec soin. A peu près à moitié chemin , sur la gauche , s'ouvre la riche vallée qui sépare la zone calcaire de la contrée schisteuse et granitique ; d'un côté la montagne escarpée de Coudon , de l'autre celle de Fenouillet, forment comme les deux montans de cette vaste ouverture qui n'a pas moins d'une lieu et demie d'étendue. Sur la droite, c'est-à-dire vers le sud , l'aspect de la mer est caché par un rideau de collines verdoyantes , parmi lesquelles se distingue la Colle noire, qu'on reconnaît aisément à sa forme
pyramidale et à sa base hors de proportion.
Son élévation est d'à peu près douze cents pieds au-dessus du niveau de la mer. On verra dans l'appendice , quelle est sa structure géognosique, ainsi que celle des différens terrains qui constituent le terroir d'Hyères, l'un des plus curieux qu'on puisse étudier en France.
On avance, et à an quart de lieue de la ville., on est tout à coup surpris du changement de température et de l'aspect plus riant delà contrée. A l'horizon , la mer et testes ; -au second plant r des prairies entrecoupées de bosquets , de& pâturages fermés par , des haies , des champs d'oliviers et des vignobles qui s'étendent à perte de vue; puis ces jardins si vantés en France et qui , sans mériter la réputation dtfnt -ilS' jouissent, occupent agréablement les regards et l'esprit.
La verdure dès orangers est éternelle; mais pouf acclimater ces arbres exotiques, pour les mettre en valeur , pour en expédier les
produits » que de peines et de travaux !
Enfin le voyageur est à-Hvères.
Quand une ville prétend à une origine grecque, belle et noble origine sans doute, il faut Cependant qu'elle en fournisse des.
preuves et ces preuves doivent être tout autres que de simples assertions ou de spécieux raisonnemens A défaut de ruines grandioses , elle devrait donc , au moins , offrir à l'antiquaire des statues, des médailles , des tombeaux , des inscriptions , monumens moins importons sans doute, mais irrécusables, et devant lesquels se taisent les esprits les plus enclins au scepticisme.
On peut affirmer seulement une chose , relativement à Hyères : c'est que sa position topagraphique , la richesse de son sol et l'état habituel de sa température , avaient dû appelersur ele raltention d'un peuple agriculteur , à une époque déjà même assez reculée. Il est certain qu'au temps du Bas-Empire, l'em-
placement de la ville actuelle était occupé par des colons romains. Mais que ce lieu privilégié soit l'antique Olbia (t), c'est ce que je n'accorderai pas facilement à ceux qui, d'après quelques géographes ou quelques historiens mal instruits, voudraient, on ne sait dans quel but , donner une certaine consistance à des hypothèses insoutenables pour quiconque a étudié les lieux.
Il faut-, avant tout, se répéter qu'Olbia » classée par Strabon, Diodore , Ptolémée et Pomponius lJtlela , au nombre des colonies marseillaises , était peuplée de Phocéens ; qu'elle était assez importante , puisqu'elle est citée quelquefois dans l'histoire, et que de même que Nicœa , Antipolis et Massilia ,
(1) Schymuus de Chio, qui écrivait probablement d'après Scylax , se borne à dire que Marseille est une colonie phocéenne, il indique ensuite Taurocentum et auprès la ville d'Olbia , - puis Antipolis y la dernière de toutes ees colonies.
( Voyez la Collection des petits Géographes grecs, )
elle est dans la nécessité de présenter ses titres. Voudra-t-on reconnaître , comme pièces suffisantes , une vingtaine de médailles trouvées à longs intervalles sur toute l'étendue d'un territoire vaste et fertile , et par conséquent cultivé dès long-temps.
Pour renverser d'un mot le fragile édifice de quelques savants qui fondent Olbia aux lieux où est assise Hyères, et pour ne plus revenir sur un sujet de médiocre intérêt, je dirai, ou qu'Olbia était située sur la montagne qui domine la ville actuelle ou qu'elle s'appuyait à son flanc , ou encore qu'elle occupait sa base en s'étendant dans la plaine.
Eh bien! cette montagne, sillonnée par les eaux pluviales , ne laisse apercevoir sur son sommet que le roc vif, ou les fondemens d'une forteresse qui pouvait être de quelque importance au huitième ou au neuvième siècle au plus, nulle part l'œil ne découvre ensuite de vestiges plus anciens. Des fouilles pratiquéés au haut de la colline ont quelque-
fois mis à nu de vieilles murailles dont le ciment attestait l'origine romaine ; des pierres votives ou tumulaires, d'un caractère employé dans té Bas-Empire, se sont rencontrées çà et là ; des tombes offrant des insignes qu'on aurait pu juger appartenir à des Chrétiens sectaires du premier temps , des médailles , des briques dans la campagne et
même au loin , des mosaïques bien conservées , quelques figurines en bronze ; voilà des traces d'une origine qui n'est point celle qu'on voudrait assigner à cette ville , et encore suis-je loin d'affirmer que là était une cité romaine.
Il serait peut-être plus convenable de croira qu'auprès de Pomponiana, ville maritime , s'étaient élevées de graildes villa ou de nombrenses-métairies, ôn le sait, les Romains en couvraient la campagne. Je donne cette opinion comme probable, sans toutefois y attacher plus d'importance qu'elle ne mérite ; j'aime mieux marcher et m'avancer dans le
domaine de l'histoire positive. Ici tout vient à notre aide ; .constructions encore debout, Chartres , titres , chroniques , poésie , tout a * une voix qui répond à la nôtre et la grandit. Les ruiner du vieux château et des murs d'enceinte de l'ancienne ville sont le premier objet qui attire les regards du voyageur , et il ne manque guères de s'enquérir de la date de leur construction ou des faits qui s'y rattachent.
La forme quadrangulaire des tours, l'épaisseur des murs, la pose des pierres en arêtes de poissons , tout ici a le cachet du huitième siècle. Cependant, pour l'acquit de notre conscience , nous devons déclarer^ux antiquaires que les premiers monumens écrits' qui font connaître l'existence de cette ville,
datent du 10e. Elle était déjà , à cette époque , considérée comme une place très-forte , et on lui donnait le nom remarquable de nobile castrum Aroearuin.
C'est vers l'année 970 que Marseille et
d'autres villes qui en dépendaient, soit comme colonies , conquêtes ou terres adjacentes , furent données en toute souveraineté à Pons par Bozon 1er (1) son frère, comte de Provence et roi d'Arles. C'est là l'opinion la plus généralement reçue. D'autres prétendent que ce fief immense , car il s'étendait sur le littoral depuis Fos jusqu'à Hyères, échut en héritage du fait de son père , a ce même Pons , dont les enfans prirent le surnom de Fos ou Fossis. Quoiqu'il en soit de ces deux opinions, il est positif que, tout en relevant du souverain , le nouveau vicomte s'intitulait tel, par la grâce de Dieu.
L'histoire se tait, ou les documens qu'elle fournit sont de peu d'importance jusqu'à l'année 1192. Que résulte-t-il de nos investigations pour éclaircir cette longue période ?
(1) D'autres historiens, et entre autres Antoine Ruffi, dont l'opinion est à mes yeux d'un grand poids , l'appellent Guillaume.
qu'un A miel de Foz avait suivi en TerreSainte le comte de Saint-Giles , traînant à sa suite quelques gentilshommes et quatre compagnies levées dans le territoire d'Hyères; qu'un Guillaume de Foz , par acte du 12 avril 1204 , a fait acte de souveraineté en donnant permission au nommé Bertin , citoyen de Marseille , de naviguer aux îles d'Hyères; qu'en 11H , Hyères, suivant l'impulsion donnée par Marseille , tenta quelques efforts , bientôt corn primés, pour se constituer en communauté libre , sous le patronage de la ville puissante qui , plus tard , en 1217 , acheta les seigneuries et châteaux d'Hyères , pour la somme de vingt-trois mille sols royaux. Ces nobles efforts , cette lutte de quelques années en faveur de la liberté , pourraient offrir un récit piquant et animé, comme ces pages où l'on raconte les révolutions de Vezelay, de Noyon ou de Laon.
Mais cette période n'a pas encore d'historiens , et ne nous présente même ni chroni-
ques, ni cartulaires. Enfin , tout ce qu'on sait de plus certain , c'est que les descendants de la maison de Foz ont gardé seigneurie en paix l'espace de 134 ans.
Mais, soit vieille rancune de famille, provenant de l'appui jadis prêté aux princes de Baux par ceux de Foz , lors de la grande querelle de la succession au trône, soit esprit de conquête ; il arriva que dans le cours de l'année 1192 , lldefons Ipr , comte de Provence et de Forcalquier, envoya ses troupes pour s'emparer à l'improviste du château d'Hyères. En effet, sous le prétexte d'alliance et d'amitié , elles prirent d'abord logement en ville et s'emparèrent de la forteresse ; de quoi les habitans d'Hyères furent bien surpris , ajoute naïvement l'historien chez lequel nous puisons ce fait. Toutefois , ifs se hâtèrent de dépêcher un exprès à Marseille, pour en avertir leur seigneur Amelin de Foz, appelé communément le grand Marquis. A cette nouvelle , celui-ci partit sur le
thamp de Marseille , où il séjournait d'habitude, et, suivi de quelques troupes levées en hâte sur ses terres ou dans celles des vicomtes ses parens , se porta rapidement , accompagné de ses deux enfans , Roger d'Hyères et Bertrand de Foz , vers la ville envahie, dont les habitans lui étaient dévoués et avaient pris les armes en sa faveur, Il eut peu de peine à y rentrer , les gens du comte de Provence ayant été forcés de se réfugier dans la citadelle.
Leur position devint désespérée , car Amelin poussait le siége avec célérité et vigueur.
lldefons , averti , rassembla des troupes et vint présenter la bataille à son faible mais courageux adversaire, Amelin , fort de son bon droit et du dévouement de ses vassaux , accepta le combat , sortit de la ville et défit les troupes du prince catalan , forcé luimême de prendre lai fuite, devant un de ses sujets. La garnison, pressée plus vivement et sans espoir d'être secourue , ne tarda point
à rendre la place , heureuse que le vainqueur consentit à ne point user du droit que lui donnait la victoire ; car durant ces interminables guerres suscitées par l'orgueil , les prétentions peut-être justes, et surtout par la turbulence des princes de Baux , une fois l'épée tirée hors du fourreau , les partis en venaient rarement à composition. Plusieurs villes et forteresses de Provence , prises et rasées, les garnisons passées au fil de l'épée, les populations pillées ou égorgées ; tels étaient les sinistres antécédens qui s'offraient aux hommes d'armes d'il déplions et qui accélérèrent la reddition du château. Le comte de Toulouse ou d'autres ennemis puissants arrêtèrent probablement la reprise des hostilités ; car l'histoire rapporte qu'Amelin de Foz , et après lui ses enfants , jouirent paisiblement de leurs droits et de leurs possessions jusqu'en 1257 , époque où ils se virent arracher les uns et le s autres par un prince plus puissant et surtout plus tenace
que le prince catalan. Je veux parler de Charles' d'Anjou.
Le grand marquis ( Amelin de Foz portait ce titre qui ne semble pas lui avoir été contesté ) mourut en 1205 (1) ou 1206 , et il fut enterré dans «le tombeau qui était à main droite de la porte principale de l'èglise des Cordeliers à Hyères ; là , au dire de Louvet, on pouvait lire encore son épitaphe en 1676. A main gauche reposait Adélasie de Laidet, sa femme. Aujourd 'hui on peut distinguer encore , à la place indiquée , les traces de ces deux monumens : le vandalisme révolutionnaire n'a pas même épargné l'inscription. Avant de retracer de nouveaux combats , une nouvelle lutte du fort contre le faible , que le lecteur me suive et qu'il assiste à la fondation de l'un de ces nombreux couvens de moines ou de religieuses
(1) 11 existe un acte signé de lui et qui porte la date de 1204.
qui, à cette époque 1 surgissaient du sol , au sein de la Provence et qui ne furent pas toujours d'inviolables asiles pour la vertu ou la science. Celui d'Almanare ou d'Almanara, comme l'appellent les plus anciens historiens, offre un remarquable exemple que la sévérité de ce jugement n'est qu'impartiale jus, tice.
En suivant la pointe orientale des collines
boisées situées ad sud de la ville et qui courent vers l'ouest , le voyageur arrive à l'isthme de Giens, longue plage sablonneuse couverte de débris de coquillages et jonchée d'algues et de fucus , qui tapissent le fond de ces parages. Devant lui se déroule la presqu'île de Giens. A sa droite , les flots souvent agités du golfe viennent battre et ronger la base des montagnes qui s'étendent vers Toulon et vont, en se cintrant, former l'entrée étroite de sa rade.
Là s'élevait, eu temps du Bas-Empire, une vjlle romaine , et cette ville s'appelait
Pomponiana , ce ne sont plus des conjectures , des rêveries d'archaeologues , des traditions populaires, des hypothèses de géographes , s'appuyant sur des similitudes de lettres ou de noms ; mais parlout des vestiges irrécusables, des arceaux enfouis, des murs encore debout, des restes d'aqueducs , des fragmens de mosaïque, un quai renversé et recouvert parlamer , des débris d'urnes et de lacrymatoires ; tout indique l'immense tombeau d'une cité antique. Au premier abord le voyageur errant parmi ces vieilles ruines , ne peut en croire ses yeux. Et c'est quand son pied a foulé long-temps des tuiles romaines , des poteries brisées , que son œil lui a permis d'apercevoir ( quoique le fait soit rare, il s'est présenté) , une médaille fruste ou bien conservée, de Gordien , d'Hadrien de Faustine , qu'alors il ressuscite la cité romaine et ne veut plus quitter les lieux sans en emporter quelques pauvres, mais frappans souvenirs.
Pomponiana est cité dans l'itinéraire maritime d'Antonin comme lieu de station pour les galères romaines.
La situation de Pomponiana avait été longtemps cherchée, et débattue par Cluverius, Danville , Bouche , Sanson , et autres chorographes. Tous avaient indiqué des positions qui, strictement parlant, ne pouvaient convenir à la ville maritime dont l'itinéraire se borne à rappelerle nom. L'auteur de l'AtlanlÙis Majoribus s'était presque approché de la vérité par le simple calcul des distances ; mais n'ayant point visité la localité, il était resté à un demi-mille près de la véritable position. Pline avait causé l'erreur des uns, la métamorphose du sol dérouta les autres.
Tout porte à croire , après mûr examen , que là, comme à Fréjus , comme à Aigues-mortes, la mer a éprouvé un retrait considérable , et a formé ainsi, à l'aide des siècles , l'étang du Pesquier et les deux isthmes qui le circonscrivent. Cette opinion pourra ac-
quérir encore plus de consistance quand on saura qu'il est arrivé dans de fortes tempêtes , que la plage sablonneuse qui conduit directement à Giens, s'est trouvée par fois submergée , et que l'étang et la mer paraissaient ainsi confondm.
Le lecteur jugera par ces détails du peu de largeur de l'isthme et ne pourra plus douter qu'au temps d'Antonin la presqu'île de Giens n'ait été une île, et que comme telle on ne l'aie comptée parmi les Staechades (I).
En admettant cette supposition basée sur une connaissance parfaite du terrain , la distance d'Alconis à Pomponiana se trouve être d'une exactitude extrême. On doit la découverte -de ce fait géographique assez important , à
M. Victor Estalle (2), qui, en 1824 ou
(1) Strabon et Ptolémée en désignent cinq.
(2) Je dois dire , cependant que dans le Galliœ veteris typtts, d'Hondius, exécuté à Amsterdam
une ville que le géographe appelle P-ompeiani, semble occuper la place où l'on a trouvé les ruides de Pomponiana.
1825 , fit part de ses conjectures à l'un des auteurs de la statistique des Bouches-duRhône , le savant Thoulouzan , dont je m'honore d'avoir été l'ami , vint avec moi vérifier les lieux et les étudier , et peu de temps après lut à l'Institut, une notice fort intéressante sur Pomponiana. Mais quoique j'eusse encore beaucoup à dire sur cette cité dont les ruines occupent un espace de plus de seize à dix-huit mille toises carrées, les bornes et le plan que je me suis assignés, me forcent de nouveau à quitter l'antiquité pour le moyen âge.
Au milieu de ces immenses décombres, et probablement au moyen des nombreux matériaux gissants sur le sol , s'éleva rapidement, en 1188, un monastère occupé peu après par des religieux portant l'habit de Saint-Benoît. Mais à l'habit seul se bornait leur vocation religieuse ; car la vie menée au couvent de Saint-Pierre d'Almanara devint si scandaleuse , que le pape Honorius Ill,
donna mission à Conrad , évêque de Porto, légat du Saint-Siège en Provence, de censurer ces moines dissolus et de les séculariser. Le 13 mars de l'année 1220, l'ordre fut exécuté de point en point. Aux bruyantes orgies succéda le silence ; les chants profanes et sacriléges furent remplacés par l'hymne monotone mais sans fin , poussé vers le ciel par les flots du rivage. Quelques années après, le couvent , ainsi que tous les biens qui en dépendaient avaient été donnés à des religieuses qui suivaient la règle de Saint-Bernard. On les avait tirées assez mal à propos de Saint-Pons de Gémenos, pour les confiner sur cette côte déserte qui conduit à Carqueiranne , fief seigneurial qui appartint à la maison de Hipert.
Les saintes filles y furent long-temps exposées aux déprédations des Sarrasins qui infestaient les côtes et pourtant ce ne fut que trois siècles après leur installation dans ces dangereux parages , qu'un effroyable èvé-
nement les força de chercher et de se construire un asile au milieu même de la ville d'Hyères. Voici le fait en peu de lignes, et je le rapporte tel que l'a enfanté la tradition populaire , (1) que ne dément pas trop l'histoire. Une jolie abbesse , appartenant à une des plus illustres maisons de Provence, rieuse et légère qu'elle était , ne s'avisa-telle pas , par une triste nuit d'hiver, de mettre à l'épreuve le courage et la bonne volonté des habitants de la ville , en faisant sonner sans sujet la cloche d'alarme de son couvent. Ceux-ci, croyant la côte menacée , se hâtèrent de s'y porter en armes, dispo-ses à protéger les innocentes épouses du Seigneur ; tout était calme et tranquille sur Le rivage. Cruellement mystifiés , ils se bornèrent à une vengeance toute passive , mais dont les suites furent déplorables. Appelés
(1) Yoyez l'ouvrage intitulé : Chroniques provençales , in-8", chez. Olivault, à Toulon.
à l'aide un jour de véritable danger , les habitans de la cité , garanlis par leurs remparts des coups de main que se permettaient parfois les Sarrasins , à cette époque où la Provence était agitée de troubles intérieurs, ne répondirent point à la voix de leurs consuls , et laissèrent incendier le monastère. On assure que sept religieuses seulement de l'abbaye royale de Saint-Pierre d'Almanare (1) échappèrent à la brutalité des Maures , et il est certain que vers la fin du 14e siècle elles vinrent fonder, à Hyères, le couvent
- (1) Le nom d'Almanare ou Almanara, comme on peut le lire dans les anciens historiens, m'avait toujours paru d'origine arabe. Je dois à M. Reynaud , membre de l'Institut, qui est venu visiter , il y a quelques années , ces ruines, la véritahle signification de ce mot, qui veut dire Phare, point de reconnaissance. En effet, il est probable que cette côte, assez souvent orageuse, était habituellement éclairée au moyen de feux allumés par l'humanité des religieuses , ou les lumières qui brillaient aux croisées de chaque cellule.
appelé aujourd'hui Saint-Bernard (2), couvent que la révolution rendit désert, et que démolissent chaque jour les hommes et le temps.Mais remontons les siècles , et retrouvons cette noble famille de Foz , encore forcée de défendre ses droits et sa seigneurie contre les empiétements et la politique guenière de Charles d'Anjou , frère de Saint-Louis, devenu comte de Provence par le fait de son mariage avec Béatrix, Seule et unique héritière des princes de Barcelonne , cette
(2) C'est en 1406 que fut achevé le nouveau monastère. On dut sa construction aux libéralités de Saache Marie, petite-fille de Robert le Bon et sœur de Jeanne, reine de Naples et de Sicile. Il paraît que l'affliction et le malheur qui venaient de s'appesantir d'une manière si éclatante sur les religieuses d'Almanare, leur valut la protection du pape Jean XXII et surtout d'Innocent VII. Il existe quelque part un bref de ce dernier, qui les recommande spécialement à la bienveillance d'Elzéar de. Sabran , évêque de Toulon.
femme pour le moins aussi avide de puissance et de richesse que le conquérant de la Sicile, exigea de son mari l'abaissement de tous les grands feudataires de sa comté. Après avoir réduit à l'obéissance, les seigneurs de Sault et de Grignan , forcé les villes libres de Marseille , Arles et Avignon à le reconnaitre pour souverain , et s'être fait prêter hommage par les princes de Baux, Charles d'Anjou marcha sur Hyères.
Nostradamus, celui des historiens de Provence qui nous fournit le plus grand nombre de documens sur la défense et la reddition de cette place , de l'importance de laquelle on pourra juger , en jetant les yeux sur les clauses du traité qui la remet entre les mains des comtes de Provence ; Nostradamus rapporte avec une grande partialité , on ne sait trop pourquoi , le récit de cet événement : là où nous voyons abus et vio-
lenccs, il n'aperçoit , lui, que justes représailles, bon droit et magnanimité.
Les descendans d'Amelin , Hoger d'Hyères, Bertrand de Foz , et Mabille leur sœur , cette dame d'Hyères , citée tant de fois comme faisant partie des cours d'amour qui se tenaient à Signe et à Pierrefeu , occupaient alors Hyères , son château et ses îles. Le comte de Provence, dit Nostradamus, leur avait déjà mandé par ambassadeur de les vuider et lui quitter promptement tant le château fort, que la ville avec tout ce quils tenaient induement. Les Seigneurs et la dame d'Hyères lui répondirent par un refus formel, lui portant plainte en même temps de la conduite de ses officiers et sénéchaux qui, à différentes reprises , « s'étaient permis des « vexations de mainte espèce sur leurs hom« mes vassaux et sujets , et qui avaient « essayé d'entraver des bans et autres droits « à eux appartenant tant de Bormette, que « des autres lieux du terroir d'Hyères. »
Non seulement leur pétition de justice resta sans réponse , mais encore Chartes d'Anjou rappelant les prétentions des comtes de Barcelonne ses prédécesseurs déclara hautement , que les lieux et places cités plus haut, tenaient immédiatement de sa comté , et qu'ainsi personne autre que lui ne pouvait prétendre à leur légitime possession et jouissance. Dénaturant les faits, il racontait à sa manière l'entreprise peu loyale d'Ildephons , contraint autrefois, disait-il , d'assembler le ban et l'arrière-ban de ses gentilshommes , chevaliers et gens de guerre pour venger l'injure reçue de la part de son sujet, et venir au secours des siens assiégés ; et, selon l'historien dont j'emprunte quelquefois les naïves paroles : « Contre quelles « forces Roger de Foz et Jrats avaient dé« fendu fort et ferme , l'entrée du château « à Ildephons , le dépouillant par telle fé« lonie et rébellion de la possession que lui « et ses prédécesseurs avaient joui. Par
« quoi ceux de la part de Charles assuraient « et maintenaient la ville et le château d'Hvè« res , les îles , le terroir , leurs droits, et « appartenances lui devoir être restitués en « pleine propriété et juridiction absolue ; « puisque tant ces choses , que tout ce qu'ils « possédaient en Provence étaient tombées.
« suivant ce qu'ils prétendaient, en commis « et caducité , confisquées et unies à son « domaine par crime de leze-maj esté , par « eux encourus sous les rébellions, défen« ses , violences et félonies qu'ils avaient té« mérairement perpétrées contre Ildephons , « ainsi qu'ils feront apparoir par bonnes et « irréprochables preuves , et par témoins « sur ce ouïs. » C'était joindre pour ainsi dire , une amère raillerie au langage précis de la force. Les enfans du grand marquis s'apercevant qu'ils n'avaient rien à gagner avec de pareils négociateurs, si ce n'était honte et repentir , résolurent de fermer leurs portes au suzerain envahisseur , et de suivre
l'exemple que leur avait légué leur père.
Mais en 1192 , Amelin ne s'était point trouvé réduit à ses seules ressources ; de puissantes diversions avaient eu lien, l'armée d'Ildephons n'était point comme celle de Charles d'Anjou , unie et dévouée , et cependant ce ne fut qu'au bout de cinq mois et après quelques alternatives de glorieux revers pu de funestes succès , que réduits aux plus dures extrémités, Roger et Bertrand , d'abord à l'insu de leur sœur , trop fière pour se soumettre , prêtèrent l'oreille à des propositions d'accommodement. Tous les historiens, tous les généalogistes , même qui ont parlé des seigneurs d'Hyères , de la maison de Foz s'accordent à dire , qu'ils tinrent bon dans leur fort jusqu'au dernier moment, et que ce fut par l'entremise des évêques de Fréjus et de Nice, ainsi que par les bons offices d'Arnaud de Villeneuve , de Jlostang d Agout et de Robert de l'A vena que la transaction pacifique, dont uous parlerons
tout à l'heure , lut acceptée et loyalement exécutée. Le seul Nostradamus raconte , qu'enfin convaincus qu'il fallait obéir à l'autorité , aux armes et au droit de Charles , les enfans d'Amelin de Foz vinrent trouver ce prince à Tarascon oÙ, avec très humbles soumissions , ils le supplièrent de leur vouloir donner des juges non suspects ni portés de passion , tant pour les ouïr en leurs droits que pour procéder à leur alra-ire avec justice et raison. Mais quand on se rappelle qu'en échange de la forteresse d'Hyères et de ses dépendances, le comte de Provence consentit à céder vingt-deux villes ou villages, on est bien tenté de croire que Roger et Bertrand , auxquels plusieurs historiens ajoutent Hugues et Geoffroy ïrats , eii qualité de coseigneurs , n'en étaient point encore réduità à implorer la clémence d'un homme qui ne pardonnait guères , et qui ne signa jamais un traité de paix sans le tacher de sang.
Toutefois, il est certain qu'un grand nom-
bre de gentilshommes et barons de la cour de Charles, ayant pour la plupart des alliances avec la maison de Foz , s'employèrent activement dans cette affaire si délicate, et qu'ils surent même la terminer à l'avantage réel, c'est-à-dire à l'avantage pécuniaire des seigneurs récalcitrans. A ceux-ci, ils remontrèrent que les vicomtes de Marseille , les aînés de la famille, leur avaient donné l'exemple de la soumission , et que dépossédés d'un état aussi considérable , réduits à peu de vassaux , ils ne devaient point attendre de secours de ce côté ; que d'autre part , une lutte aussi longue, en irritant le maître , détruirait tout espoir d'un accommodement avantageux , et que le mieux était de tirer parti de leurs glorieux efforts , en consentant à un échange de territoire qu'ils ne pouvaient empêcher. Au comte de Provence, fatigué d'une opération militaire dont il ne devait pas tirer grand honneur , puisque ses forces étaient hors de proportion avec celles
de ses humbles adversaires , ils représentèrent adroitement que le siège pourrait traîner en longueur ; que ses plus braves hommes d'armes étaient atteints chaque jour par le fer ou les maladies; qu'en traitant les ennemis avec clémence et générosité il s'en faisait des amis dévoués. Ces bons et nobles avis furent tellement goûtés par le haut suzerain et les grands vassaux que le 15 octobre de l'année 1257 , la paix fut annoncée selon l'usage de ce temps-là, à son de trompes et cors , dans la ville et dans le camp des assiégeans.
Les termes de la capitulation et du traité de cession réciproque nous ont été conservés , et ils sont assez curieux pour que nous les relations en entier. Il fut donc décidé « que le château d'Hyères, nobile castrum « Arœarwn, le donjon et le fort, la ville , « les îles , ses droits et appartenances tant « en mer qu' en terre pour les deux parts « que Roger , Bertrand et Mahille y tenaient
« et possédaient, tout cela serait rendu et « délivré à Charles pour les jouir et possé« der, et les siens perpétuellement à l'ave« nir en plein fief.
« Qu'avant que Charles put jouir de la « ville, château , îles et autres droils spé« cifiés, il serait tenu bailler en récompense « à Roger, Bertrand et Mabille, autant de
« terres et juridictions , en Provence, qu'elle « peut valoir en revenu annuel , la somme « de dix mille sols provençaux qu'ils tien« draient sur la foi et hommage des com« les.
« Que Roger d'Hyères , Bertrand et Ma« bille seraient tenus aux cavalcades et autres « services tant en paix qu'en guerre par « le comte et ses successeurs en la comté.
« Que Charles remettrait toute offense aux « hommes qui auraient suivi le parti de Ro« ger , Bertrand et Mabille, et si, leur en « ferait expédier lettres de grâce en forme « authentique , en vertu desquelles serait une
« bonne, ferme et fidèle pacification entre « les parties. »
Suivant donc cette convention , le château et la villes d'Hyères firent irrévocablement partie du domaine des comtes de Provence , et les anciens possesseurs reçurent en fief et à titre d'indemnité Pierrefeu, la Môle , Collobrières , Laverne, Cavalaire, le Canet, Curban , etc.
Quelques mois après, Roger , Bertrand et Mabille se rendirent dans la ville archiépiscopale d'Aix , où ils trouvèrent Charles qui les y attendait, et qui leur fit don de tout ce que l'Eglise d'Aix et Hugues, récemment élu archevêque de la cité des Tours (1), possédaient à Bormes et dans son terroir.
Le total était estimé à cinquante livres de revenu annuel , somme assez considérable pour l'époque.
(1) C'était aussi a cette époque l'un des noms sous lesquels était connue la ville d'Aix.
Ainsi prit fin le mince état d'Hyères , qui datait de l'année 1140. De tous les actes de souveraineté attribués aux seigneurs de la maison de Foz , le plus important et celui qui prouve le mieux la considération dont jouissaient les enfans d'Amelin et d'Adélasie de Laidet , c'est une trêve signée par le roi Pierre d'Aragon et Roger d'Hyères, par laquelle ils rétablissent réciproquement le commerce entre leurs sujets respectifs. Le traité original existait encore, à l'époque de la révolution de 1793 , dans les archives de Montpellier.
On doit penser cependant que les seigneurs de Foz ne furent pas sensibles à la perte de Hyères et de leur souveraineté autant qu'on pourrait le croire ; car on les vit se dévouer tout-à-fait à la cause de leur nouveau maître.
Roger , accompagné de ses deux enfans, fnillaume de Foz et Philippe de Lavena , suivit Charles à la conquête de la Sicile , et celui-ci les investit de tant de confiance , qu/il
nomma Philippe grand sénéchal et gouverneur de Provence. Plus tard , et lors du fameux combat qui devait avoir lieu à Bordeaux , entre lui et le roi d'Aragon, il choisit encore Philippe et le plaça parmi les cent gentilshommes qui devaient l'assister dans cette entreprise chevaleresque. Puis, si l'on veut suivre cette noble maison d'Hyères dans sa période de décroissance, on la voit s'allier , se fondre, s'étendre, et enfin disparaître parmi les plus illustres de la comté.
Mais le récit des faits n'établit pas seul l'existence historique d'une ville ou d'une contrée , les travaux de la paix sont bons aussi à consulter : ce sont, en général, les meilleurs témoignages de l'état de prospérité ou de civilisation où ont pu parvenir nos anciennes cités déchues de leur puissance.
Nos vieux ports, aujourd'hui comblés ou déserts , d'innombrables églises édifiées, tant de collégiales , de couvens , d'hôpitaux , des léproseries , les dotations qui les enrichis-
saient, sont des jalons certains qui nous guident encore à travers les ténèbres du moyen âge , et nous permettent de reconstituer la vie industrielle et artistique des populations qui s'agitaient en ces temps-là , sur une terre incessamment ébranlée de commotions intestines.
A défaut de monumens paléographiques , qui sont rares en Provence , jetons les yeux sur les ruines qui sont encore debout. Que pouvait être Hyères dans le douzième siècle?
Une ville presque maritime ; car nous verrons un peu plus tard , dans les Mémoires du bon Joinville , que Saint-Louis arriva au port d'Hyères devant le chastel. Sa population devait être assez considérable ; car à cette époque , je suppose qu'existait la seconde enceinte de ses murailles, et j'ai relevé scrupuleusement les noms de plus de vingt familles de noble origine , dont elle était alors le séjour et qui y vivaient sous le haut patronage de la famille de Foz , dont
les desccndans avaient conservé le titre de co-seigneurs , dédommagement laissé à leur amour propre par la bienveillance des Comtes de Provence. Son commerce était assez étendu. On sera convaincu que cette assertion n'est pas dénuée de fondemens, si l'on veut bien se rappeler la trève et le traité de commerce avec le roi d'Aragon , mentionné quelques pages plus haut ; les départs pour la Terre-Sainte , le retour des pélerins qui , après une longue et dangereuse traversée, saluaient avec amour ce ciel, cette terre de Provence , dont l'aspect et la végétation , pour ainsi dire orientales , leur rappelaient des souvenirs touchans ou aventureux ; et puis les Templiers , riches et hautains, avaient ici leur demeure. Raymond Beranger tH , leur avait concédé la délicieuse vallée de Sauvebonne , et là , ils avaient su trouver le luxe et le laisser aller de la vie d'Orient.
Les Templiers ! princes de militante, tombés si bas ; joyeux convives , dont les
vastes réfectoires (1) furent changés en étables grandes et commodes, comme le leur prophétisait un pauvre Cordelier à la parole puissante et inspirée. Puis il y avait encore , à deux lieues de la ville , un asile où se glissaient, inaperçus , les hommes atteints
(1) Outre les terres de Sauvebonne, où les Templiers avaient élevé de somptueuses constructions, dont j'ai vu et reconnu les débris dans une fouille entreprise , il y a quelques années, par le propriétaire actuel d'une partie de cette vallée , ces chevaliers avaient construit une église qui porte encore leur nom.
« On remarque dans cette ville ( dit Expilly « dans son Dictionnaire des Gaules, en parlant « d'Hyères ), une ancienne tour qu'on dit avoir « appartenu aux Templiers, au bas de laquelle « est une chapelle voûtée , et au dessus une « longue et magnifique terrasse où l'on monte a par un escalier pratiqué dans l'épaisseur des « murs, qui sont d'une structure si admirable « qu'ils semblent n'être faits que d'une seule « pierre. »
Cette église sert aujourd'hui d'hôtel-de-ville.
L'escalier subsiste encore, au moins en partie; mais la terrasse a été détruite.
des maladies de l'Orient. C'était une léproserie, presqu'attenante au château des Bormettes ; elle était séparée de la ville par de grands bois et des marécages. Triste séjour , que respectaient les Sarrasins euxmêmes , quand ils débarquaient sur la côte !
Du milieu de cette triste retraite s'échappaient des cris de souffrances et des pleurs ; dans la ville se faisait sentir l'influence poétique et littéraire de la gaie science, cultivée et protégée par la dame Mabille. C'était le siècle des cours d'amour , des jongleurs et des chanteurs. Deux troubadours célèbres , qui ilorissaient à peu près vers cette époque , avaient pris naissance à Hyères, et l'habitaient ou y revenaient à de courts intervalles : c'était Guillaume et Rambaud , qui lais.
séreiit de nombreux imitateurs. Il reste d'eux quelques fragmens cités , je crois, dans Millot et dans l'ouvrage Haynouard.
J'avais oublié de parler d,s disputes théologiques , et des discussions suscitées par
des intérêts purement matériels qui s'élevèrent au sein d'un couvent d'Augustin , à Porquerolles , entre ces religieux et les moines de l'île de Lerins. Je dirai en peu de mots le sujet de cette querelle , parce qu'elle établit d'une manière certaine, un fait historique : la continuation des excursions maritimes des Mahométans sur les côtes de Provence. En 1198 , les Maures d'Afrique, ayant effectué une descente dans l'île Porquerolles , emmenèrent en esclavage tous les habitans sans distinction , et entr'autres des moines de Lerins qui avaient là une succursale de leur couvent, datant aussi d'une haute antiquité , puisque Théodore, deuxième évêque de Fréjus, était abbé des îles d'Hyères, en 426. Le couvent n'offrait plus que ruines et solitude , quand des religieux réguliers , de l'ordre de Saint-Augustin , songèrent à l'habiter , ce qu'ils firènt avec l'agrément du pape Innocent III, qui n'avait
pas vu grand inconvénient à cette occupation d'un monastère abandonné. Mais au bout de quelques années , les moines de Lerins en jugèrent autrement, réclamèrent contre un acte «qu'ils regardaient comme une usurpation flagrante , et appuyèrent leurs réclamations de manifestes , auxquels répondirent vivement les religieux de Saint-Augustin. Les esprits s'aigrirent et se divisèrent dans la contrée , pour ou contre les derniers occupans ; et les choses en arrivèrent à ce point, que le SaintPère donna mission aux évêques de Marseille et d'A gde, d'informer sur cette affaire et de régler la querelle. Les prélats le firent à l'avantage des anciens possesseurs , qui rentrèrent dans leur propriété , mais pour en être arrachés quelque temps après , à la suite d'une nouvelle apparition des Maures sur la côte.
Avant cette fatale contestation élevée , comme on le voit , au sujet de quelques vieilles murailles appartenant à des gens d'église , une propriété plus importante était
devenue l'objet d'un litige bien autrement difficile à terminer, Il s'agissait des salines de la ville d'Hyères , source inépuisable de richesses pour leurs propriétaires. Elles avaient été aliénées , dans le temps , du domaine de la couronne , par les princes catalans.
Pendant leur séjour à Brignoles , Charles et Béatrix les revendiquèrent. Après de longs et inutiles débats , les concessionnaires se virent forcés de faire hommagi de leur propriété au comte de Provence, et de lui livrer annuellement trente mille olles ou pots de sel à titre de redevance.
En récapitulant ce qu'on vient de lire , en se rappelant les tableaux d'intérieur que je viens de présenter. Qu'on le dise : ne voilà-t-il pas bien des élémens d'agitation , de vitalité et de mouvement pour tout un siècle , dans une faible localité ? Pauvres scènes d'un drame de famille , aussi intéressantes aux yeux de ceux qui y jouaient un rôle , que ce grand événement qui avait
jeté l'Europe sur l'Asie , ce bouleversement et heurt des hommes et des choses qui , dans l'ordre éternel, devaient préparer une nouvelle ère de civilisation. Aussi les contes populaires qui datent de cette époque, se ressentent-ils déjà du contact avec les Arabes. On trouve dans ces grossières ébauches , comme un reflet des couleurs de l'Orient. L'histoire du Jardin de la Croix de fer, est certainement une des traditions où domine le plus l'imagination asiatique. Or, je m'en vais la dire comme on la raconte à Hyères , où elle passe de bouche en bouche , probablement depuis des siècles.
La fille d'un duc d'Afrique , belle et fraîche surtout comme une hourri de l'Occident, avait eu le bonheur d'être confiée à une nourrice chrétienne qui l'avait baptisée en secret.
Grand bien lui en. advint , car elle inspira une vive passion au génie ou au démon des tempêtes et des vents , comme on voudra l'appeler. Pour plaire à la princesse , cet
amant d'une espèce nouvelle, s'y prit de vingt manières différentes. L'une des formes les plus heureuses , selon nous , sous lesquelles il lui apparaissait pour la séduire , était celle du Zéphir d'Orient ; pendant les ardeurs du soleil d'été , tout embaumé du parfum des roses et des jasmins , il se glissait auprès d'elle sous les épais feuillages dw sycomore et du platane et la rafraîchissait mollement , en se jouant amoureux et timide dans sa longue chevelure ; d'autres fois plus impétueux , indiscret, plein d'audace
il excitait chez sa belle maîtresse les folles joies et les rires , auxquels passé quinze ans , la jeune fille devenue réservée sans motif et grave sans réflexion craignait déjà de s'abandonner ; d'autres fois encore , vibraDC des sons harmonieux de quelques sérénades castillanes , porté sur les ailes des vents da Nord , il charmait son oreille et commençait sur ses sens endormi s un système de séduction d'autant plus difficile à combattre , que
l'ennemi était invisible. Puis enfin tout chargé des soupirs amoureux des Abencerages de Grenade , les plus tendres et les plus discrets des chevaliers maures , il berçait son ame de voluptés indicibles et de molles langueurs. S'il la réveillait , c'était au bruit adouci du tambourin et des fifres joyeux de Provence , ou à celui des castagnettes catalanes ramassées sur les côtes occidentales de la Méditerranée, et apportées tout exprès pour la provoquer, à son insu , aux plaisirs si vifs de la danse et des courses légères.
Aussi , par une belle nuit d'Afrique , c'est-àdire quand l'atmosphère avait déposé sur les fleurs et les gazons ses abondantes rosées , quand la lune flottait pure et radieuse dans l'immensité des cieux , à l'heure où le rossignol chantait, à l'heure où les bruits divers s'éveillent pour remplacer le silence du jour , à l'heure enfin , où l'on vit en Afrique , la jeune et belle Mauresque , tantôt rêveuse et languissante, mollement reposer
sur des coussins soyeux , tantôt bondissant avec ses compagnes dans les immenses jardins de son père , s'abandonnait sans réserve aux impressions variées auxquelles son ame était devenue si accessible, tantôt elle versait des larmes solitaires ; tantôt elle s'enlaçait , innocente mais enflammée , au col de sa gazelle favorite, qu'elle couvrait de baisers. Si aujourd'hui elle affectait de graves pensers , demain elle demandait avec instance ces plaisirs bruyans qui trompent les vagues douleurs de l'ame. Seulement les obsessions et les inquiétudes cessaient dès que machinalement et comme au hasard , ses doigts avaient tracé sur le sable ou seulement indiqué sur elle-même le signe de la croix de notre Sauveur. Le calme rentré dans son esprit, plus d'une fois elle s'était prise à avoir honte de ses innocens égaremens.
Le duc d'Afrique qui ignorait totalement cette circonstance , la seule qui eût pu l'éclairer sur l'état véritable d'une fille qu'il
adorait, le duc d'Afriqu, excellent observateur comme sont tous les pères de ce pays là, jugea que quelque douleur qu'il put lui en coûter , il devait songer à chercher un époux pour la princesse qui commençait à perdre sa fraîcheur ; elle venait d'atteindre sa quinzième année, et tout le monde sait qu'en pays mauresque , cet âge-là n'est déjà plus le bel âge de l'innocence et de la candeur. Quoiqu'il en soit, son choix se fixa promptement sur un prince , son voisin , dont les états s'étendaient par delà les déserts limitrophes de ceux du prêtre Jean. Lçs accords furent bientôt faits. Les ambassadeurs échangèrent des présens et le père accompagna sa fille jusque vers une oasis située au milieu d'un océan de sable de plusieurs centaines de lieues d'étendue, pays verdoyant qui avait été désigné comme l'endroit le plus propice à la réunion des deux monarques et le plus rapproché de leurs états respectifs. Personne n'avait songé à l'intervenlion
de l'amant jaloux dont nous avons d'abord entretenu nos lecteurs. Cependant ce noir génie du mal suivait, depuis plusieurs jours, la caravane sous la forme d'un immense nuage ; lourd et accablant , de son ombre immense il couvrait tout le désert et lui donnait un aspect plus effrayant que de coutume, bientôt l'eau vint à manquer et le météore ne semblait point recéler dans ses flancs la pluie bienfaisante et désirée de tous. Des langues de feu paraissaient s'en échapper par intervalles, et elles calcinaient le sol sous les pas des voyageurs. Les ch ameaux tourmentés d'une soif inaccoutumée , se laissaient tomber sur le sable et périssaient sous les coups de leurs conducteurs , auxquels le désespoir semblait redonner quelqu'énergie. Les chevaliers africains , qui accompagnaient leur duc , succombaient sous le poids de leur armure ; les chevaux , qui s'abattaient par intervalles , léchaient pour se désaltérer une grève brûlante et mouraient en s'épuisant
dans une longue et violente agonie. Les capidji , les bachi, les ichoglans, et toute l'escorte obligée d'un prince de l'Orient , restaient en arrière, et à courts intervalles jonchaient la terre de morts et de mourans.
Occupé uniquement de la conservation de sa fille et oubliant ses propres souffrances, le vieux duc marchait à la portière du palanquin, essayant de soutenir son courage , quand enfin se déchaîna la tempête : un vent sec et violent ,chaud comme l'air embrasé qui sort d'une fournaise, accourut du fond de l'horizon , soulevant sur son passage d'énormes vagues de sable ; le ciel s'obscurcit , l'atmosphère devint épaisse et solide comme quelque chose qu'on pouvait saisir mais non repousser, quelque chose d'insolite semblable à un lourd manteau dont on ne pourrait se débarrasser , quelque chose de mortel comme une muraille qui vivant vous serrerait peu à peu de toutes parts , et vous engloutirait suc-
combant par degrés au poids et aux angoisses.
Chacun se jeta à terre , selon l'usage et surtout l'instinct de la nature , cachant sa tête pour garantir ses yeux et se ménager la faculté de respirer encore quelques minutes ; avec tout cela ce n'était point comme un orage sur mer , où les cris se confondent, où les flots mugissent, où les cordages sifflent , où les planches craquent, où tout vous indique que vous n'êtes point seul livré à la colère des élémens ; mais un silence terrible , un long et lourd silence.
Le palanquin est renversé. La jeune fille, lancée loin de son père , est emportée , sans toucher le sol, par un immense tourbillon.
Pendant trois jours et trois nuits , elle tournoya au-dessus des terres et des mers , la trombe immense , aspirant tour à tour les sablas et les flots. Enfin , au milieu de mille tortures , dans ce moment oii , sur le point de nous échapper , notre ame se replie avec
tant de vitesse sur la vie passée, la pauvre païenne oubliant ses fausses croyances , se rappela le signe sacré que la nourrice chrétienne avait enseigné à ses jeunes mains , et elle retrouva assez de force , la malheureuse enfant, pour faire le signe de croix. Tout à coup , comme par enchantement, le tourbillon se dissipe ; un corps , de forme charmante , mais meurtri, souillé d'une vase impure , est déposé sur le sol d'une riante et belle prairie, sur un gazon doux comme un lit de velours.
C'était à Hyères , à la fin du 12me siècle, époque à laquelle les jardins d'orangers n'étaient point encore plantés , que se passait cet étrange événement. Mais quelque longue qu'elle soit, l'histoire n'est pas finie ; et je ne prétends nullement faire grâce de sa partie la plus piquante et surtout la plus véridique : or , le père de la princesse avait été sauvé , par je ne sais quel miracle , de la mort certaine qui le menaçait ; de retour
dans sa capitale , il avait dépêché des exprès dans toutes les contrées du monde connu , pour avoir des nouvelles de sa fille. Il avait fait publier la perte qu'il déplorait, promettant de grandes récompenses à qui saurait lui dire ce que sa belle fiancée était devenue ; et faisant vœu , en outre , si on la retrouvait dans une terre chrétienne , de faire fondre une croix d'argent de la taille de la princesse , et d'une grosseur proportionnée.
Or , quand il sut que la dépouille de son enfant bien aimé avait été recueillie sur les côtes de Provence , et qu'elle y avait reçu une honorable sépulture , il vint à Hyères pour y accomplir son vœu ; mais les habitans lui représentèrent avec prudhomie, dit la légende traditionnelle , qu'une croix d'un métal aussi précieux que l'argent leur attirerait probablement de nombreuses visite?
de la part des pirates qui infestaient leurs mers, et que s'il voulait absolument élever le monument projeté , il fallait qu'il leur
laissât aussi une armée pour le garder. Alors le duc trouvant la raison bonne , consentit à substituer une croix de fer à la croix d'argent , faisant don des sommes qu'elle eût coûtées, aux églises et aux couvens. Il est vrai de dire que , quelque persévérance que nous ayons pu mettre dans nos recherches, nous n'avons point trouvé encore les actes de donation.
Les bonnes gens du pays attestent avoir vu cette croix monumentale posée, disentils, sur une large pierre artistement travaillée , et sur laquelle quelques caractères inconnus étaient gravés. L'un et l'autre ont disparu ; je ne sais trop si l'on n'accuse pas aussi la pauvre révolution du méfait, Personne n'avait pu déchiffrer les caractères tracés sur la pierre ; mais quant à la croix , tout le monde assure qu'elle était haute de six pieds. Ce qui prouverait au besoin que la princesse était d'une taille fort remarquable.
Je ne ferai donc ni de plus longs ni de plus graves commentaires sur ce conte digne de la collection des contes bleus ; et je suis persuadé que le lecteur saura préférer à ce récit , celui si simple et si naïf de Joinville rapportant en termes fidèles le retour du roi Saint-Louis ; car nous sommes arrivés , en prenant nos aises et nous promenant tour à tour de l'histoire à la fable et de la fable à l'histoire, au 12 juillet de l'année 1254; époque mémorable où l'on vit apparaître dans nos eaux une pauvre flotte bien mal traitée , qui venait de mettre deux mois et demi à parcourir une espace qu'on traverse aujourd'hui en moins de cinq jours. L'une de ces nefs portait la fortune de la France : le roi Louis IX la montait avec sa femme et ses trois enfans ; et de quatorze navires qui composaient la flotte , c'était celui qui offrait la, plus triste apparence. Le saint roi n'avait pas voulu en descendre , quelques représentations qui lui eussent été faites ;
il n'avait pu se résoudre à abandonner, à Chypre, tous ceux qui l'accompagnaient, et aux pressan tes sollicitations qu'on lui adressait , voici quelle fut la fin de sa réponse : « Pourtant vous dy , que j'aime mieux « mettre moi , la reine et mes enfans en « dangers et en la main de Dieu , que de « faire tel dommage à si grand peuple comme « il y a céans. »
Au bout de six semaines , continue le bon sénéchal , qui a recuilli et relaté ces belles paroles et ce trait si peu connu : « Au bout « de six semaines que nous eumes été en « mer à nager , arrivasmes au port d'ilyères, « devant le chastel qui était au comte de « Provence qui fut depuis roi de Sicile. »
Si l'on veut bien se rappeler que la transaction passée entre les enfans d'Amelin de Foz, date de 1257, on ne pourra s'empêcher de relever ici une légère erreur de Joinville : c'est que Hyèrcs , à cette époque , appartenait encore à ses princes par-
ticuliers. Il est vrai de dire que la réception si noble el si courtoise de Bertrand et de Roger , put donner le change au roi de France et lui laisser croire qu'il avait débarqué sur les terres de son frère. On rapporte qu'un bâteau pêcheur , qui levait ses filets non loin du lieu où la flotille avait jeté l'ancre, ayant raisonné quelques uns des bâtimens qui se trouvaient les plus proches , et voyant les préparatifs du débarquement, se hâta de retourner en ville pour prévenir les habitans des projets du roi.
A cette nouvelle inattendue , la bannière de France fut déployée sur le donjon du château , et le peuple se porta en foule sur les remparts pour saluer à son passage le frère du comte de Provence. « Eh ! sire , « véez-vous pas le pavillon de France qu'on « a hissé sur le donjon du castel. » Ces témoignages d'honneur et de bon accueil achevèrent peut-être de décider le roi à
quitter sa nef ; car jusques-la il n'avait pas paru bien disposé à se rendre aux vœux de la reine et de son conseil, qui le pressaient de mettre pied à terre , fatigués qu'ils étaient d'être ballotés par les flots depuis si long-temps.
« Mais le roi dit qu'il ne descendrait pas , « tant qu'il fut en Aigues-Mortes qui estait « sa terre ; et sur ce différend , ajoute le « bon sénéchal de Champagne , nous tint « le roi , le mercredi et le jeudi , sans « que nul le put faire accorder à soy des« cendre ; et le vendredi comme le roi était « assis sur ung des bancs de la nef, il me « appela et me demanda conseil , s'il de« vait descendre ou non ; et je lui dis : « Sire, il me semble que vous devez des« cendre ; et que une fois madame de Bour« bon étant à cest même port ne se voulut « descendre , ains se remit sur mer pour « aller en Aigues-Mortes , mais elle de« moura bien sept semaines et plus sur mer.
« Et adonc le roi. à mon conseil, s'accorda « de descendre à Yères , dont la royne et « la compagnie furent très joyeux. » Le lecteur me permettra sans peine de laisser toujours parler le bon Joinville , et je compte même qu'il me saura gré d'avoir conservé son langage, sans l'altérer en rien dans le récit suivant : « Au chatel d'Yères sejourna donc le « roy, la royne et leurs enfants, et nous « tous, tandis qu'on pourchassoit des che« vaulx pour s'en venir en France, l'abbé « de Cluny, qui fut depuis évêque de l'O« lîve, envoya au roy deux palafroyâ , l'un « pour lui, l'autre pour la royne, et di« sait on alors qu'ils valoient bien chacun « cinq cents lïvréS , et quant le roy eut « prins ces deux ehevaulx, l'abbé lui requist « qu'il peust parler aVecques lui le lénde-
« main touschant ses affaires, et le roy le « lui octroya. El quant vint au lendemain , « l'abbé parla au roy qui l'escouta longue-
« ment et à grant plaisir. Et quant celui « abbé s'en fut parti, je demanday au roy , « savoir si je lui demandoie quelque chose « a reconnaître , s'il le feroit, et il me dis .< que ouy voulentiers. Adonc je lui deman« dai, sire, n'est-il pas vrai que vous avez « escouté l'abbé de Cluny aussi longuement « pour le don de ses deux chevaulx ? Et le « roy me respondit que certes ouy. El je « lui dis que je lui avais fais telle demande « afin qu'il defendit aux jens de son conseil « juré, que quant ils arriveroient en France a qu'ils ne pransissent rien de ceulx qui au« raient a besogner par devant lui. Car soyez « certain fis-je , que s'ils prennent, ils en « écouteront plus diligemment et longuement « ainsi que vous avez fait de l'abbé Cluny.
« Lors le roy appela tout son conseil et « leur conta en riant la demande que je « lui avois faite et la raison de ma demande.
« Toutefois lui disrent les jens de son con-
« seil , que je lui avois donné très bon « advis » Il paraît que le roi de France, pendant son court séjour à Hyères , était destiné à entendre la vérilé sous toutes ses formes ; riante et dorée sortant de la bouche d'un courtisan ; rude et forte , jetée à ses oreilles par un pauvre Cordelier , alors de passage en cette ville où il venait sans doute visiter quelques religieux de son ordre qui depuis peu de temps y étaient établis, s'ils ne le furent plus tard (1) , comme quel-
(1) L'ordre des Cordeliers, fondé, comme chacun sait, par Saint François d'Assise , ne date que de l'année 1206 ou 1209; c'est à peu près l'époque de la mort d'Amelin de Foz, surnommé le grand Marquis. Ors'il fut enterré, comme le rapportent les historiens, et comme :en faisait foi l'inscription placée sur son tombeau , dans l'église des Cordeliers d'Hyères; il faudrait supposer que ce beau monument était antérieur à la fondation de l'ordre religieux auquel il fut donné.
Papon lui assigne seulement la date de 1290; ce qui est improbable par tous ses caractères ,
- ques-uns le croient. Avant toutefois de rap porter l'allocution de Hugues de Dignes au roi Louis IX , je serais tenté , d'après Moréri et quelques autres, d'entrer dans quelques détails sur la réception brillante faite - à ce prince par les habitans d'Hyères , de raconter comme quoi la population se précipita en foule au - devant de ses pas ; comme quoi le clergé , en riches chasu-
l'architacture de cette Eglise remonte certainement à la fin du XII siècle. Cette architecture indique le passage du plein cintre à l'ogive; c'est la lutte de la forme romane contre le prétendu gothique qui, venu du Midi vers le Nord, remontait de nouveau vers l'Orient, où il avait pris naissance. En effet, cette architecture, toute à jour, dentelée, découpée, palmée, surexhausse-e, àérieime. devait sortir originairement des contrées ou l'atmosphère flotte tiéde et brillante où le culte réclame souvent le plein air, où un
peuple nombreux .se tient à l'ombre des portiques et des colonnades pour respirer plus à l'aise. Qu'qp jette les yeux sur les anciens monumens de l'Inde, de la Perse et de l'Arabie 2 et l'on sp rangera h notre avi's,
bles et robes de prix , crut devoir marcher à sa rencontre , lui onrant place sous le dais ; comme quoi le saint monarque refusa , disant : Pareils honneurs s'adressent au seul Dieu en cet univers (1).
Un seul historien , l'abbé de Choisy , si mes notes prises depuis long-temps ne me trompent point, rapporte qu'un des premiers actes du saint roi, fut de recevoir la communion dans l'église des Cordeliers. Ce qu'il y a de certain , c'est que Louis IX se plût et se reposa à Hyères pendant plusieurs jours ; que les habitans exercèrent la plus généreuse hospitalité envers les chevaliers de sa suite , que plusieurs d'entre eux , malades ou blessés , y séjournèrent beau-
(1) Il est vrai de dire que les historiens qui rapportent ce fait, n'indiquent point les sources où ils l'ont puisé ; néanmoins il est tellement d'accord avec le caractère de pieuse humilité , que l'on reconnaît à Saint Louis, que J'on a dû accepter la tradition.
coup plus long-temps ; entre autres Hugon Fabri (1) , brave gentilhomme d'origine toscane , cruellement maltraité par les armes sarrasines et incapable d'entreprendre un long voyage Saint Louis, en partant, lui laissa Dudon , son médecin , en le recommandant à l'humanité de ceux d'entre les
(1) Hugues Fabri se maria, à Hyères, en 12iH, avec une proche parente des seigneurs de cette ville , nommée Marie de Soliers , fille d'Aicard , seigneur en partie de Soliers. De ce mariage sortirent Aicard et Bertrand Fabri. Ce dernier eut pour fils Guillaume Fabri, lequel, en l'année 1304, fonda un hôpital à Hyères, destiné à recevoir les pélerins qui s'y embarquaient pour aller à la Terre-Sainte, et il en laissa le patronnage à ceux de sa famille , dit l'auteur anonyme de l'Etat de la Provence dans sa noblesse.
Selon lui, Aicard Fabri descendait de celui-ciAyant eu le soin d'élever des fortifications à la ville, premier asile de ses pères, il fit construire entre autres choses une porte qui avai1 retenu son nom. Ce monument de la reconnaissance des Fabri, n'existe plus , et la famille elle-même s'est tout-a-fait éteinte aujuurd'hui ;m moins (ltris sa branche directe.
habitans qui lui avaient offert un asile. Guéri de ses blessures,, ce Fabri épousa une demoiselle du pays , et s'y fixa. Après cette digression , nécessaire pour rétablir quelques faits altérés ou tronqués par la vanité locale, je reprends le récit de Joinville au point où je l'ai laissé.
« A Yères , dans ce moment, y avoit « nouvelles d'un très vaillant homjne Cor« delier qui alloit prêchant parmi les pays
« et se appeloit frère Hugues , lequel le « roy voulut volentiers véoir et ouïr par« 1er. Et le jour qu'il arriva à Yères. nous « allasmes, au devant son chemin et vismes « que très grant compagnie de hommes et « de femmes le alloient suivant à pied. Quant « il fut arrivé le roy le fit prêcher , et le « premier sermon qu'il fit ce fut sur les « jens de religion, qu'il commença à blâ- « mer, parce que en la compaignie du roy « y en avoit grant foison , et disoit qu'ils « n'étoient point en élat d'eux sauver ou
« que les saintes escrilures mentoient ; ce « qui n'étoit vrai ; car les saintes escritu« res disent que ung religieux ne peut vi« vre hors de son cloaistre sans chéoir en « plusieurs péchés mortels ; nemplus que le « poisson ne saurait vivre hors de l'eau sans « mourir , et la raison était. Car les reli« gieux qui suivent la cour du roy boivent « et mangeussent plusieurs fois divers vins « et viandes. qu'ils ne feroient pas s'ils « étoient en leurs cloaistres , par quoi l'aise « qu'ils y prennent les admoneste a péchier a plus que s'ils menoient austérité de vie ; « au roy après commenca-t-il a parler et « lui donna enseignement à tenir, que s'il « voulait longuement vivre en paix et pu « gré de son peuple, qu'il fut droicturier.
« Et djsait qu'il avait leu la bible et les « autres livres de l'escriture sainte : mais « que jamais il n'avoit trouvé fust entre les « princes et hommes chrétiens , ou entre les « mescréants que nulle terre ne seigneurie,
« n'eust été transférée ne muée par force « d'un seigneur à autre , fqrs que par fallte « de faire justice et droicture.. Pour ce ; fit « le Cordelier, se garde je bien le roi qu'il « fasse bien administrer son royaume de « France afin qu'il puisse jusques à ses der« niers jours vivre en bonne paix et tran« quillité , et que Dieu ne lui lolle le royaume a de France à son déshonneur et dommage.
« Le roy par plusieurs fois lui fit prier qu'il « demousrat avec lui, tandis qu'il séjour« nerait en Provence , mais il répondit tou« siours qu'il ne demourerait point en la « compaignie du roy. Cettui Cordelier ne « fut que ung jour avec nous et le lende« main s'-en alla rontremoJlL, et ay depuis « oy dire qu'il gist à Marseille là où fait « moust de beaux miracles. Après ces chou« ses le roy se partit d'Hyères et s'en vint « en la cité d'Aix en Provence pour l'hon« neur de la benoîte Magdelaine qui gis« sait à une petite journée près. »
Ici se termine le récit du sire de Joinville relatif au séjour de Louis IX à Hyères.
Il est fàcheux que Geoffroy de Beaulieu et Guillaume de Chartres , l'un confessenr et l'autre chapelain du saint roi , qui tous deux aussi, on écrit sa vie dans un ouvrage (1) que j'ai sous les yeux , n'aient point ajouté de documens à ceux laissés par le sénéchal de Champagne.
Excepté une charte de 1273 , qui se trouve dans les archives de Naples, et où il est fait mention de l'établissement .d'une colonie provençale dans la Pouille , établissement composé d'habitans de plusieurs villes du comté de Provence, dont les noms sont cilés , et où l'on peut lire celui d'Hyères (t)
(1) Sancti Ludovici Francorum régis, vita , conversatio et miracula.
(2J Nos ergô Isnardo de Ponteves et Thoando militibus, de eligendis et mittendis triginta focularibus in baliva Draguignani. et Artear uln.
le règne de Charles d'Anjou n'offrant plus rien qui ait un rapport direct avec cette ville, nous passerons aux actes de celui qui lui succéda sur le trône de Provence. Charles II, dit le Boiteux , était décoré du vain titre de prince de Salerne , et subissait une pénible captivité , quand la mort de son père lui donna outre la couronne , la liberté qui ne lui fut rendue qu'à des conditions plus pénibles encore que la prison , toutefois il y souscrivit et laissa en ôtage plus de cinquante gentilshommes provençaux des plus qualifiés , parmi lesquels on comptait un des co-seigneurs d'Hyères, Depuis 1273 jusqu'en 1307 , l'histoire ne mentionne donc plus cette ville (1J, sa noblesse ou ses vilains,
(1) Cependant on trouve dans Nostradamus, que pour satisfaire aux pieuses intentions de la dame Sybille qui avait fait don à Charles I" de la ville de Toulon qu'elle tenait en héritage de Jauffred, son père,, seigneur de cette ville, on trouve dis-je que dans une lettre patente
mais alors arriva l'événement le plus remarquable pour la chrétienté, événement que préparait la cour de France pendant la dernière année de la vie de Charles , et où Robert , son fils, fut appelé à jouer un des plus nobles rôles. Je veux parler du procès fameux qu'on instruisait contre les Templiers , ordre célèbre où les Provençaux dominèrent par le nombre et l'illustration.
On. n'a point oublié que ces chevaliers possédaient de grands biens à Hyères ; lorsque la fatale et injuste ordonnance qui les frappait dans leur fortune ainsi que dans leur honneur fut connue , le 24 janvier 1307 les trouva , au nombre de huit, dans la ville qu'ils avaient eacbellie de monnmens
de Charles II ce prince ordonne que quelques sommes soient payées aux frères mineurs d'Hyèrés : « pour êtrè employé à l'achept des livres « rèquis au service de Dieu et aux heures cao ribniales présentes de l'église ce qui fut de « point en point exécuté. »
pieux et qu'ils vivifiaient grâce à leur généreuse libéralité.
Heureusement qu'en 1308 Robert eut moins à eoeur de plaire à Philippe-le-Bel que Charles , son père , qui lui était lié par la reconnaissance et par le sang. Les Templiers furent, en Provence comme partout ailleurs , dépouillés de leurs richesses ; mais délivrés d'une étroite prison par les ordres de Robert , ils ne furent ni poursuivis ni maltraités ; on peut même rendre cette justice au prince qu'il mit leur vie sous sa protection. Il leur fut donc permis d'achever paisiblement une existence (1) qui n'était plus enviée , ni menaçante au milieu des autres habitans des villes et bourgs de Pro-
(1) On a conservé les noms de trois de ces chevaliers religieux sécularisés qui vinrent à Hyères. Ce sont les frères Arnaud , Pierre-Jean de Montmeillan et Raymond de Angulus.
If ( Voyez Honoré Bourliu. )
vence , dont ils percevaient naguères la plus grande partie des revenus.
Il existe encore ici une longue lacune historique ; et, si ce n'est quelque concession de terrain , quelque inféodation ou aliénation de certaines parties du domaine de la couronne , il n'y a rien de remarquable à dire sur la communauté.
Ainsi la reine Jeanne cède à Guillaume Roger, père de Raymond de Turenne, sujet rebelle et turbulent, selon les historiens
le château d'Hj ères , qu'elle reprend peu de temps après. Il existe un immense domaine qui s'étend vers le nord et le nordest de la ville , connu de temps immémorial sous le nom de Fôret des Maures , elle le démembre en faveur des habitans de la contrée. Ceux d'Hyères jouissent des parties les plus rapprochées ; ceux de Pierrefeu sont investis de quelques droits de pâturage et glandage , sources éternelles de procès entre les deux communautés. Moyen-
uant une redevance de quinze ducats d'or , la comtesse souveraine de Provence , célèbre par ses désordres et sa prodigalité, se dépouille du droit de récolter le vermillon sur les bois de chênes, dit Kermès, arbres qui bordent le littoral et qui recèlent une précieuse couleur. Puis enfin , elle bat monnaie , en abandonnant , pour une misérable somme de cent florins , le droit de pêche sur l'étang long d'Hyêres , aujourd'hui desséché et livré à la culture.
Il y a sans doute dans tout cela quelques biens matériels pour la communauté, mais nul intérêt pour le lecteur. Cependant, s'il veut suivre à peu près le fil des évènemens , il est nécessaire qu'il sache que le château revint par capitulation à ses légitimes possesseurs ; et que, par un revirement de fortune qui n'était pas rare dans ce temps-là , la milice d'Hyères fut appelée à se réunir à celle de Toulon , d'Ollioules
et autres lieux d'alentour pour marcher contre le château des Baux , où venait de s'en fermer Raymond de Turenne , dont la tête était mise à prix.
C'est à cette même époque de brigandages et de rapines , que se rapporte un acte de 1395, par lequel les propriétaires des salins d'Hyères (t) firent un présent de cent soixante mille pois de sel au sénéchal de Marie , pour le rachat du château de Bréganson , qu'occupait alors Balbe Spinola : afin qu'ils n'eussent empêchement et destorbier
(1) Cet établissement remonte à une assez haute antiquité, puisqu'en 1290 , on voit que Charles II, comte de Provence et de Forcalquier , permet à quelques habitans d'Hyères d'aller fabriquer du sel dans le même emplacément où sont aujourd'hui les salins , sous la condition d'une rétribution qui avait été fixée à la moitié du produit, et encore de transporter cette moitié à Hyères.
( Archives de la préfecture des Bouchesdu-Rhône , registre 3. )
à la récolte de leur sel. Voilà bien , si je ne me trompe , le moment de couper un récit aride et fatigant , en traçant en quelques mots l'histoire des vicissitudes de cette forteresse qui suivit presque toujours la fortune de la ville d'Hyéres.
A trois heures de marche environ , vers l'est sud-est en suivant le littoral , se détachent , sur l'horison bleu de la mer , les blanches murailles du fort de Bréglnson.
Cette remarquable construction jetée sur un îlot, énorme rocher qui touche presqu'au continent, était connue de temps immémorial sous le nom de Pcrganlium , d'où vinrent les dénominations naturelles et successives de Perganson , Briganson , Bréganson.
On assigne à ce lieu une antique origine , ou plutôt on suppose qu'une ville romaine gissait quelque part sur le continent , en face du fort actuel. Elle aurait été appelée Pergantium , ainsi que je l'ai déjà dit. C'est encore une erreur qu'il importe de relever.
Il n'y a jamais eu là, une habitation assez considérable pour mériter le titre de ville ; c'est ce que je pourrais prouver au besoin.
La côte était parsemée de métairies : les terres de la Londe, de Léoube et autres , offrent des vestiges nombreux de l'occupation de quelques colons romains. Beaucoup de géographes , et d'historiens qui avaient dû s'occuper de géographie ancienne , trompés par des rapports où l'importance des découvertes archéologiques faites en ces lieux était fort exagérée , avaient désigné cette plage comme le lieu où avait été bâtie Olbia.
Mais je le demande pour la seconde fois : quel rapport peut-il y avoir entre une ville fondée par une colonie grecque , et des restes de la civilisation romaine ?
Ce qui existe de plus certain sur Pergantium , c'est qu'il est fait mention , au commencement du dixième siècle , de la forteresse qui porte ce nom , et que sa position est bien déterminée.
Protectrice ou menaçante , selon qu elle était bien ou mal occupée , elle fut regardée comme d'une haute importance par tous les hommes de guerre qui jouèrent un rôle dans l'interminable histoire des troubles de Provence. Tout porte à croire que c'est peut-être de Bréganson qu'entendaient parler Nostradamus et d'autres historiens , qui racontent que dans le courant de l'année 1198 « il ad« vint que Simon Camille , gentilhomme « génois , capitaine de quelques galleres de « la Seigneurie , courant aux côtes de Pro « vence , démolit et raza une certaine petite « forteresse plantée vis-à-vis des îles Stae« chades ou d'Or ( que le vulgaire de ce pays « appelle d'Hyères. » Il paraît que le but du capitaine gênois avait été la délivrance de quelques uns de ses compatriotes qu'Ildephons II tenait enfermés dans ce fort. Si le comte de Provence ne tira point une prompte vengeance de cette déclaration de guerre , c'est probablement que la saison s'y opposaitou
bien encore qu'il voulait rendre cette vengeance plus sûre et plus complète. Ce qu'il y a de certain , c'est que l'été suivant il envoya en mer Pierre de Médids. gentilhomme de Toulon, et Montolieu , de Marseille , a la tête de quelques galères et de quatre gros vaisseaux ronds, bien armés et munis de toutes les machines que l'usage de ce temps requérait ; avec l'orJre formel d'attaquer les Gênois partout où ils pourraient les rencontrer.
Ces deux capitaines , très expérimentés , comme les qualifie le chroniqueur , rentrèrent bientôt à Marseille , après avoir châtié sévèrement les ennemis de leur maître , et traînant à la remorque , outre un grand nombre de prisonniers qu'ils avaient fait passer sur leurs propres navires , une pesante et lourde masse de nef appelée Bocca Negra ( nom de terreur et d'effroi , ajoute le bon historien ), et deux autres navires chargés de marchandises de grand prix et d'armes de toute espècp, Quelques personnes prétendent cependant, et
peut-être avec quelque raison aussi , que ce fut la prise du château Benat , situé sur la côte, mais plus près du village de Bormes , qui servit d'occasion à cette brillante victoire , et que le combat naval eut lieu dans ces parages.
L'un des plus terribles et des plus constans agitateurs de la Provence, avait bien compris l'importance de Bréganson , aussi ce fut une des premières places dont s'empara Raymond de Turenne , et Dieu sait - quelle garnison il y plaça ! « Lui, suivi a d'ordinaire , dit Nostradamus , de tous les « forussits, criminels etbannis du pays, etc. »
Cependant cette place ne resta pas longtemps aux mains de ses hommes d'armes.
si singulièrement recrutés ; car , ainsi que nous l'avons vu , les possesseurs des salins d'Hyères l'acquirent de Balbe Spinola , ou plutôt aidèrent à son rachat. Peu satisfaits d'un voisinage dont ils n'avaient guère éprouvé que des torts et des dommages infinis ,
ceux-ci s'arrangèrent sans doute avec les différens intendans du domaine pour le laisser sans réparation. Toujours est-il vrai que vers la fin du seizième siècle , le fort de Bréganson n'offrait plus qu'une triste mais pittoresque ruine , quand un vieux capitaine , venu de la Haute-Provence le choisit pour asile.
Cet homme, qui appartenait à la maison des Gasq , famille noble de Manosque , avait eu de puissans motifs, sans doute, pour s'expatrier et chercher la solitude. L'on assurait que ce n'étaient point des mains pures d'un sang ami qui réédifiaient ces vieilles murailles et reconstruisaient à la longue et avec tant de peine , une enceinte autrefois formidable. Pourtant il paraît que son crime n'était point irrémissible aux yeux de Dieu , puisque sa conscience retrouva la paix qui semblait l'avoir abandonné , et qu'après avoir long-temps appréhendé la présence des hommes, on le vit les rechercher de nouveau.
Sa bienveillance généreuse s'étendit sur tout
ce qui l'entourait , et plus d'un bâtiment , forcé de relâcher dans ces parages déserts , soit pour échapper à des actes d'une audacieuse piraterie, soit pour se mettre à l'abri des tempêtes , ou pour faire des vivres , ne réclamèrent jamais vainement sa protection.
Tant qu'il vécut, le patronnage du vieux Gasq fut prisé , et l'on sait qu'il mourut riche , puissant et honoré. Au reste , je reviendrai plus tard sur ce point important de la côte, auquel le fil des événeméns historiques m'a forcé de donner en ce moment quelque attention. Après tout, cette digression n'était point un hors-dœuvre , Bréganson et Léoube , qui ne font plus partie aujourd'hui du territoire d'Hyères , ayant été jadis dei fiefs et arrière-fiefs dépendans de cette seigneurie. Ainsi je suis arrivé , sans matériaux bien importans , au règne agité deLouis II (1 ),
(<) Sur la fin du règne de Louis Il et des dernières commotions occasionnées par Ladisbs,
auquel vonl bientôt succéder Louis JlI.
René et Charles , le dernier comte de la maison d'Anjou.
Raymond de Turenne et Charles de Duras, il n'est plus guères fait mention d'Hyères ; cependant je ne dois pas terre que , dans le cours de l'année 1410, le comte de Provence étant parti pour Naples, une portion de la noblesse qui lui était fi,dèle fut bientôt forcée de s'assembler à Toulon, et de prendre de promptes et énergiques mesures pour s'opposer à une descente sur les côtes, que méditaient les Génois, alliés du prétendant. Ces dispositions furent sans résultat, parce que la flotte ennemie éprouva, dans la rade d'Hyères, une tempête si violente, « qu'une nef périt, et s'enfondra, s'étant échouée « sur la plage, et que les autres , jetées et disa persées au loin, ne purent arriver à leur des« sein. »
Le règne de Louis III ne nous offrant aucune particuliarité relative à Hyères ; jusqu'au règne de Réné , les documens viennent encore à manquer , quoiqu'il dut en être autrement, s'il fallait en croire ces paroles textuelles d'un des plus vieux historiens de la Provence : « Il n'y « avait maison noble en ce pays , qui n'eût un « registre en forme de roman , contenant les
Mais revenons. avec quelques détails sur cette rapide esquisse, et examinons d'abord quelle fut la cause des troubles qui agite-, rent l'état, pendant les trois ou quatre règnes, que je viegs de mentionner plus haut.
Cette cause a été jusqu'à présent si singulièrement appréciée par les historiens pro,vençaux , toutes les fois qu'ils ont eu occasion d'entamer le récit de longs et sanglans démêlés, suscités, ajoutent-ils généralement.
par l'ambition , l'avidité et la félonie de Raymond de Turenne, qu'il n'est peut-être pas mal que nous en fassions l'objet d'une scrupuleuse investigation.
C'est contre mon habitude et contre la résolution que je me suis imposée , de ne
« hauts faits et tes nobles services de ses an« cètres, rendus à nos comtes, aux conques« tes deNaples, de Jérusalem, de Sicile, d'Ar« les, de Nice, des vicomtés de Marseille, d'Hyé« res, de Vintimille, de Tende, contre Char« les de Duras , le vicomte de Turenne et tels autres occupa leurs de leurs étals. »
point me jeter dans le vaste champ de l'histoire générale de la province , que j'entreprends l'excursion dans laquelle je prie le lecteur de me suivre ; cependant , comme cette digression a ses bornes , et qu'elle peut servir à jeter un nouveau jour sur les scènes d'atrocités inouïes et de mauvaise foi réciproque , qui caractérisent tout-à fait cette époque malheureuse ; je n'hésite point à l'introduire. D'ailleurs un grand nombre de villes ou bourgs , dont j'aurai à faire mention dans le courant de cet ouvrage , ont joué un rôle plus ou moins important durant celle période , je veux qu'on sache bien à quoi s'en tenir sur la série des faits antérieurs à la lutte du sujet contre le prince , et sur les prétentions affichées par les deux partis. Quant à moi, je commence par déclarer que les réclamations faites par Raymond de Turenne me paraissent justes et bien fondées ; mais comme cette opinion attaque le témoignage à peu près unanime des bis-
toriens du pays (t), et qu'on ne manquera pas de l'appeler paradoxale, voici les pièces du procès dépouillées de toutes les exagérations des factums et des manifestes de cour : que chacun se fasse juge.
La reine Jeanne , mue par le puissant intérêt qui l'engageait à se ménager les bonnes grâces du pape Clément VI, avait cru devoir céder au comte Roger de Beaufort, parent du souverain pontife et père de Raymond de Turenne, des biens forts considérables. Leur valeur avait cependant été à peu près payée , soit en bons offices auprès du saint père , soit en argent , et la reine en avait solennellement interdit toute revendication de la part des agens de son domaine.
Malgré cette déclaration , en opposition directe , il est vrai, avec un autre acte, bien postérieur , émané aussi de la cour d'Avi-
(1) Gaufredy seul m'a semblé rapporter les faits d'une manière impartiale.
gnon, qui déclarait le domaine comtal inaliénable , à la réserve de cette dernière ville , qu'elle regardait , dis-je , comme bien et dûment acquise ; malgré cette déclaration , la foi jurée, et le besoin de maintenir la paix , Louis Ier, fils adoptif de Jeanne , prit possession à main armée des terres et châteaux du pays de Provence qui , par droit de succession , venaient d'écheoir à Raymond , vicomte de Turenne.
Ce seigneur, hors d'état , pour le moment , de maintenir son droit et de résister a Louis d'Anjou , se tut , ou ne se plaignit pas trop vivement de la conduite du prince à son égard. Mais à sa mort, voyant jour à se faire restituer ses biens , il les réclama avec instance , de Louis H et de Marie de Blois, sa mère.
La régente , de son côte , jalouse de maintenir dans son intégrité l'héritage de son fils , hésitait à prendre une décision bien précise sur les demandes réitérées de Ray-
mond , et ne savait opposer à leur vivacité , qu'une lenteur toute machiavélique. C'est alors que le fier vicomte, perdant patience et se croyant joué, se jeta dans le parti des ennemis de la reine ; qu'il leva une armée payée uniquement par le produit du pillage et de la dévastation , et qu'il parcourut la Provence mettant tout à feu et à sang. Des troupes furent envoyées à sa poursuite , il y eut quelques rencontres : la conflagration devint générale.
Raymond , que la nalure avait fait homme - de guerre par dessus tout. était d'une activité prodigieuse , se multipliant, pour ainsi dire ; et se trouvant sur chaque point menacé , il surprenait et occupait alternativement les places les plus fortes et les mieux gardées, négociait avec habileté des trêves qui lui permettaient de reprendre haleine et de recommencer , sur nouveaux frais , le cours de ses vengeances et de ses déprédations. Raymond de Turenne est, avec Ar-
naud de Servolles , le captaI de Buch et quelques autres , le type de ces fameux partisans ou routiers qui , du nord au midi de la France , de la Guyenne jusqu'à la Bretagne , désolèrent les trois générations d'hommes qui se succédèrent dans le cours du quatorzième siècle.
D'ordinaire , on aime à chercher sur les traits de ces personnages à vie aventureuse , une sorte de révélation de leur étrange destinée. On veut qu'il existe dans leur regard , sur le front, dans toutes les habitudes de leur physionomie et de leur geste , une corrélation intime avec les passions vives ou profondes qui ont agité leur existence ; et quand le portrait véritable vous est montré , que l'homme y pose ainsi que vous vous l'êtes représenté , l'esprit éprouve cette satisfaction que l'on ressent toujours lorsque la curiosité est arrivée à son but. D'ailleurs un autre sentiment caresse I'.Kiiour-propre ,
quand noire sagacité ne s'est point trouvée en fléfaut.
Je suis donc certain que le lecteur se figure déjà Raymond de Turenne à peu près tJ que Nostradamus le relrace, d'après le portrait original qui lui fut montré par le seigneur de BapIx, « dont le cabinet. dit- « il , n'avait son pareil en toute la province , « en beaux et riches volumes et en belles * et très exquises peintures. »
Ainsi Raymond aurait été « de taille pleine « et quarrée , plutôt grand que petit ; avait « les membres forts et robustes, la tête grosse « et ronde , le visage plein et gras , le teint « de couleur de miel el tirant sur le basané ; « avait le poil crespé et noir , les yeux de « même ; à l'entre-deux des sourcils , ayant « la chair surenflée, ce qui causait deux « plis qu'il faisait en se refrognant ; avait « le nez tirant sur l'aquilin , les lèvres gros-
« se&-QL,-£Ouges , avec un peu de mousta-
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« che noire et ravalée sur les deux gonds « ou bouts de l'arc de la bouche , le reste a du visage et le menton sans poil : au de« meurant, ayant l'aspect assez fier et agréa« ble tout ensemble , ressentant son homme « de bonne et haute maison et qui facile« ment ne supportait une injure. »
Hyères, à ce qu'il paraît, prit une part active aux évènemens de cette guerre. Comme communauté, elle fut représentée aux états qui se tinrent, à Aix, en 1391 , par Jean Jassaud, l'un de ses consuls. Ce fut en cette première assemblée que fut conclue unanimement, dit un vieil auteur , « la confédé« ration et union des communes ; ainsi que a des barons , prélats et gentilshommes avec « juremens d'amitié durable et perpétuelle « à l'honneur de Louis II , consolation des « affligés, défense du pays , extirpation des « rebelles, réduction des fourvoyés et con« servation de l'état. »
En 1393 , les gentilshommes des vigue-
ries d Hvères, de Toulon et d'Ollioules se portèrent au devant du fort des Baux « pour « l'assiéger et le prendre , » ainsi que le portait l'ordonnance de la reine Marie de Blois , mandée et criée à son de trompe dans toutes les villes de la comté de Provence.
Aux seconds états-généraux , convoqués à Tarascon , en 1397, on voit encore paraître un André Costa , comme député de la ville d'Hyères ; et tout porte à croire cependant , qu'à cette époque remarquable où fut mise à prix (1), par cette assemblée , la tête de l'homme qu'on appelait le fléau de
(1) « En l'anado seguent 1397, lou rey et lou « siou conseil estans al castel de Tarascoun, « embé la reyne sa maïre , feroun publicar un'or« donnanço per toutto la Prouvenso à son de a trompo davant les viellas et castels tengus par « Raymond de Thonraine, afin que fossa de ca« dun entendut qué touta persoune que porrio « prenré et arrapar en corps lou dich Raymond « mort ou viout, l'agues a boutar entré las mans « de S. M. ou ben dcis sious officiers de Proven-
la Provence , le château d'Hyères était entre ses mains.
Nous trouvons la preuve de ce fait dans une piquante conversation entre Reynaud de Lestarie (1) , gentilhomme dévoué au vicomte de Turenne , et le seigneur de Montjoie maréchal du pays ; conversation longuement racontée par Nostradamus. Un manuscrit de la bibliothèque d'Aix , rapporte ,
« so, et qué tout incontinent li fous delivra dex « mille francs. »
( Bibliothèque d'Aix, manuscrit du temps.)
(4) « Lestarie répondit franchement que le vixe comte ne ferait jamais ces choses ( se placer « sous les ailes de Sa Sainteté et rendre le châ« teau desBaulx); tant s'en faut que à grand peine « prendrait-il à bon un tel advis ; et supposé q qu'il fut content d'ainsi le faire, ses amis pourt tant ne lui pourraient conseiller de se jeter à « tel bazard, joint que le sénéchal du Marie avait « beaucoup d'affaires au quartier d'Hyères, pour « la réduction des places que tenaient les bandes « de son maître, et la conquête de Nice cet an là.» ( Nostradamus , page 526.)
de son côté, quelques-uns des termes de la capitulation du château d'Hyères , que l'auteur assure avoir été passée en 1396 ; ainsi ce point historique n'est point encore éclairci.
Enfin , trois ans après , par la puissante intervention du maréchal de Boucicaud, une espèce de paix fut signée solennellement à Marseille , en présence d'un grand nombre de témoins et de députés des communes , au nombre desquels se lit le nom de Monet Portanier, gentilhomme d'Hyères.
C'est peut-être ici le moment de raconter quel rang occupaient, durant les délibérations des états , les députés de la ville et communauté d'Hyères. Il est probable que la tenue de ces grandes assemblées délibérantes, qui n'étaient point périodiques , mais qu'on renouvelait aisez fréquemment, pour nous permettre de penser qu'elles étaient inhérentes aux constitutions locales, remonte, en Provence, à une époque assez reculée.
On n'a guères , à cet égard , des documens
bien certains avant le mois de février 1146 , où la convocation eut lieu à Tarascon. On y voit figurer le député de la ville d'Hyères , assis (1) à la quatrième place; ce privilége n'était le partage que d'un petit nombre de villes , et encore des plus importantes de la coptrée.
Il semblerait indiquer que cette cité était municipe et non simple commune ; or , on sait qu'à ce titre était attaché le droit d'élire ses magistrats , et de traiter dans son conseil, de tout ce qui avait rapport à la guerre , à la paix , à la police locale , et souvent à la justice.
Les villes municipales, possédées même par de hauts seigneurs qui y fesaient valoir quelquefois des priviléges particuliers, tel que celui de nommer les consuls et de s'immiscer dans les affaires publiques, avaient
(1) On ne comptait que six députés qui eussent la faculté de s'asseoir durant la tenue de ces assemblées; tous les autres étaient debout.
pourtant le droit, ainsi qu'on vient de le voir, de s'administrer elles-mêmes. Un sénat municipal , dont chaque membre était nommé par le peuple , veillait à ses intérêts , dépensait les revenus et entretenait la milice , et cela sans presque contrôle de la part des gens du comte souverain. Hyères était donc une de ces villes importantes ayant un viguier et un vice-viguier ; tandis que Toulon se trouve n'être encore , en 1289 , qu'un simple baillage (1).
Mais si dans la hiérarchie civile , Hyères l'emportait sur Toulon , il n'en était pas de
(1) C'est ce qu'il appert d'une pièce curieuse citée par Papon , et qui peut exister encore aux archives de Toulon : « Fuit congregatum consilium infra seriptum, « cum capitulis seustatutis in ipso consilio inter« clusis in publico parlamento, in palatio Toloni, « per discretum virum dominum Jacob de Ves« calla judicem vicari Arsearum, qui lecto et ex« posito, etc. etc. etc. praecipiens Pelegrino Se« néquiero Bazulo Toloni , ibidem priesenti et « audienti, ut prsecipïat, etc. etc. »
même dans l'ordre de la juridiction ecclésiastique. Le siège épifcopal , de si vieille origine , que possédait cette dernière villé , lui donnait sur ce point une suprématie incontestable , et Hyères doit être loin de se plaindre de ce patronage tout bienfaisant, qui parait dater d'assez loin ; peut-être même pourrait-on préciser l'époque où les évêques acquirent des biens particuliers en cette ville.
J'avais différé jusqu'ici de parler d'une transaction fort remarquable, indiquée par Papon, et qui jette un certain jour sur les efforts tentés par les habitans d'Hyères , pour ressaisir sur les privilèges féodaux , quelques lambeaux de liberté. L'historien rapporte , comme un fait incontestable , que Raymond Bérenger s'est vu obligé, en 1232, de vendre à ces mêmes babitans , la portion de droits seigneuriaux qu'il possédait sur la ville. Et pourquoi cette aliénation ? pour payer l'évêque de Toulon , qu'il avait employé à différentes ambassades. N'es(-il pas probable que
pour compléter la somme qu'il croyait devoir accorder à ce prélat, en retour de ses bons offices , ou que pour rendre le don plus digne de la munificence souveraine, il y joignit une vaste maison faisant partie de sou domaine , et située à l'entrée du bourg neuf, hors des portes de la seconde enceinte? En effet cet établissement a toujours été connu sous le nom de l'Evêché , et il est devenu propriété communale , et a reçu la plus utile des destinations (1).
En 1330 , Rossolin deuxième du nom, que les généalogistes appellent aussi Rossolinet, seigneur de Rormes, dota de fondations pieuses le couvent des Cordeliers d'Hyères , et confirma , par acte du 27 août 1331 , le synode fondé par Guillaume de Foz , son bisaïeul. Ces assemblées ecclésiastiques, qui
(1) Ses grandes salles ont été transformées en école d'enseignement mutuel, école de dessin
justice de pnix etc.
avaient pour but de conserver l'unité et la sagesse des doctrines parmi tout le clergé d'un diocèse, n'avait point lieu sans quelques frais ; et nous voyons un Jacques, évêque de Toulon , accorder huit livres renforcées pour la tenue du synode à Hyères, le 9 mars 1330 ; un Gilles de Seystres, aussi évêque de Toulon, rebâtit, en 1509, presqu'entièrement à ses frais, l'église (1; de Saint-Paul d'Hyères , qui menaçait ruine.
Quelque protection qui semble avoir été accordée au clergé de cette ville ou aux dif- férens couvens qu'elle renfermait , on ne compte guères d'hommes éminens par leur piété ou leur savoir , qui aient marqué dans le moyen âge ; il faut en excepter, toutefois , un pauvre prêtre , desservant la chapelle Notre-Dame , qui, au quatorzième siè-
(1) Le capiscol de cet église était un des quatre grands dignitaires du diocèse de Toulon.
cle , fut tiré de cet humble asile pour occuper un siège épiscopal.
Enfin , au dix-septiéme siècle, du couvent des Récollets , établi à Hyères, en 1621, et du collége de l'Oratoire, fondé en 1689.
par un sieur d'Embrun , avocat, à Toulon , sortirent trois prédicateurs célèbres à des dégrés différents : Massillon , Raynaud et Guibaut (1). Aux noms de ces personnages ,
(1) Le père Guibaut de l'Oratoire, né à Hyères, professa la rhétorique et la philosophie à Soissons ; il publia les ouvrages suivans , auxquels il ne mit point son nom : 4" L'Explication des Psaumes, à l'usage des colléges , des séminaires et des familles chrétiennes. 3 vol. in-8°. Avignon , chez Niel. 1791.
2° Application du Nouveau Testament, à l'usage des collèges. 5 vol. in-8°. Paris, chez Bar bou. 1785.
3" Dictionnaire historique portatif; contenant une idée abrégée de la vie et des ouvrages des Hommes illustres en tous genres, le tous temps et de tous pays. 6 vol. in-8°. 1788.
4° La Morale en action, ou élite des Faits mémorables. etc. instructive et propre il faire aimer
qui ont acquis dans l'éloquence de la chaire une réputation si méritée, on peut joindre ceux de Bernard , Dominicain , vicaire général des missions de France dans les colonies ; de Pument (Bastide-Dominique) , d'Abrassevin , Jésuite ; de Blanc Pascal (1) ; tous
la vertu et à former les jeunes gens dans l'art de la narration ; ouvrage utile à MM. les élèves des écoles militaires et des colléges. Lyon, chez les frères Périsse, et à Paris, chez Périsse jeune, 1787.
5° Les gémissemens d'une âme pénitente. Trois éditions de cet ouvrage se succédèrent en fort peu de temps, et il fut traduit en latin par Renée Filoleti , et dédié au marquis Charles-Fréderic Doria. Venise. 1791.
Le père Guibaut est venu mourir à Hyères, ec..
(1) Le père Pascal Blanc, Minime, docteur en théologie, naquit à Hyères ; il professa la philosophie fort jeune, et joignit à l'étude de la théologie celle du droit canon. En réponse aux détractions dirigées, dans le siècle dernier, contre ceux qui suivent la vie monastique, il publia un ouvrage intitulé : Apologie de l'état religieux et Réfutation d'un mémoire sur les professions
remarquables par leurs talens ou leur profond savoir. Voilà à quoi se réduit tout ce qu'il m'a été possible de recueillir sur l'histoire ecclésiastique d'Hyères ; il est à croire cependant , qu'à une époque de préjugés et de supertitions, le clergé de cette ville ne resta pas indifférent au drame tragique qui, dès le commencement du règne de Réné , vint émouvoir sa population. Voici donc le fait dans sa nudité tout à la fois comique et hideuse. La difficulté de raconter certains détails , me force à emprunter le langage naïf de Nostradamus. Notre langue , aujourd'hui plus pudibonde même que le lecteur , s'effaroucherait de la crudité de certaines expressions. Au temps du bon Amyot, de Brantôme , de Montaigne même , on disait tout autrement ce qu'on voulait dire , et cela sans ambages ni circonlocutions.
religieuses , en faveur de la raison contre les préjugés. 2 vol. in—4 2. 772.
Le père Pascal est mort, à Marseille, en 1779.
« Deux sorcières sont donc appréhendées, « à Hyères, dans le courant de l'année 1435; « et pourquoi? Ces maudites Circées , pour « certaine inimitié conçue contre deux jeu« nes mariés, les ensorcelèrent fi puissam« ment , au moyen d'une certaine bourse « qu'elles ouvroyent et fermoient avec quel« ques étranges paroles marmottées entre « les dents, qu'elles arrêtèrent entièrement.
« Une telle impuissance les saisissoit, que « leur amour se changeoit tout aussitôt en « haine et en furieuse mélancholie , sans « pouvoir toutefois imaginer l'occasion d'un « tel défaut et inhabileté. Et parce que ces « méchantes fées et vieilles mégeres furent « tout aussitôt soupçonnées de malefice , « car elles ne sont pas trop mal aisées à « cognoistre à leurs grimaces hypocrites et « leur façon de parler.
« Elles qui se doutèrent bien d'être ap« préhendées et saisies , lignèrent le haut « pays , s'entrefuirent secretement tout de
« nuit et s'allerent jeter dans Tarascon , où « elles cuiderent être bien cachées, et en « sauveté parmi la grande foule du peuple « à l'affluence des jens qui là avoient abordé « de toutes parts pour voir ces belles et tant « excellentes créatures le jeune duc de Ca« labre et l'infante Marguerite , que la peste « d'Aix y avoient fait retirer pour fuir la « maladie.
« Les officiers de la ville d'Hyères qui « cependant faisoient leu rs diligences et cher« choient partout ces deux pestes ; entre« rent dans leur cahuette , où après avoir « fouillé tous les endroits et recoins enfu« més, ils ne trouvèrent qu'une vieille bourse « de peau de chat toute velue , avec quel« ques méchantes attaches et longes : mais « il ne se trouva aucun qui l'osa seulement « loucher (pour l'opinion conçues de lon« gues mains parmi le vulgaire que ces mé« chantes femmes se muent volontiers en « chats), de peur d'encourir quelque tris-
« tes ensorcellements et malheurs : au moyen « de quoi ils s'advisèrent d'envoyer quérir « un rabin de la ville , car la loi de Moïse « leur défend particulièrement d'ajouter foi « aux enchanteries, charmes et fascinations, « auquel ils donnèrent charge et cpmman« dement de porter cette bourse avec le « procès des deux sorcières aux seigneurs « du conseil d'Aix.
« Ces honnetes dames cependant furent « recognues à leur bonne mine, d'un mesme « pas appréhendées à Tarascon , et de là « prises et conduites à Aix avec bonnes et « sures gardes par le rabin : ou sans plus « long délai, le cas et maléfice confessés , « la bourse avérée et recognue, avec infi« nies sorcelleries détestables , tant contre « ces jeunes mariés que sur plusieurs autres « personnes , elles furent condamnées par « l'arrêt du conseil , d'êlre arses et brûlées « toutes vives et leurs co^n^ réduits en cen« dres. Si que de ce même pas elles furent
« renvoyées aux officiers el au lieutenant « d'Hyères pour souffrir le supplice au lieu « même où le crime avait été commis et.
« perpétré. » Et, par une belle soirée de: juin , cet absurde jugement reçut son exécution ; et le clergé chanta ses. hymnes, et le peuple battit des mains , seulement la chroni-, que ne dit point si les plaignans furent délivrés de leurs peines. Mais, je le répète , ceci n'est point un conte drolatique : la place du Piot, aujourd'hui place Massillon , conserva long-temps le souvenir de cet effroyable auto-da-fé.
Cet événement se passait au temps où René, qui n'étant encore que duc de Lorraine et de Bar , et prisonnier en Bourgogne, venait de se voir appeler au trône de Provence et des Deux-Siciles , par la mort de Louis III et celle de la seconde Jeanne.
C'est une chose bien remarquable , que de
ces ,deux grandes dynasties des princes de la
maison de Barcelonne et de la maison d'A n- jou , Réné soit le seul souverain dont le peuple ait gArdé la mémoire. Le nom de la reine Jeanne lui est aussi familier ; mais, en général, et par un sentiment bien différent du souvenir qui se joint au nom de René, il attache à son règne des idées de longs malheurs et de dure captivité , confondant presque toujours les actes des deux princesses qui s'appelèrent Jeanne , mais qui vécurent à près d'un demi-siècle d'intervalle l'une de l'autre.
Hors de captivité , en 1407 , Réné se préparait à courir les chances d'une nouvelle guerre contre Alphonse V, roi d'Aragon , qui lui disputait sa couronne de Naples. Il pâlrcoùrut ses états de Provence , réclamant dè'tà'Btlëlité et du dévouement de ses habitans , des subsides ainsi que des secours sous forme d'emprunt. Quelques riches habitans d'Hyères crurent devô'îf'ée hâter de répondre à son appel, et lui offrirent une grande
partie de cette sommeénorme de cent mille florins quiluiétait devenue nécessaire. Toutefois, et de 'loi-même',''le prinnse ne prévoyant pasji l'époque où il pourrait se trouver à même de rembourser ces dignes et loyaux sujets, leur engagea tous les domaines qu'il possédàit dans le territoire de cette ville. Ainsi, Jean et Guillaume de Forbin obtinrent pour caution les salines , Louis de Bounaud ou Bournaud la plus grande partie de ce vaste terrain appelé Bois des Maures ; d'autres reçurent quelques-unes des fertiles plaines que baigne, inonde et engraisse souvent la rivière de Gapeau. Par cet engagement, en date du 17 mai 1438 , le roi René confirme aussi, à la communauté d'Hyères , la donation qui lui avait été faite , par la reine Jeanne du lac ou étang long, (1), transformé successivement
(4 > Ce prince abandonna aussi aux habitans la propriété de l'étang actuel, dit Etang des Pesquiers. se réservant seulement le sizain par tête
par le temps, en un immense et insalubre marais, et par la main des hommes (t) en une, magnifique et productive propriété.
Il paraît que la réception qu'on lui avait préparée à Hyères, toucha vivement le comte de Provence, car , à son retour de Naples , il vint y prendre l'hospitalité , non plus , comme la première fois , dans le château , il se rendit alors familièrement chez le sieur de Clapiers (2), seigneur de Vauvenargues,
de poissons royaux. C'est de ce droit tout féodal que prétend jouir aujourd'hui l'administration des domaines.
(1) On doit ce désséchement aux sages prévisions , aux soins assidus et aux travaux coûteux de MM. Aurran ( Louis ) et d'Ivernois.
(2) Il paraît positif que le roi Réné, qui vint SM L souvent pour visiter Hyères , prit gîte au moins trois fois chez ce même Clapiers, l'un des ancêtres du marquis de Vauvenargues , écrivain et militaire distingué, trop tôt enlevé à ses études sérieuses, et à son pays. On peut-jeter les yeux sur l'extrait de cette lettre-patente, portant confirmation de la réception de chevalier en la
de Colonges et de Samhur, sujet fidèle et distingué ; d'ailleurs ce gentilhomme ne fat pas le sent dans le pays qu'il sut apprécier
personne de noble Jean de Clapiers. L'interrogatoire suivant fait partie de cet actp.
D'où vient votre famille ? Ne sache pas qu'elle vienne d'ailleurs que d'Hyères. — A-t-elle habité d'autres lieux? — Ne sache pas qu'elle ait habité d'autres lieux, mais sais bien qu'elle a eu l'honneur de loger trois fois le roi Réné dans sa maison. — Par une autre lettre-patente du douze mai <449, est donnée permission à noble Jean de Clapiers, fils de noble Jacques, seigneur de Touris, habitant la ville supérieure d'Hyères, a de pouvoir habiter la ville basse, nonobstant « les défenses du prince, et ce à cause des grands a biens de demoiselle Huguette d'Almaco , sa « femme , qui a maison en la dite ville basse « d'Hyères. »
J'ai cité cette pièce assez curieuse, parce qu'elle nous apprend la véritable cause de la longue habitation de la ville haute, aujourd'hui presque abandonnée; cause qui peut s'appliquer également à nombre de villes et de bourgs du Var, assis orgueilleusement sur la croupe des plus hautes collines, et dernier asile des populations pauvres de la contrée.
et qu'il voulût fixer auprès de sa personne.
On compte encore un Marin Mane, fait maréchal du duc de Calabre ; un Rodolphe de Limans, dit le Baron , conseiller et chambellan , capitaine du château d'Hyères, ou plutôt châtelain de cette ville ; un Anthoine de la Tour ; un Giraud ou Giraudi, souche des seigneurs de Piosin et de Monlauban, etc.
Quant à la vie historique de la population en ce temps Ià, , nous n'en savons rien , sinon que deux compagnies de milices furent levées à Hyères , et durent faire partie de l'armée destinée, sous le commandement, de René , à marcher au secours de Charles VII, auquel les Anglais donnaient grande occupation dans le royaume de France. Réné mourut en 1180 , et dans son testament, ce prince confirma et approuva tous les dons faits par lui, en 1475 , à Jeanne de Lavat, son épouse, parmi lesquels est comprise la grande traite du sel d'Hyères , de Toulon et de toute la Provence.
Charles d'Anjou , duc de Calabre , suc"- céda à son oncle dont il avait été institué héritier, ou plutôt il ne fit, pour ainsi dire., que glisser jusqu'au trône pour disparaître en 1481. La Provence se donna alors à Louis XI , roi de France. Ce grand acte est sanctionné par lettre-patente et par une convocation des étals, auxquels assistèrent pour la noblesse dllyères , Kodolphe de Limant , el pour la communauté , les députés Jean de Cannet et Jean de Brignoles.
Ici je vais franchir trois règnes, importans pour l'histoire générale , mais qui ne nous présentent rien de particulier relativement à Hyères ; «t L'on a dû remarquer que ces bonds à travers les siècles , n'élaient pas rares dans le cours de ce récit. Je dirai cependant que sous Louis XII, les Maures apparurent de nouveau sur les côtes, et achevèrent de détruire le couvent de Saiut Pierre d:Alma,nare , qui avait été abandonné par les religieuses, en 1406 , et qui n'élait plus
gardé que par un concierge et un économe , chargés tous deux de veiller aux intérêts des religieuses , car elles possédaient encore de vastes propriétés foncières autour du monastère. Aujourd'hui, ainsi que je l'ai dit quelque part, lés ruines de là chapelle chrétienne sont totalement confondues avec les restes profanes des temples et des divinités de l'antique Pomponiana. Le pêcheur et le pâtre , debout au milieu de ces vestiges , suivent du regard , avec une curiosité muette, l'antiquaire qui vient les interroger.
Hyères était à peu près oublié , quand , sous François Ier, un évènement qui ébranla toute la chrétienté , vint de nouveau fixer l'attention générale de l'Europe sur le faible point qui nous occupe.
De la place des Récollets , de la. grande plateforme surtout où s'élève l'église Saint Paul, dont le portail d'architecture moderne jure singulièrement avec les longues fené-
tres à ogives et les arc-boulans massifs qui appartiennent à d'autres âges ; de celle plus haute encore sur laquelle était assis l'ancien donjon , l'œil parcourt, comme en un magnifique panorama, l'horizon semi-circulaire où se dessinent et se découpent , sur une mer moirée des mille reflets de la lumière, un groupe de petites îles. Les anciens les appelèrent Staechades (i), à cause de leur
(1) Les Grecs marseillais furent les premiers habitans connus des Staechades. Pline dit quelque part, très Stœchadcs a vicinis Massiliensibus dictœ propter ordinem. STOECHADES' signifie rangé par file, par ordre, sur une même ligne.
Strabon, ainsi que Ptolomée, en comptent cinq, trois grandes et deux petites. Pline , qui n'en reconnaît que trois, les désigne sous le nom de Protè , Mezè et Hypea. Il appelle la première PROTÈ , qui veut dire la plus près ; c'est celle où l'on prétend reconnaître Porquerolles. 11 nomme la seconde MEZÈ, c'est-à-dire du milieu; ce serait Portcros. La troisième serait indiquée par la dénomination 'l'Hypea HYPEA, qui signifie inférieure. A la suite de ces trois îles ; Pline en ajoute cinq autres, qu'il désigne
position , et nos peuples modernes les^qmr mèrent îles tf Or , sans, doute à cause de l'é- s i
clat que jettent leurs rochers taillés à facettes , et leur sable pailleté de mica.
de la manière suivante Sturium, Phapnice , Phila, Lero et Lerina, adversùm Antipolis. On a toujours pensé que les trois premières étaient des rochers ou îlots sans importance ; et je crois que l'on est tombé dans une grave erreur. Voici mon opinion, qui, pour être nouvelle, ne me semble pas tout-à-fait à rejeter. Selon moi , le nom de Stsechades aurait été justement donné à ,toutes ces îles, qui,, à partir de Marseille, sont situées sur une ligne parallèle au continent ; celles connues sous le nom de Proté, Mezè et Hypea, seraient Raton neau, Pomègpe et If : on ne contestera pas j'espère un certain air de parenté dans les dénominations. Les îles connues aujourd'hui sous le nom d'îles d'Hyères, recevraient donc naturellement las appellations servantes : Sturium, Phœnice, Phila. Deux eofip .viennent après, Lero et Lerina , sur la désignation exacte desquelles on ne peut pas se tromper. Les auteurs de l'Encyclopédie font dériver l'étymologie du mot Stœchades du grec Sthœcas, -qui est celui d'une espèce Je lavande ( Stœchas Imrpurea). qu'on trouve plus communément aux
Au temps de la domination romaine et des guerres civiles qui désolèrent ce grand empire , elles furent célèbres par la défaite et la mort de Valens. Aux premiers siècles du
îles d'Hyères que partout ailleurs. Cela prouverait tout au plus que pour mieux désigner la variété, on a donné à la plante le nom du lieu .dont elle semble originaire. Les géographes modernes ne paraissent pas avoir connu ces îles beaucoup mieux que les anciens. J'en citerai quelques uns, pour que le lecteur juge par luimême si j'ai tort de les accuser d'ignorance et d'erreur. Jetons d'abord les yeux sur la Cosmographie de Pierre Apian , corrigée et augmentée par Gemma Frison. Anvers, 1631 , chez Jean Bellere, à l'Aigle d'or. Dans cet ouvrage, où les noms actuels sont étrangement défigurés, mais où j'ai puisé en partie l'opinion que je viens d'émettre, et qui a été embrassée par les auteurs du Dictionnaire de Trévoux , au hasard et. sans esprit de critique , les îles de la mer Gallique son Agde, Agatha, V Anguillade, Blascon, Sthaïcades, îles d'Hyères, à savoir Sturium, laquelle s'appelle Ribaiide, Phoenice, Portecroix Phila, Bonhomme, Lero et Lerina. Ouvrons le Parallcla Geographiœ veteris et rtoixe, auctore Brie h) Abbavillœo Socictatis .lesu sacer-doie
christianisme , elles le devinrent encore par Les travaux et les écrits des pieux cénobites , quiy avaient fondé une succursale du monastère de Lerins : ainsi que je l'ai déjà dit,
page 347 , on rencontre les lignes suivantes : Staechades quinque Ptolomâso sed innominatae.
Tres sic Plinius nominat Protè , Porquerolles, Mezè seu Pomponiana, Portecroz, Hypaea seu Hypata, l'île du Titan.
Le Dictionarium historicum , geographicum) poetitum, auctore Carolo. Genevœ, typis Jacobi Stoer, 1638. s'exprime ainsi : « Strochades insulæ numero très, Massilien« sium littoris vicinae sicdictoe propter quô sitœ « sunt (Plin. ) Item Apollonius lib. iv. Gallise « Narbonensis insulse. Camergas Paradinus vo« cat îles d'Hyerres vel d'Or ; existimat Ortel « Stephanus et tres numerat cum Plinio lib. 4.
« cap. 5. quarum priman Proten , secundem « Mesen , et Pomponianam , tertiam Hypaeam « vocat. Martianus primam Themistam nominat, « Ptolemœus quinque dicit esse, sed eas singu« latim non nominat. Mela eas sparsat, scribit « à ligurum orâ ad Massiliam usque , in quo « spatio comprehenduntur etiam quae Plinius « addit Sturium , Phaenice, Phila, Lero et Le« rina. A Strabone quinque numérantur très
celle dernière île étant trop resserrée pour contenir les quatre ou cinq mille moines, accourus de toutes les parties de la Gaule et des montrées limitrophes, avec l'intention d'embrasser la vie claustrale et de suivre à jamais la règle imposée par Saint-Honorat.
Le (1) tranquille asile, élevé à Porquerolles , fut plusieurs fois renversé par les Maures ,
« memorabiles et duœ exiguse. » On trouve dans les anciens titres et registres de Provence , que l'île du Levant ou du Titan , s'appelait aussi Cabaros. Enfin, en les donnant à André Doria, Charles-Quiat leur imposa le nom d'îles d'Autriche, qu'elles ne gardèrent pas trois mois.
(1) Dans une vallée assez prpfonde et fort resserrée, dominée de tous côtés par des bois épais de pins et des chênes verts , on aperçoit encore les dernières ruines du couvent. On peut se faire difficilement l'idée de cette sombre Thébaïde au milieu de cette île riante et bien cultivée. Ce n'est pas trop s'avancer que d'assurer qu'elle renferme des sites enchanteurs, partout où l'œil découvre la grande mer à l'hdrizÓn, ou la rade dominée par son amphi- théâtre de vertes montagnes.
puis rebâti et repeuplé de nouveaux martyrs, avec une constance vraiment admirable Romée de Villeneuve y exila -dû troubadour (1) qui avait osé célébrer, dans ses vers -passionnés , les beautés de la fille de son maître. Au treizième siècle , il était désert et abandonné , alors qu'un seul homme y parut, et lui donna un nouveau lustre.
Ce religieux , connu sous le nom de moine , ou en provençal du monge des îles d'Or , appartenait, dit la tradition d'accord sur ce point avec dom Hilaire des Martins, de SaintVictor de Marseille , son premier biographe , à l'ancienne et noble famille de Cibo de Gênes, Destiné dès ses plus tendres années à em-
(1) Rambaud d'Orange, seigneur deCourtezon, vaillant de son épée, et fameqx par ses Maîtrises d'amour, poésies provençales , qu'il avait adressées à Béatrix , fille de Raymond Braper , fut relégué aux îles d'avérés povr avoir manqué de respect envers cete princesse.
( Magnier, page 279. )
brasser la vie monocale , il obtint d'être reçu au monastère de Saint Honorât, ou plutôfiil- fue sollicité d'y prendre l'habit; « tant pour là noblesse de son sang , que' « pour la bonne renommée qu'il avait ac« quise , dit Nostradamus dans sa Vie (t) « des Poètes provençaux. Auquel monas« tère, ajoute le vieil auteur. suivant ses « études, parvint fécond en la poésie, rhé« torique , théologie et autres arts libé« raux. » Ce qui lui fit proposer de prendre la surveillance de la librairie ( on désignait ainsi les bibliothèques en ce temps. ), celle de Lerins passait pour la plus renommée et la plus complète de toute l'Europe.
En enet ', les comtes de Provence et lès rois de Naples et de Sicile s'étaient plu à l'enrichir des plus beaux et des plus rares ma-
(1) Ce livre n'est qu'un extrait de son grand ouvrage sur. l'histoire de Provence, imprimé à,; part, avec d'autres caractères et sous un autre ; formata TLyon, par Barsilo Bouquet. i 575..
nuscrits. Quand nous traiterons des îles Sainte Marguerite et Saint Honorât, nous nous étendrons avec quelques détails sur les trésors qu'elle renfermait; en attendant, je retourne à mon religieux, et répète , avec ceux qui ont écrit sa vie, « qu'il était singulier et parfait en toutes sciences et langages ; qu'il écrivait divinement bien de toutes façons de lettres , et qu'enfin , quant à la peinture et enluminure, il était souverain et exquis. »
Il paraîtrait , toutefois , que ce personnage mystérieux , homme de sainte vie , de bon exemple et de continuelle méditation,, comme le reconnaît dom Hilaire, avait éprouvé, sous la robe de bure et de cilice, une passion vive et profonde pour ElizdeBaux, comtesse d'Avelin , à laquelle il avait dédié quelques sonnets amoureux en rimes provençales. On ne sait trop jusqu' où l'avait conduit cet amour ; mais il est certain qu'il lui avait laissé un goût prononcé pour la solitude et le recueillement.. « Chaque an-
née , au printemps et à l'automne, accompagné d'an sien ami, religieux , amateur de la vertu , il se retirait à son petit hermitage , aux îles d'Hyères , où ledit monastère avait de long-temps une petite église dépendant d'Lcelui, qu'est la cause qu'il fut surnommé des îles d'Or. » Singulière cause vraiment. Là , dit l'un de ses biographes, il se plaisait au murmure (1) des ruisseaux et fontaines , au chant des oiseaux dont il contemplait la diversité des plumages , « Et en « fit un beau recueil qu'on trouva après sa « mort parmi ses livres, auquel il avait dé« peint en beaux paysages , tout le quar.
« tier de la plaige de la mer et des villa.
« ges qui y sont assis , toutes sortes des her« bes et plantes les plus exquises, les fleurs
(1) Il faut que depuis ce temps, ces îles aient grandement changé de face, car les ruisseaux et fontaines ont disparu, au grand dommage des habitans actuels.
« et les fruits d'icelles et des arbres qui croise sent naturellement, les bêtes et les autres « animaux de toutes espèces , la perspective « des montagnes , des prayeries et de tous « ces champs délicieux , arrosés des belles et et claires fontaines , des poissons de la mer, * des vaisseaux qui la traversent à voiles ; « le tout tant bien rapporté et contrefait au « vif, qu'on eût jugé que c'était la même « chose. »
Il est fâcheux que ce précieux manuscrit ait disparu ; car à travers les exagérations poétiques qu'il semblait renfermer , nous eussions puisé de précieux renseignemens sur l'ancienne topographie de la contrée. Cet infatigable religieux était aussi l'auteur ou le compilateur d'un ouvrage étendu sur les vie-.
toires des rois d'Aragon, comtes de Provence; et enfin, d'un recueil (t) de poésies proven-
(1) L'histoire de ce manuscrit est assez curieuse pour mériter une notice particulière. Voici ce qu'on savait sur son compte, jusqu'au moment
çales et des Vies des troubadours , long-temps cherché , et que M. Valery vient de retrouver dans la bibliothèque du Vatican. Louis Il et la reine Yolande tentèrent non inutilement
de l'heureuse découverte de M. Valéry, à qui nous rendons mille fois grâces , nous, explorateur de tout ce qui peut jeter quelque lustre sur l'histoire intellectuelle de l'ancienne Provence , pays que nous regardons comme le berceau de la moderne civilisation de l'Europe.
Les paroles suivantes de Nostradamus, qui avait eu évidemment connaissance de ce livre, pour l'avoir vu , manié et lu, avaient éveillé l'attention des bibliographes. « Ce monge vacant au « cathalogue et à la visite des livres ( de la biblior « thèque de Lerins ), entre autres en trouva un , « auquel étoient escriptes toutes les nobles et il« lustres familles , tant de Provence que d'Ara« gon, Italie et France, où étaient déduites leurs « alliances avec leurs armoiries, ensemble les « œuvres des poètes provençaux, en rithme pro« vençale, recueillies par ledit Ilermentière, par « le commandement dudit roi d'Aragon ; que lui- « même ( le monge des îles d'Or ) transcrivit en « belles lettres, desquelles envoya copie à Louis 11 « du nom,etc. Plusieurs gentilshommes en avaient « fait des copies, même ceux qui étaient ama-
d'attirer à leur cour le moine des îles d'Or; il s'y rendit quelquefois, mais pour retourner avec plus de délices dans sa chère retraite.
Il mourut, en 1408, au Lerins, les autres disent à l'île du Levant, la plus curieuse des îles sous le rapport de l'histoire naturelle.
A dater de cette époque environ, jusqu'en l'année 1505 , les Maures reparurent de nou-
« leurs de la poésie provençale les firent trans« crire en belles-lettres de forme et illuminer « d'or et d'azur sur parchemin, les autres sur du « papier; les vies des poètes étaient écrites en a caractères rouges, et les poèmes en lettres noi« res. » La copie originale et même les autres avaient échappé aux investigations les plus scrupuleuses; ni Crescimbeni, plus à portée que tout autre de faire des recherches au Vatican , ni M. Reynouard , si savant dans ces matières, n'avaient pu mettre sur la voie du précieux manuscrit, quand M. Valery vient tout à coup de révéler a 1 Kurope littéraire qu'il était retrouvé. N'ayant point encore l'ouvrage du voyageur bibliographe entre les mains, nous ne pouvons entrer dans plus de détails sur les circonstances qui ont dû accompagner la découverte, nous renvoyons donc l; amateurs à l'ouvrage de M. Valéry.
veau dans ces parages , et y firent même des établissemens réguliers. On rencontre assez souvent, éparses sur le sol, ces briques ou tuiles qu'on appelle mallouns sarrasins. Ne serait-ce point des indices d'une occupation au moins momentanée?
Au moment dont je parle, François Ier vint à Hyères , et y reçut favorablement la supplique d'une population effrayée.
Cette pièce importante , qui ne nous a point été conservée , n'est connue que par le prompt effet dont elle fut suivie. Les habitans représentèrent au roi qu'il n'y avait plus sûreté pour eux à habiter et cultiver les terres proches des rivages de la mer ; que leurs rades et leurs ports, autrefois si fréquentés , devenaient déserts et même redoutés , et enfin , que le pavillon de France avait été plus d'une fois insulté par les pirates sans crainte de répression.
Le monarque français, plus sensible peutêtre à cet outrage qu'au malheur de la po-
• pulation, prit des mesures pour assurer la navigation des côtes , et fit construire une forteresse dans l'île Porquerolles , où il avait envoyé une forte garnison , qui dût commencer par en chasser les Maures avant d'établir les fondemens de ces nouvelles fortifications.
A cette époque , par une bizarrerie qui n'est pas sans exemple , les îles d'Or , repaires des pirates africains , faillirent devenir le boulevart de la chrétienté.
Rhodes, après un long siège, était tombée aux mains de Soliman. Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem cherchèrent, au sein de la Méditerranée un nouyel asile moins exposé et surtout plus près du continent , dont les secours leur avaient manqué pendant la défense. Le grand-maître , Philippe Villiers de r lie-Adam, jeta lt's yeux sur les îles d'Hyères, et en fit la demande à François Ier L'habile compétiteur de ce prince , Charles-Quint, sentit quelle influence pourraient exercer un jour, sur l'ordre entier ce
don et ce voisinage ; François Ier ne s'étant pas hâté de répondre favorablement aux chevaliers , pressés de fonder un autre établissement , l'empereur, en employant l'intrigue auprès des autres puissances, leur fit accepter Malte, dont l'ordre prit possession en 1530.
Cette même année, les Maures, peu effrayés des appareils de défense qui bordaient la côte, et qui avaient été réparés en crainte de quelques débarquemens , firent une descente devant Toulon même , surprirent cette ville, portèrent le ravage sur son territoire et celui des bourgs environnans. Dans cette expédition inattendue, la campagne d'Hyères ne fut point épargnée , et les habitans ne trouvèrent leur salut qu'en courant au plus vite s'enfermer dans la cité : ses bonnes et fortes murailles les préservèrent de l'esclavage, qui devint le sort de la population presqu'entière de Toulon, La tradition , et un manuscrit du temps, rapportent que Hyères envoya de nouveau un certain nombre de ses manants pour
repeupler cette dernière ville , qui à ce qui paraît, répara promptement les pertes qu'elle avait faites ; car on la voit, peu de temps après opposer une vigoureuse défense à l'armée impériale. Elle était encore pleine , sans doute, de ses souvenirs de 1524 , année où le connétable de Bourbon s'était emparé de presque toutes les places, depuis le Var jusqu'à Marseille, à la réserve de Toulon, Hyères et Bréganson, qui surent résister à ses forces. En 1531, François Ier ayant besoin de toutes ses troupes, retira la garnison de Porquerollei, et érigea cette île en marquisat, qui fut donné à Bertrand d'Ornezan , baron de Saint-Blancard , toujours à condition qu'il prendrait tous les moyens propres à assurer sa défense et à empêcher l'approche des pirates.
Ce seigneur venait à peine de s'y établir , lorsque Charles-Quint, partit d'Espagne avec une flotte composée de vingt-sept galères et de quatre-vingts vaisseaux , et qui n'avait fait que passer en vue de Marseille, int mouil-
ier dans la rade d'Hyères , à l'abri des îles.
Heureusement qu'il était pressé de se rendre en Italie , et que le lendemain la flotte leva l'ancre.
La guerre venait de se rallumer , entre Charles el François , plus vive que jamais.
L'empereur ayant pénétré en Provence, par Saint-Laurent du Var, donna l'ordre formel à André Doria, général de ses galères, de ravager toutes les côtes. Celui-ci n'obéit que trop ponctuellement au sévère empereur. Mais les historiens s'accordent à dire que l'amiral génois , qui avait habité la ville d'Hyères pendant quelque temps , on ne sait à quelle occasion , l'affectionnait d'une manière si particulière , qu'il la fit épargner, et ne permit pas même à ses troupes de mettre pied à terre sur son territoire. C'était comme une espèce de terrain neutre respecté par les deux puissances ; car , peu de temps après, Kaïr-edDiu surnommé Barberousse , allié de François I" , int hiverner dans la rade de Tou-
Ion , et partie de l'armée prit ses quartiers à Hyères.
Je ne veux pas abandonner cette série de faits historiques, relatifs à la ville d'Hyères moins qu'à ses îles, sans dire qu'à l'imitation de François Ier, Henri II, dans le double but d'assurer la tranquilité des commerçons de Marseille, dont les transactions avec l'Italie et le Levant prenaient chaque jour plus de consistance , et de récompenser de grands services rendus à la France par un étranger , érigea , dans l'année 1519 , en marquisat (1) les îles de Baguau , Portcros
(1) Dans ces lettres-patentes, Henri II donne à ces îles le nom des îles d'Or , et permet au comte de Roquendorf d'en disposer en faveurde qui bon lui semblera , pourvu que ces personnes soient régnicoles et s'obligent à la redevance annuelle de dix mailles d'or, et à chaque mutation de seigneur. d'un faucon portant sonnettes d'or et vermeil aux armes de France, et avec chaperon de soie, el au bas des longes, les armes du marquis de ces îles, auxquelles armes S. M. ajoute un écusson sur le tout d'azur, chargé de sept fleurs de lis
et du Levant, en faveur de Christophe, comte de Roquendorf, baron de Molembourg , seigneur de Condé et de Revaix , grand-maître hérédilaire d'Autriche et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Cette donation était une faible compensation des grands biens que ce seigneur possédait en Allemagne, et qu'il avait abandonnés pour suivre la fortune du roi de France.
Ces lettres-patentes autorisent le seigneur des îles d'Or à donner asile , même aux cri-
d'argent, trois, trois, et une, qu'il portera du marquisat ; à la charge de construire telles forteresses qu'il jugera convenables et nécessaires pour la garde des îles et la défense des côtes de la Provence. Le roi joint à tous ces titres des exemptions pour les habitans d'impositions de tailles, de fouage et de toute autre charge quelconque; tnfin il donne au seigneur le privilège de recevoir dans ses îles tous les criminels , excepté ceux prévenus du crime de lèse-majesté, et finit par concéder la faculté de prélever gabelles sur les navires étrangers déchargeant des marchandises.
minels. Aussitôt qu'elles furent publiées , ces lieux devinrent en effet le repaire de tout ce que la province avait de plus impur et de plus abominable en hommes et en femmes. Tous ceux qui s'y réfugièrent, habitués dès longtemps aux vols et aux rapines, ne tardèrent pas à embrasser la vie de pirates (1), et ils se rendirent plus redoutables au commerce que les Maures eux-mêmes. On cite d'eux des traits d'une hardiesse et d'une insolence incroyables. Ainsi , l'un pénétrait dans la rade de Toulon pour y enlever un riche navire qu'il avait manqué à son passage ; l'autre s'empa-
(1). qua ducti fiducia, decrevimus ad serenitatem vestram certiorem effici cupimus de prœda per quemdam fratris Bernardini, utdicitur.
nepotem, piratico et hostili modo apud locum, qui vulgo dicitHr illa d'Eres, etc. etc.
(Carta de los magistrados municipales de Bar celona al rey deFranciasupplicandole provea sobre la restitucion de una nave siciliana que venia cargada para la provision de dicha ciudad, y fue apresada en las islas de Hyeres por tm corsario.) Ex rcgest. i de lettres closes ah an. 1514 usque ;cl 1S
rait d'un vaisseau catalan , sous prétexte de lui prêter secours ; et tous enfin rançonnaient les gros navires quand ils ne pouvaient les conduire dans leur port, qui n'avait point assez de profondeur. Bref la clameur fut générale , et il ne fallut rien moins que des remontrances réitérées du parlement de Provence , pour faire cesser un tel étal de choses. Les successeurs du comte de Roquenfort n'étaient plus maîtres chez eux. Alors , on eut recours aux mesures les plus énergiques , mais ce fut au commencement du règne de Louis XIV seulement , qu'on parvint à extirper du sol cette race de bandits. Les héritiers du seigneur allemand avaient eux-mêmes vendu leur pro-
priété à Gaspard Cou et , auquel succéda JeanBaptiste Couet, créé marquis de Marignane.
Quoique devenues propriétés seigneuriales, les îles d'Hyères seront néanmoins dans une dépendance plus immédiate de cette ville; et désormais , comme à fort peu d'événemens près, leur sort se trouvera lié à celui de la
métropole, je rentrerai dans l'histoire de toute la contrée. Si j'en interromps encore une fois le fil, ce ne sera que pour rappeler un fait particulier à Porquerolles , et qui ne saurait être passé sous silence.
Qui le croirait ! dans ce séjour qui servit de retraite à tant d'hommes éminens, aux premiers siècles du christianisme , fut célébré , en 1558 , le ramazan , la fête la plus solennelle des Mahométans. L'armée navale des Turcs nos alliés , forte de cent cinq galères et de quatorze galiotes , venait de saccager Minorque ; elle marchait à la rencontre de la flotte française qu'Andriettino Doria avait laissée passer entre Portcros et Porquerolles sans l'attaquer , quoiqu'elle fût moins forte que la sienne ; elles s'étaient jointes près de la Ciotat, quand l'amiral turc et le grand-prieur de Fran.
ce , qui commandait nos galères , cinglèrent ensemble vers Porquerolles. « Là , dit Nos« tradamus, les Turcs firent leurs pâques : le « croissant de la nouvelle lune ne fut pas plu-
« tôt aperçu , que toute leur artillerie, ca« Dons, bombardes et pierriers commencèrent « à tonner, leur arquebuserie à se deslacher, « nombre infini de flambeaux à être allumés; « les sons des divers instrumens en quantité « d'être ouïs, avec des cris et des burlemens « tant désordonnés, mêlés et confus, qu'ils « semblaient plutôt à hurlemens de bestes qu'à « voix humaines et raisonnables. »
Mais ce qu'il y à de plus extraordinaire, et ce qui ne l'est point pour qui connaît le caractère de la nation française , c'est que l'armée chrétienne se soit réunie aux infidèles dans celle occasion ; et cela, ajoute naïvement l'historien , par manière de plaisir et pour les saluer bravement ; puis , pour compléter cette apostasie , « l< s deux osts , au coup de l'aube « tirent ensemble à une plage à cinq milles « de Toulon, vers l'l'jt, et les Turcs y tien« nent leur marché qu'ils appellent en icur « vulgaire bazar, mettant en vente leurs pri- « sonniers, ainsi que nous faisons nos bestes. »
L'édit de l'année 1562 , qui permettait hors des villes le libre exercice de la religion réformée , édit de tolérance et d'impartialité remarquables , eut des conséquences toutes différentes de celles qu'on devait naturellement en attendre : il mit les armes aux mains des catholiques et des religiounaires.
Le sieur de Flassans , qui prenait volontiers le titre de chevalier de la Foi, dont il avait été décoré par les exaltés de son parti, avait rassemblé, dans une petite ville voisine d'Hyères , et que je nommerai en temps et lieux , une bande de quatre à cinq cents soldats ou goujats , ainsi qu'on appelait jadis ces individus sans profession , sans loi, que les populations voyaient avec terreur battre la campagne à la suite des corps détachés.
Comme au temps de Raymond de Turenne, ce n'était pas néanmoins des bandits déterminés ou de vieux routiers sans solde et sans retraite , hommes pleins de courage et de témérité , qui composaient ces bandes de parti-
sans qu'on appelait des troupes ; mais un ramassis de bouchers, de moines dissolus et de filles perdues de mœurs, s'il faut en croire un des modernes historiens de la Provence.
Cette troupe indisciplinée s'était vue forcée, après avoir menacé inutilement le château de Besse, de se replier sur Barjols. Après un siège de quelques jours, le comte de Tende et le duc de Crussol, dont tous les efforts tendaient à rétablir la paix dans la province , en frappant alternativement sur les deux partis , connaissant l'état de découragement où sa trouvaient les gens du chevalier de la Foi , commandèrent un assaut dont la réussite fut complète, c'est-à-dire que ces malheureux furent à peu près massacrés jusqu'au dernier, et que le chef ne parvint qu'à grand peine à se retirer sur la Basse-Provence , où , après avoir rôdé pendant quelques jours le long de la côte , suivi de peu de soldats démoralisés , il parvint à se réfugier dans Porquerolles.
Le comte de Tende, qui n'avait trop ni là possibilité ni la volonté peut-être de l'y poursuivre , se contenta de le bloquer en jetant, à Hyères, quelques compagniessous le commandement des sieurs de Bar et de Torrettes. Cette garnison toute faible qu'elle était , se montra plus que suffisante pour le tenir en respect : c'était ce qu'on avait voulu.
Les partis déposèrent un instant les armes, en 1553, et Charles IX profita de cet instant de pacification pour parcourir cette France qu'il devait, plus tard, couvrir de sang et de boue.
On sait, par des mémoires du temps, qu'il vint à Hyères, accompagné de la mère-reine, plutôt que de la reine-mère , du duc d'Anjou et du roi de Navarre, qui fut depuis Henri IV.
L'accueil qui fut fait au souverain en cette occasion , est vraiment trop remarquable pour être passé sous silence.
Ce fut le jour de la Toussaint, dit le manuscrit d'un sieur Manne, déposé à la bi-
bliolhèqued'Aix , et qui nous a fourni beaucoup de renseignemens sur cette époque ; ce fut le jour de la Toussaint que le roi fit son entrée en ville.
On avait planté sur le lieu de son passage, dès la veille seulement de son arrivée , deux rangs d'orangers couverts de fruits , en sorte « qu'on pouvait penser , ajoute l'auteur , que « les habitans laissaient ainsi croître ces ar« bres sur la route. » Une fontaine avait été construite en hâte auprès de la grande porte, et de cette fontaine jaillissait en abondance l'eau de fleurs d'orangers. Un robinet en forme d'arrosoir, placé au dessus de cette même porte, fesait pleuvoir cotte eau parfumée sur le Roi et sa suite , toutes les fois qu'il entrait dans la ville ou qu'il en sortait.
Les clés de la ville lui furent présentées par les consuls , qu'accompagnait le clergé et que précédaient des troupes de jeunes filles dansant des voltes et des rrtart-ingales.
Ce fut donc avec ce cortège que ce roi bel
esprit, patelin et dévot, mit pied à terre dans l'église des Cordeliers , où il voulait entrer pour rendre grâce à Dieu de son heureux voyage ; puis de sa main royale il toucha nombre de malades atteints d'écrouelles , qui s'en retournèrent guéris ou soit disant tels.
Les cinq jours que le roi passa à Hyères furent remplis par des fêtes continuelles. II ne pouvait se lasser d'admirer la beauté du site et la fertilité des jardins. Manne rapporte qu'il s'y trouvaitalors un oranger dont le tronc était de si énorme dimension , que le roi, son frère et le roi de Navarre ne purent l'embrasser , et sur l'écorce duquel, dit Gaufredy (1), qui raconte le même fait, fut gravée cette inscription :
(1) Le même historien ajoute que ces paroles se lurent encore long-temps après. Il oublie qu'un mois s'était à peine écoulé depuis le départ du roi, lorsque la Provence éprouva l'un des froids les plus vifs dont le souvenir se soit conservé : en une seule nuit tous les orangers périrent, et l'on fut obligé de couper ces arbres entre deux
Caroli regis amplexu glorior.
Emerveillée de la quantité d'orangers plantés en quinconce ou jetés épars dans la campagne , ravie à la vue de ces élégans palmiers qui balançaient bruyamment leurs mille éventails de verdure , de ces poivriers (1) qui grimpaient aux murailles , et du carroubier d'Espagne à la gousse succulente , la reine-mère obtint de son fils qu'il lui ferait bâtir en ces lieux , une maison royale entourée de jardins.
terres. Colui dont il est fait mention ici, avait porté dans cette saison plus de quatorze mille oranges. Ce récit, qui semble exagéré, peut cependant être vrai, puisque Raymond de Solerys, pour donner une idée de la force de la végétation en ce coin de la province, assure que de son temps il existait, à Hyères, une allée bordée de cinquante chênes que huit hommes n'auraient pu embrasser.
(1) Probablement le faux poivrier. Papon , d'après un autre manuscrit et même un ouvrage imprimé , dit qu'on y voyait, « outre les palmiers « dont il en reste encore un petit nombre, l'ar« bre qui porte le coton. »
Ce projet plut tellement au jeune Charles , qu'il donna l'ordre de mettre sur le champ la main à l'œuvre. Mais vinrent la Saint-Barthélemi ainsi que les troubles qui suivirent cette sanglante exécution , « et furent inter« rompus les travaux , disent les mémoires « du temps qui nous fournissent ces détails, « desquels pour être notoire à tous , n'en « fais autre mentiou. »
Après ces descriptions de fêtes , après ce regard jeté sur une belle nature , il est dur pour l'historien de revenir sur ces temps politiques dont les orages vinrent assombrir l'immense horizon de la province. Partout le fléau se fit sentir dans cette heureuse contrée et la dévastation fut presque générale. Henri III succéda à Charles IX , la religion devint encore le prétexte d'une guerre plus sanglante et plus animée que la précédente ; elle a laissé une longue trace de sang, d'incendie et de pillage au sein de nos populations.
Henri de Valois , successeur du maréchal de
Retz au gouvernement de la Provence , portait une haine avouée aux religionnaires , comme on appelait alors les dissidens. Ce fut lui qui jeta les premiers brandons de discorde , au milieu d'un peuple disposé par sa nature, son caractère, ses formes sociales, à toutes les passions violentes que souffle d'habitude l'esprit de parti. Le comte de Carces , ayant été fait grand sénéchal et lieutenant pour le roi dans le pays , place laissée vacante par la mort d'Honoré de Savoie, comte de Tende , acheva l'œuvre par ses injustices et ses exactions. Ses partisans qui étaient en force et devinrent les oppresseurs, s'appelèrent Carcistes , Carcenisles ou Marabouts, noms que leur jetaient dérisoirement leurs ennemis ; les autres , je veux dire les victimes , étaient les rasats , ou les rasés (1).
(1) Le maréchal de Retz, ou Raiz, comme l'écrivent les anciens auteurs , ayant pris la défense des religionnaires auprès du roi et des parlemens, ceux-ci ne tinrent point à déshonneur de porter
Les hostilités , qui avaient commencé sur plusieurs points à la fois , mais surtout dans les vigueries de Draguignan et de Brignoles , prirent un caractère plus sérieux , en s'étendant jusqu'aux villes du littoral. Les exactions et les ravages des Carcistes, à la tête desquels se trouvait le neveu du comte de Tende, se multiplièrent tellement, que des populations entières , qui jusques là n'avaient eu aucuns motifs pour prendre les armes dans une guerre dont les dissidences religieuses étaient le prétexte , se levèrent en masse afin de protéger les religionnaires ; non qu'elles les aimassent et fussent disposées à adopter leurs principes , mais poussées uniquement par le désir de rétablir l'ordre et la tranquillité autour d'elles.
La conduite des milices de la ville d'Hyères, auxquelles s'adjoignirent des troupes levées
le nom de leur protecteur. De raisats l'on fit ralzats.
en hâte à la Valette , à Solliers , à Toulon , à Ollioules , est digne des plus grands éloges. Les capitaines que ces paysans mal armés et mal vêtus avaient élus eux-mêmes , les menèrent bravement au combat, défirent sept à huit cents hommes que le seigneur de Vins avait laissés à Cuers , obligé qu'il était de se porter sur Bréganson , revinrent sur leurs pas , reprirent Pierrefeu , le Cannet et quelques autres points , et finirent par se débander , croyant avoir achevé leurs travaux guerriers. Avant de se séparer , les soldats des communes se promirent mutuellement de rentrer en campagne, si leur existence et leurs biens venaient de nouveau à être menacés. Le terrible et infatigable baron leur donna peu de répit. Furieux d'avoir vu ses cavaliers si rudement battus par des hommes inhabiles, armés pour la plupart de bâtons ferrés ou de quelques méchantes hallebardes, il quitta son château de Forcalqueiret. où étaient réfugiés les débris de sa troupe , et
vint tête baissée tenter un coup de main et dresser ses échelles contre les vieilles murailles d'Hyères. Là il échoua complètement ; mais il prit sa revanche sur Bréganson , moins vigoureusement défendu que cette ville, et qui tomba entre ses mains par composition.
Un arrêt du parlemeut de Provence, qui déclare « de Vins et ses partisans rebelles, « factieux et troubleurs, et qui engage les « bons et fidèles sujets de S. M. à s'armer « et à leur courre sus, » rend aux habitans d'Hyères toute l'énergie dont ils avaient déjà fait preuve. Réunis de nouveau aux bandes de Theonez, de Grasse et de Saint-Paul, de Vence, et toujours sous le commandement du capitaine Sauzet, les soldats des communes reprennent Bréganson et Cogolin; ils tuent Baudument, l'ami et le compagnon d'armes du seigneur de Vins, et trouvent l'ennemi qui les attendait encore à Cuers. La petite armée, composée en majeure partie des habitans d'Hyères et de sa viguerie, ne lui donna
pas le temps de se reconnaître. Les cavaliers du baron, quoique cuirassés et corcellés, ne résistent pas à cette furieuse attaque et se mettent à fuir : les larges feutres, les panaches , les riches manteaux jonchent la route. Cette dernière affaire leur coûta plus de cent hommes et de quatre-vingtchevaux. Enfin la campagne se termina par une trêve obligée, car tous les partis étaient épuisés, et le plus terrible des fléaux venait de fondre sur la malheureuse Provence.
Cette fois la peste n'épargna pas Hyères.
Les mémoires du temps assurent que le mal y sévit davantage que dans toute autre localité. Aussi, pendant près de deux ans que dura l'épouvantable mortalité , ce sol, naguères si riche , si bien ariosé, cette végétation si luxuriante , ces vastes prairies qui s'étendent vers la mer à l'est de la ville, toutes ces réjouissantes bastides qui embellissent le paysage , n'offrirent plus que l'image de la misère et de la désolation. Et quand cessa la terrible maladie envoyée d'Orient, ce fut
pour laisser voir ce pauvre peuple hâve , maigre, au corps débile, à la démarche chancelante, se traîner de nouveau sur les champs de bataille ; la guerre civile venait de secouer ses torches.
Chacun sait qu'à la mort de Henri III , qu'on a bien voulu appeler Henri le Libéral , le duc de Savoie , cherchant à profiter des troubles intérieurs qui déchiraient le royaume , pour s'emparer de la Provence , envoya des émissaires sur plusieurs points importants, ayant pour instruction de traiter de la reddition des places et de se faire des créatures.
De Son côté , M. de la Valette, gouverneur de la province , voulant prévenir toute surprise, informa les villes des évènemens qui se passaient à Paris ; et le conseil municipal s'étant assemblé , à Hyeres, le 7 juin 1588 (t) , pour délibérer sur ces communi-
(1) Voyez le journal de Fournier Man, bibliothèque d'Aix.
cations, prêta serment de fidélité au roi, et d'un mouvement tout-à-fait spontané , jura de même que tous les officiers de la viguerie , de lui conserver la ville èt de la maintenir dans son obéissance.
Le château d'Hyères était alors sous la garde du baron de Menouillon, homme déjà acquis au duc de Savoie ; l'importance de la place peut donner-la juste appréciation de ce qu'elle avait dû lui coûter. Le gouverneur se vit forcé de lever le masque et de se mettre en état d'hostilité réelle avec les habitans.
M. de la Valette fut bientôt informé de ce qui se passait ; et, par une des nuits sombres de novembre , on aperçut, s'approchant furtivement des murailles , quelques bataillons d'infanterie , puis des pas de chevaux se firent entendre , et enfin le roulement de la grosse artillerie. Peu d'instant après, M.
de la Valette lui-même , à la tête de cinq cents cavaliers, traînant à leur suite six pièces
de cauon , parut aux portes de la ville , qui lui furent ouvertes. Le baron de Menouillon , sommé sur l'heure même de remettre la forteresse s'y refusa ouvertement. Les troupes prirent leur logement en ville , les postes furent placés sur divers points. Quelques cavaliers coururent la campagne , et ramenèrent bientôt un homme couvert de vêtemens assez grossiers, mais dont la haute mine et la tournure militaire annonçaient le rang. Les cavaliers quis'étaient saisis de sa personne, rapportèrent que l'ayant vu rôder autour de la forteresse, et s'apercevant qu'il cherchait à éviter une rencontre , il leur avait paru suspect, l'un d'eux ajouta qu'il croyait reconnaître en lui le capitaine Fabri de Marseille , qu'on savait être tout dévoué aux ligueurs. Dépouillé en un clin-d'œil de son manteau et d'une partie de ses vêtemeus , il voulut en vain soustraire aux regards une boîte de médiocre dimension , qui contenait des papiers. C'était des pièces de la plus haute importance ; d'abord
le traité passé avec Menouillon , que le due de Savoie lui renvoyait signé ; puis quelques lettres adressées à M. de Berre , gouverneur de la Grosse-Tour , à Toulon.
La trahison était flagrante ; mais la punition difficile à infliger. On laissa la vie au capitaine, et peu de temps après il recouvra la liberté : c'était se tirer habilement d'un rôle où d'ordinaire on joue sa tête.
M. de la Valette tourna inutilement autour de la forteresse pour trouver un endroit faible. Il conçut le projet de construire une autre citadelle à l'église de l'Observance (1) ; mais ses officiers lui firent observer que le château dominant toutes les positions voisines , il fallait, ou commencer un siège en règle , ou se résoudre à ajourner une opération longue , meurtrière et dispendieuse.
(1) Probablement l'église Saint-Pierre, dont les ruines élégantes étaient encore debout il y a peu d'années.
Le surlendemain , dimanche 27 novembre, les troupes amenées par le gouverneur de la province levèrent le camp , sans bruit comme elles étaient venues, et laissèrent les habitans livrés à eux-mêmes, aux provocations de la garnison du château, et aux traitres qui les entouraient.
Le seul acte énergique de M. de la Valette , avait été de faire arrêter le procureur du roi au siège d'Hyères, qui avait voulu faire mettre à exécution un arrêt rendu par les conseillers au parlement d'Aix, lesquels tenaient pour la ligue ; arrêt dirigé contre les députés d'Hyères qui s'étaient rendus à l'assemblée de Pertuis, où les avait convoqués la partie saine du parlement, réfugiée dans cette ville.
Le capitaine Boyer , d'Ollioules , qui jadis avait commandé les milices des communes contre les carcistes , se trouva investi de l'ordre d'arrestation et de transfert à Toulon. Le prisonnier était détenu provisoire-
ment dans la maison d'un M. de Miolan , quand les partisans secrets de la ligue , hommes masqués de zèle et de dévoûment apparent comme on en trouve tant dans les temps de dissidence civile, répondirent de sa personne et obtinrent sa mise en liberté.
Quoiqu'obéissant à des impressions différentes , la ville et le château avaient un intérêt puissant à se ménager l'une l'autre ; aussi voyait-on les deux bannières ennemies flotter en paix dans la même enceinte. Si quelques coups de mousquets , lâchés par des sentinelles ennemies , venaient par intervalle interrompre la monotonie d'un tel état de choses , le lendemain , la ville refusait à la forteresse des vivres frais qu'elle tolérait qu'on lui portât. Quant à la campagne, les mémoires du temps disent qu'elle n'était plus tenable ; les crimes et les violences s'y succédaient de nuit et de jour. Ce fut à l'aube d'une matinée orageuse de février, que se
présentèrent aux portes , pleurantes , échevelées, à peine vêtues, Susanne de Villeneuve , dame de Bormes , accompagnée de ses deux filles et de sa belle-sœur. Ces mal9 heureuses femmes réclamaient un asile de la générosité des habitans d'Hyères , et elles se mirent à raconter que Rigaud et Serviles, gens appartenant au comte de Carcès, c'est ainsi qu'on désignait dans ce temps-là les gentilshommes qui vivaient et se poussaient dans le monde sous le patronage d'un puissant seigneur ; elles contèrent donc , à travers leurs larmes et leurs sanglots, que ces deux individus, accompagnés de quelques assassins à gages, s'étaient emparés, de nuit, du château seigneurial de BJrmes, et après l'avoir incendié , « ils avaient tué et meurtri Pompée « de Grasse , son mari et le sieur de la Verne, « son frère, appelé Claude de Grasse; avaient « de plus volé et pillé toute la maison , et « mis , elle , ses enfans et sa belle-sœur.,
w sans cotillons dehors d'icelle (t). »
Une barque, dirigée par un valet affidé de la maison de Carcès , et montée d'hommes enveloppés dans de longs manteaux , avait été vue à l'entrée de la nuit, dirigeant le cap sur Notre-Dame de Bormes, chapelle agreste située au-dessus du village qui porte ce nom. La barque s'était arrêtée entre quelques-uns des hauts rochers qui forment le cap Benat ; ils avaient mis pied à terre, et l'on sait le reste.
Le spectacle touchant qu'offraient ces pauvres femmes éplorées, mais conservant un noble et grand caractère dans leur malheur , ne contribua pas peu à irriter l'opinion publique contre les chefs de la ligue et leurs partisans, à Hyères. Aussi se tenaient-ils à l'écart et dans l'ombre , attendant une occasion favorable à la manifestation de leurs projets. L'arrivée ou plutôt le passage de la
(1) Manuscrit de Fournier, déjà cité.
duchesse de Florence , fille du duc de Lorrain ne, et de Claude de France, fut pour eux comme le signal si long-temps désiré.
Couvert de sa cuirasse, armé de son épée , et la dague au poing , un homme , suivi d'une quinzaine de misérables , se présente dans l'église des Cordeliers, c'était dans la matinée du 29 mai 1589 ; et là interrompant le service divin , il prend la parole et ne craint pas d'exciter le peuple à la révolte. Ardent catholique et chaud ligueur , il blasphéma et maudit la mémoire de Henri III, qui lui avait confié dans le temps le gouvernement de Porquerolles. Cet homme était un sieur Barthélemi Botini, connu dès long-temps par ses forfanteries et ses violences Malheureusement pour sa cause , sos discours inconsidérés avaient été nul e.'lit. Le soir , il renouvela la même scène et sans plus de succès : le peuple l'écouta et haussa les épaules : les capitaines delà ville le forcèrent à se taire. Le coup était manqué. Ce fut inutilement que
le lendemain se présenta dans la campagne.
le chevalier de Beaudimont , habile officier , qui tenait à la ligue et qui avait le mot. Pour ne point rendre sa course inutile , le chevalier donna ordre à sa troupe d'enlever le bétail et surtout les hommes qu'on trouverait disposés à la résistance. Au premier avis de cette conduite singulière pour des gens qui cherchaient à se créer des partisans, les habitans coururent aux armes , joignirent l'ennemi , lui tuèrent quelques hommes , et lui reprirent le butin qu'il avait fait. Le capitaine Melchior Bannet et Antoine Vien , proche parent de l'un des consuls , furent blessés en cette occasion. Une compagnie , chargée spécialement de veiller à la sûreté des campagnes, fut créée à l'instant même , et le commandement en fut confié à Jacques de Clapiers.
Le gouverneur de la province , M. de la Valette, avait cependant toujours à cœur de s'emparer du château d'Hyères. Pendant sa marche de Brignoles à la Garde , il vint à
apprendre que le sieur de Callas , qu'on savait étroitement lié avec Hugon Pincbinat, l'un des officiers tenant garnison au château , se trouvait dans une de ses terres ; il lui dépêcha un exprès , le vit, et le lendemain M. de Callas entrait dans Hyéres, sous prétexte d'y chercher un fermier pour l'exploitation de ses terres de Belgencier. On ne sait trop s'il réussit à corrompre Hugon et Bastien , son fils ; mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il eût tenté inutilement, dans ce moment , de séduire le capitaine Merle, brave officier de fortune, dévoué à M. de Menouillon, et qui avait reçu de lui en son absence le gouvernement du château.
On voit par le récit de ces menées, de ces intrigues secrètes que , pendant ces prétendues guerres de religion, on tenait peu compte des vertus qui en font la base , la foi et la loyauté.
Dans ce conflit d'ambitions contrariées et d'intérêts divers , les royalistes ne se condui-
sirent guères mieux que les ligueurs ; et l'on sait que les uns et les autres pouvaient s'acheter et se vendre à beaux deniers comptans, quand leur âme était à l'abri d'autres moyens de séduction (t).
(1) Voici ce que rapporte, à ce sujet, un manuscrit du temps. « Au même instant que le sieur « de la Valette se trouvait en la ville de Toulon, « le sieur de Callas et de Bougencier traitait se« crètement avec le capitaine Hugon , un de la « garnison du château d'Hyères, forteresse assise « sur la croupe d'une montagne, et tellemeut « forte de sa nature) qu'elle était bonnement « inexpugnable et imprenable par la force, parce ,« que le rocher est taillé à plomb de tous côtés Il avec grands précipices. Cette citadelle était « commandée par le baron de Menouillon, lequel, « comme capitaine de la porte royale de Marseille « et gouverneur de Notre-Dame de la Garde, fut « marchandé par M. de Savoie et par interven« tion du capitaine Fabry, de Marseille, pour « vouloir embrasser son parti, sous prétexte de « la ligue ils ne manquèrent offrir ni promesses « ni argent, car il eut somme forte pour soudoyer « deux ou trois compagnies dans le château « d'Hyères et pour le fortifier, réparer et muni-
Maître de Toulon et des environs, et sur bons avis reçu, M. de la Valette ordonna à M. d'Oraison de venir avec son corps de troupes assiéger le château d'Hyères. L'avantgarde , commandée par M. de Montaud , se mit en roule sur le champ; et, en arrivant, malgré Je feu continuel de la mousqueterie, le premier devoir de cet officier fut de construire quelques batteries entre la ville et le château. Quand M d'Oraison se présenta avec son artillerie , ce qui ne fut que le surlendemain , tous les travaux étaient achevés , au moins en grande partie. Ce qu'on voulait avant tout, c'était de se défaire du ca-
« tionner; et sous prétexte du mariage d'une da« me qu'il a depuis épousé, il se laissa embar« quer audit parti, et s'en alla depuis pour en « résoudre le marché au pays de Piémont, ayant « laissé dans ledit château le capitaine Merle pour « son lieutenant, Nicolas d'Ollières, et les capi« taines Hugon et Castelet, de la ville de Mar« seille. »
pitaine Merle, plus. dévoué, ou moins accommodant que les autres officiers. Des intelligences ménagées dans la place , apprirent avec certitude que le gouverneur provisoire et ses affidés se réunissaient tous les soirs , vers six heures , dans une salle dont les fenêtres étaient ouvertes sur la ville , et que là ils prenaient leur repas. Il était inutile d'en savoir davantage, Le jour même où ces instructions avaient été reçues, la table se trou«
vait mise , la vaisselle préparée, le souper servi ; six heures venaient de sonner, quand un boulet vint frapper si juste au milieu de l'appartement, que tout y fut brisé et renversé. Oui; mais le chef à la vie duquel on en voulait, était absent, et occupé à faire barricader une avenue dont les approches lui avaient semblé d'une faible défense. La nouvelle du fait que je viens de rapporter le mit de mauvaise humeur , et il répondit au coup de canon par une effroyable décharge de toute l'artillerie du château , à laquelle
succéda un feu de mousqueterie si bien nourri et si vif, que les assiégeans en souffrirent beaucoup. Le capitaine Merle ne paraissait pas plus disposé à leur permettre de dormir pour cette nuit-là , qu'on ne l'avait été à lui laisser prendre tranquillement son repas.
M. de la Valette , probablement conduit par le bruit de la canonnade , arriva fort tard devant la place , assembla son conseil et proposa de vaincre la résistance des assiégés , non plus par des boulets, mais par des propositions d'accommodement, à l'usage du temps.
M. de Callas s'offrit pour se rendre, en qualité de parlementaire, sous les murs du château ; il marcha occompagné d'Elyon de Panisse, sieur de la Javie , trésorier du comte de Provence. Un pareil négociateur devait peu s'attendre à se voir refuser l'entrée du fort, mais le capitaine Merle qui craignait une surprise , fit répondre qu'il ne pourrait recevoir les envoyés de M. de la Valette que le lendemain à huit heures du matin.
Introduit à l'heure fixée , M. de Callas prit la parole et demanda aux chefs assiégés si leur intention était de se dégager à jamais de l'obéissance due à leur prince légitime et naturel pour se vendre, ajoutait-il, « et « suivre les enseignemens de M. de Savoie, « prince étranger , ennemi de la France ; « s'ils voulaient ex poser leurs parens et leurs « amis pour être la proie des Espagnols et « autres , et enfin s'ils désiraient abandonner « leur patrie pour la voir posséder par ses « anciens ennemis. » — Notre intention et yolonté, reprit froidement le capitaine Merle, n'est autre « que de combattre pour la foi et religion catholique , apostolique et romaine; et je ne refuse , quant à moi, derecevoir aucune troupe dans le fort que parce que M. le baron de Menouillon , mon seigneur , m'a ordonné de conserver la place envers el contre tous , et de ne la remettre qu'à celui qui viendrait de sa part. Or je ne pense pas que vous soyez tels. » — Alors les
envoyés se tournant vers le reste du conseil, représentèrent vivement aux officiers qui y siégeaient, que si leur chef voulait se perdre d'honneur et de réputation , ils ne devaient point l'imiter pour acquérir les titres de traîtres et de perfides.
Cette violente sortie , préparée d'ailleurs et combinée à l'avance , produisit l'effet qu'on s'en était promis. La fermeté des représentans de la garnison fut fortement ébranlée, surtout par la lecture du projet de capitulation (1),
(1) Voici la teneur de cette capitulation, conservée dans les actes notariés de M" Antoine Ferret, et long-temps déposée en double aux archives de la mairie d'Hyères : Article 1". M. de la Valette accorde que, si dans six jours le château n'est pourvu d'une armée plus forte que celle qui est assiégée , les officiers rendront la place.
Art. 2. M. de la Valette donnera sauf-conduit à un ou deux des assiégés, pour aller averlir leur maître afin d'être secourus ( Ce fut Hautand de Tarascon, page de M. de Menouijlon , qui lui fut dépêché ). -
auquel le capitaine Merle , désespérant de sa troupe , obtempéra ; il ajouta seulement un cinquième article qui lui fut accordé. Le jour où cet acte fut signé , M. de la Valette fit
Art. 3. Passé ledit temps, les officiers remettront la place, ensemble armes et munitions de guerre, comme poudre , plomb , mèches et tous autres artifices de feu servant à la défense de la place.
Art. 4. M. de la Valette leur fera délivrer dix mille écus, savoir : cinq mille comptant et le reste dans trois mois.
Art. 5. Tous les meubles et équipages de M. de Menouillon demeureront au pouvoir du dit Merle ou autre capitaine pour les conserver à leur chef ou disposer autrement, comme bon leur semblerait.
Hyères, 31 aoùt 1589.
Pour le roi : les sieurs Jean Carbonnel, deCanet, de Coissent, de Couloubrières, Balthasar Estalle, Antoine Vien, M* Honoré Hemeri et Louis Fournier , consuls et députés de la ville d'Hyères, et pour M. de Menouillon : le capitaine Merle du lieu d'Ollioules, d'Olières-Hugon, Pinchinat et André Martinet d'Hyères, tenant garnison au château.
partir le marquis d'Oraison pour secourir Aubagne, et il demeura devant Hyères avec seulement quatre-vingt maîtres et l'infanterie qui occupait les redoutes et batteries aux environs du château.
Trois jours s'étaient déjà écoulés depuis que la capitulation avait été signée , quand Andrietto Doria, entrant en pleine voile dans la rade d'Hyères avec vingt galères montées de plus de deux mille hommes de troupes destinées au débarquement , vint mouiller devant le fort de Gapeau.
M. de la Valette , un instant surpris de l'arrivée de ce secours inopiné , vit promptement qu'il n'avait d'autre parti à prendre que d'aller lui-même au devant des troupes piémontaises et de leur défendre le passage ; car il était dans la croyance que cette petite armée était jetée sur la côte pour débloquer le château , et, tout en maudissant la célérité d'un page de M. de MenouiIIon, parti en hâte afin de le prévenir , il prit ses dis-
positions pour tromper et combattre un ennemi qui lui était supérieur en nombre.
Ses soixantes arquebusiers furent embusqués le long de la rivière de Gapeau ; et M.
de Buisson , qui commandait les éclaireurs et qui avait ses instructions , s'étant aperçu que les marins gênois n'étaient descendus à terre que pour renouveler leur provision d'eau donna aussi l'ordre à ses gens de se tenir hors de vue , et, se débarrassant de sa cuirasse, il s'approcha du rivage. Doria était là qui surveillait l'embarquement de son monde : à l'aspect d'un étranger il recula de quelques pas. L'officier français, du ton de l'extrême politesse , invita l'amiral à se rendre à Hyères, l'assurant de la courtoisie de M. de la Valette. Mais Doria n'était point homme à se laisser prendre à ces douces manières : il refusa brusquement , fit regagner bord à ses marins et cingla vers Toulon. La garnison , qui du haut de la forteresse avait suivi avec angoisses les mouvemens des deux armées,
ne comprit rien à la conduite de l'amiral italien ; mais le délai fatal expirant quelques jours après, elle se vit forcée d'évacuer le château , où elle fut remplacée sur l'heure par de vieilles troupes que commandait M.
d'Etampes (1).
L'autorité d'Henri IV fut donc enfin reconnue , au moins momentanément, dans le fort et dans la ville , et les habitans et les soldats saluèrent, pour la première fois , depuis bien long-temps , la même bannière.
Mais, comme s'il était dans les destinées
(1) Honorat Meynier, dans son ouvrage intitulé : Principes et progrès de la guerre civile ( Paris 1617), raconte un peu autrement les faits que je viens de rapporter. Il prétend que le lieutenant du baron de Menouillon « fut tellement « disposé par le capitaine Martin , oncle du sieur « de Boujer, qu'il rendit la place au service du « roi, moyennant dix mille écus ; » et que le gouvernement du château fut laissé, uon à M., d'Etampes, mais à un sieur Dumas , gentilhomme gascon.
de cette place d'être toujours divisée , et toujours aussi de se tenir dans une ligne d'hostilité ouverte contre le gouvernement établi, la bonne harmonie et la concorde ne tardèrent point à y être grandement troublées.
Les intrigues sans cesse renaissantes de la comtesse de Sault, femme pleine de hautes qualités et de grâce, mais d'un caractère ambitieux et remuant, ne tardèrent pas à réveiller l'esprit de parti qui s'était assoupi pour un instant Elle avait résolu de faire du territoire d'Hyères le point central d'une partie do ses opérations (1), et elle s'y était acquise de nombreux partisans.
(I) Voir les clauses du traité secret passé entre S. M. C. et Mme la comtesse de Sault.
« Sa dite M. C. promet de donner cent mille « ducats de Castille le jour que ladite dame ju« rera et signera le présent traité, et quatre mille « mousquets , autant de piques , mille pertuisa« nés, etc., etc., lorsque les troupes de S. M. C.
« arriveront en Provence , lesquelles seront dé-
A cela joignez la perturbation occasionnéë par la mort de la Valette, tué sous les murs de Roquebrune et remplacé par le duc d'Epernon dans le commandement des troupes , et vous pourrez vous faire une idée assez
« barquées aux ports du Gapeau ou de l'Argen« tière au temps qui sera marqué à ladite dame.
a Promet aussi, S. M. G., de contribuer et donc ner six cent mille ducats de Castille annuelle« ment pendant la guerre , en deux payemens « égaux, par advance, dont il fera le premier à « l'arrivée des troupes auxdits ports de Gapeau « ou de l'Argentière au golfe et terroir d'Hyères.» L'article suivant m'a toujours semblé une pièce curieuse et propre à jeter un grand jour sur les projets de la comtesse de Sault, de Casaulx et de leurs partisans en Provence.
« \('('l'I'!e, Saùite M. C., la protection de ladite v "::v (io son parti et de toute la Provence
« contre tous. pour défendre et conserver leur « liberté dans laquelle ils vivront indépendants « de toute domination, en forme de république « libre , etc., etc.
« Le présent traité, signé de S. M. C., sera « porté par un gentilhomme exprès à ladite dame « comtesse de Sault, au port de l'Argentière, au « temps qui sera accordé, etc. »
exacte de la disposition flottante des esprits.
Ce seigneur, dont la fidélité à la cause de Henri IV était plus que douteuse , tenait cependant à conserver une certaine apparence de dévoûment à ce prince , surtout à garder les places fortes qui avaient été conquises ou achetées en son nom sous le gouvernement de la Valette auquel il prétendait succéder à tout prix. Aussi, le 9 janvier 1593, le vit-on arriver à Hyères et installer M. de Signans, l'un de ses officiers les plus dévoués, sous le prétexte qu'il réservait une mission plus importante à M. d Elampes, sur lequel il savait ne pas pouvoir compter, quand ses machinations avec le duc de Mayenne viendraient à être connues.
Jouant jusqu'alors son rôle en comédien assez habile , on le vit ordonner et suivre une procession générale à l'eccasion du grand acte de catholicité auquel le roi avait cru devoir se soumettre ; peu de temps après il fit
encore célébrer en grande pompe l'entrée d'Henri IV à Paris.
Je ne sais trop sur quoi se fonde cette opinion que ce fut à peu près à la même époque que le duc de Savoie pénétra dans Hyères, et que ce fut en souvenir de l'impression que lui avait fait éprouver la vue de cette belle et riche campagne , qu'il donna le nom de rivière d'Hyères à un joli ruisseau qui coule non loin de son château à Chambéry.
Dans ce moment se préparait un drame dont Hyères devait être le théâtre , et dont les temps de guerres intestines peuvent seuls offrir quelques exemples. M. de Grésil, gentilhomme gascon , connu par de longs et honorables services , avait reçu l'ordre de s'emparer du château d'Hyères ; peut-être en le lui donnant, avait-on ignoré que son fils , M. de Signans , en était le gouverneur.
Quoiqu'il en soit, le vieux gentilhomme crut qu'il était de son devoir d'obéir , peut-
être s'était-il flatté en secret de réussir, au moyen de l'ascendant naturel que conserve un père sur son fils, et il se mit en marche , à la tête d'un parti nombreux de cavalerie et d'une infanterie dès long-temps aguerrie.
Comme pour cacher son trouble et sa douleur , ce fut encore pendant la nuit qu'il investit silencieusement la forteresse et qu'il tenta l'escalade. Sans qu'on y fut trop sur ses gardes, la position est tellement forte et d'un si difficile accès , qu'il fallut renoncer à la surprise et attaquer à force ouverte. L'assaut fut conduit par le vieux chevalier avec une incroyable activité ; mais repoussé avec une perte infinie, il se vit force de se replier sur Toulon , que M. d'Escaravaque venait d'enlever de vive force à la garnison qu'y avait laissé le duc. Celui-ci, furieux de la perte de cette ville importante , et du coup de main tenté sur Hyères par M. de Grésil , le déclara traître , et fit informer
contre lui par le grand prévôt qui suivait "on armée.
Jusques-là le mal n'était pas grand. Le courageux vieillard ne passait point pour homme à se laisser intimider par un vain appareil de justice militaire. Mais malheureusement l'amour paternel flattant ses espérances , il résolut de retirer son fils égaré, d'une voie de perdition et de honte , selon ses opinions politiques. Il prend son parti, se rend seul et sans armes à Hyères , et demande avec instance qu'il lui soit permis d'entrer au château. Les portes , en effet, lui en sont ouvertes , mais elles se referment sur lui, sans qu'il puisse désormais en sortir. Soit amour de son devoir mal compris , soit par ambition , le fils venait de se constituer geolier de son père.
Des amis trahissent des amis , cela n'est pas rare dans le temps de dissensions civiles ; mais un fils livrer son père ! son père , noble vieillard , au front cicatrisé , aux épaules
voûtées par le poids du corcelet d'acier , à la démarche encore imposante , quoique mal assurée. Et en quelles mains allait-on le remettre , le vieux soldat? Non pas encore entre celles du bourreaux ; mais cela ne devait pas tarder , le grand prévôt, était averti.
Or, ce grand prévôt quel homme était-ce ?
Le trait suivant , qui venait de se passer à Hyères , peindra son âme mieux qu'un portrait ne le pourrait faire.
Un bourgeois assez obscur , nommé François Gassien , passait pour être franchement dévoué aux intérêts du roi. On savait, à n'en pouvoir douter , qu'agent actif du Béarnais , ainsi que les ligueurs appelaient Henri IV , il avait rempli adroitement quelques missions secrètes. Cependant il avait été impossible jusque là de prouver sa coopération aux évènemeas qui maintes fois avaieat agité la ville. N'importe , on s'empara de sa personne; et, comme il fallait un prétexte à sa mort , il fut accusé de vol.
François Gassien nia vivement ce cime honteux ; a mais après avoir subi la gehenne « et la question , » Quoique aussi vigoureux de corps que d'âme, il se trouva forcé , au milieu d'effroyables tourmens , d'avouer un délit imaginaire et d'en faire amende honorable. Contre lui, déjà rompu , brisé , torturé , le grand prévot requit la peine de mort ; il l'avait fait condamner préalablement à payer les frais et dépens d'un procès qui ne se montèrent pas à moins de dix mille livres , l'amende comprise. Gassien fut donc pendu ; mais le justicier de M. d'Epernon n'était pas satisfait. A peine les dernières étreintes et les mouvemens convulsifs de cet homme eurent-ils cessé , que son corps , encore chaud , fut arraché du gibet et qu'on cloua sur l'heure sa tête coupée ainsi que ses quatre membres à chacune des portes de la ville. Après cet acte de froide atrocité , son ordonnateur partit pour BDgnoles, et passant à Cuers, il fit arrêter les deux consuls, qui
subirent la même peine , sans plus de raisons que le bourgeois d'Hyères.
Loin d'effrayer les habitans , ce spectacle les révolta ; et le conseil de communauté » suivant l'impulsion du dehors , décida el fit publier la défense formelle de payer à Pons Carmeron, établi par M. d'Epernon pour percevoir les impôts et tous deniers appartenant à Sa Majesté , tous fouages , tailles , impositions de vins , lattes et autres dioits ordinaires et extraordinaires , sous peine de se voir contraint à payer une seconde fois , quand les gens véritablement nommés par le roi se présenteraient pour les réclamer.
Cette courageuse manifestation de fidélité à la personne de Henri IV ramena en ville, pour la dernière fois, le duc gascon, mais le lendemain samedi , 2 juin 1595 , il en partit pour n'y plus revenir. Quant à la garnison du château qui, comme on le sait, lui était entièrement dévouée , elle se con-
tentait d'observer les mouvemens populaires du haut des tours et des remparts, et semblait insouciante des évènetnens qui pouvaient en être la suite.
Henri IV , roi d'un caractère facile et oublieux , venait enfin de nommer M. de Guise au gouvernement de la Provence ; M. de Lesdiguière , étant chargé de surveiller la conduite du jeuue prince, avait reçu le titre de lieutenant-général; à peine se présentèrent-ils que d'Epernon se vit abandonné de la plupart des gentilshommes qui jusqu'alors avaient suivi sa fortune. Les places se rendirent successivement ; Hyères tint bon pour le duc.
M. de Fanges, mestre- de-camp des armées du roi, fut chargé par le duc de Guise d'enlever la forteresse à M. d'Epernon , car de la ville et des habitans on en était sûr.
et, le 6 février de l'année 1596 , il vint camper , avec six régimens d'infanterie et deux escadrons , « au bord des vignes dudit Hyè-
« res ( rapporte un manuscrit déjà cité ) , et « près de la grande montagne qui touche « le quartier de la Crau. » Ce corps était éclairé par le chevalier Gaspard de Forbin qui commandait ce qu'on appelait alors les enfans perdus.
Ceux qui connaissent la formidable position de la forteresse d'Hyères apprendront sans surprise que ces nouveaux venus choisirent encore les ombres de la nuit pour commencer leur opération militaire. Il fut décidé par le conseil qui se tint au pied d'un grand arbre , sans autre abri que son feuillage , sans autre témoin que le ciel , que sans prendre plus de repos les troupes quoique harassées des fatigues d'une longue marche allaient essayer de s'emparer des principaux postes , et d'attaquer si vivement ceux qui les occupaient que pas un ne pùt s'échapper pour en porter la nouvelle au château.
En effet , deux des compagnies de M. de Forbin se mirent eu mouvement les premières
et bien avant le jour, commandées par Manase de Bersalis et de Maunans , officiers pleins de cœur et d'audace, mais aussi de prudence et de sagacité ; ils contournèrent, à pas de loup , les murailles dégarnies de défenseurs , et se présentèrent tout à coup devant la porte qui conduit aux salines. Cette porte fut bientôt forcée ; car dès que les prem iers cris de vive le roi , qui précédèrent l'attaque , se furent faits entendre , plusieurs habitans se mirent de la partie et aidèrent puissamment au succès de l'entreprise. Cependant les hommes du poste , en se repliant, eurent le temps de sonner l'alarme. Alors ce ne fut plus dans la ville que bruit et confusion. Les chevau-légers de M.
d'Epernon, qui avaient gîte chez les habi • tans, se levèrent en hâte ; et à peine quatrevingts d'entre eux , sans armes et sans chevaux , arrivèrent-ils par des rues détournées au couvent de Saint-Bernard. Presque en même temps devant ses murs de clôture , se
présentèrent les six cents hommes qui marchaient directement sous M. de Forbin ; puis arrivèrent au grand trot les cavaliers de M.
de Guise , sabrant tout ce qui se rencontrait d'ennemis dans les rues de la ville basse , et venant enfin se ranger en bataille dans la grande rue , et celle qu'on appelait en ce temps rue de la Muraille.
Quatre autres régimens qui s'étaient mis en marche un peu plus tard , mais conservant le bon ordre et le silence , occu pèrent successivement , d'abord les portes abandonnées par leurs défenseurs ; l'un , la place du Piot ; l'autre , celle de l'église Saint-Paul; un troisième, et c'était le plus exposé, fit halte sur l'emplacement où fut construit depuis le couvent des Clairines ; le quatrième poursuivant son chemin , ne s'arrêta que près de l'église de l'Observance.
L'infanterie et les cavaliers débandés de M. de Signans , nayant pu opérer leur retraite sur le château , s'étaient enfermés dans
le monastère des dames religieuses de SaintPierre d'Almanare , ainsi que l'appellent toujours les manuscrits du temps.
Les saintes femmes, moins effrayées qu'on se l'imagine peut-être de ce tumulte de guerre, s'étaient réunies dans leur chapelle, et là, elles chantaient au seigneur et le priaient, lui , Dieu des batailles , de donner la victoire aux ligueurs, qui assuraient combattre pour sa gloire et en son nom.
En attendant, l'attaque du monastère fut décidée par les assiêgeaus ; l'artillerie ayant été transportée , non sans quelque peine , sur la place Bellevue , le feu commença , et les murailles tombèrent. Le troisième jour seulement , tant ces gens se battaient avec acharnement et fureur , les troupes demandèrent l'assaut , et les religieuses chantaient toujours , et elles chantaient encore , quand les assiégeans vainqueurs entrèrent en foule dans leur église.
Au moyen d'une porte pratiquée au pied
du rempart , et qui communiquait avec le couvent une partie des assiégés put regagner précipitamment la forteresse ; les autres furent impitoyablement massacrés.
Du 14 février au 18 juin , les assaillans firent quelques progrès : mais le tout se borna cependant à l'occupation des plate-formes , où l'on trouva une grande quantité d'armes et l'artillerie qui y était encore en batterie, et à la capture d'un bon nombre de chevaux qui commençaient à servir de nourriture à la garnison ; car les vivres lui manquaient, et il fallait procurer des alimens frais et salubres aux malades et aux blessés , dont le nombre augmentait chaque jour dans une proportion vraiment effrayante.' Le 18 juin , à huit heures du matin , les assiégés , las d'être serrés de si près , firent une sortie désespérée. Ils culbutèrent le régiment qui avait pris position dans la maison du sieur de Limans ; et dès qu'ils l'eurent repoussé hors des premiers murs d'enceinte
de l'ancienne ville , ils en refermèrent les portes qu'on avait imprudemment laissées en place , baissèrent la herse , et, revenant sur leurs pas , s'en allèrent attaquer les plateformes , dont la prise leur eût permis d'agir sur un plus vaste terrain. D'autres se répandirent dans quelques parties de la ville haute, et y firent'des vivres à main armée.
Il était question de rentrer au château, et la chose n'était presque déjà plus possible ; les troupes de M. de Fanges étant sorties de leur côté du couvent de Saint-Bernard , vinrent leur couper la retraite , et les autres régimens, ramenés au combat par leurs chefs, commencèrent à reprendre l'avantage sur tous les points. Ce ne fut donc qu'à force de valeur et avec des pertes irréparables , que les soldats de M. de Signans purent de -nouveau regagner la forteresse. M. de Suse, lieutenant de ce chef ligueur fut tué dans cette sortie , qui coûta aussi beaucoup de monde aux assiégeans.
A partir de ce jour les sorties se multiplièrent ; car la nécessité et la faim poussaient officiers et soldats à les réclamer de leur, chef, forcé presque malgré lui d'obtempérer à la demande de ces braves gens.
En vain M. de Guise , fatigué d'un siège aussi long qu'inutile , se présenta-t-il luimême avec des troupes fraîches devant la place ; en vain une artillerie , augmentée de plus de trente pièces de canon , vomissait-elle la mort à chaque heure du jour , les ligueurs tenaient ferme ; ils étaient résolus à ne point se rendre , c'est-à-dire à mourir tous , si le sacrifice de leur vie pouvait retarder d'un instant la prise du château.
Durant ces cinq mois de siège et cette alternative de succès et de revers, pas un trait, pas un fait qui repose l'âme ; toujours un récit d'évènemens militaires, journal sec, monotone , rigoureux comme la science stratégique elle-même. Registres de morts tenus
avec exactitude, bons d'approvisionnemens irréguliers , solde mal payée ou excitant des réclamations : voilà l'histoire de ces cinq mois qui ne promettait pas mieux pour l'avenir , car le triomphe était incertain.
Heureusement pour les assiégeans et les assiégés , à la fin de l'année 1596, la paix fut demandée, conclue et signée de part et d'autre. Par suite de ce traité , le château d'Hyères, pour la troisième fois durant le cours de cette guerre , rentra au pouvoir du souverain. Lorsque la garnison fidèle, mais obéissante , en sortit , la misère et la fatigue avaient posé à jamais leur cachet sur la face pâle et amaigrie de ces soldats, que le fanatisme de la religion et du devoir maintenaient encore sous leur drapeau. Intraitables et tenaces , en défilant devant les troupes du roi, ils poussaient encore les cris presqu'oubliés de la ligue en Provence : Vivo la messo , muort eys bigarrats.
Après ce siège, le dernier que le château
d'Hyèresait eu à soutenir , le spectacle qu'offrit la ville était plus propre à exciter la piété que l'envie des villes voisines : c'était partout des murailles écroulées , des maisons sans toitures ou dégarnies de portes et de fenêtres ; c'était encore ses jardins dévastés ou laissés sans culture , une nature en deuil.
des monumens en ruines. la forteresse que l'artillerie avait en vain foudroyée et qu'on démolissait pierre à pierre (t) par ordre
(1) Nostradamus, qui a bien connu les moindres événemens de cette époque, dit positivement, en parlant de deux autres places fortes, le Puech et Roignes, « que furent démolies leurs « murailles , roques et forteresses , ainsi que ti le chdteau d' Hyères ava,it été démoli. » Quant aux mémoires manuscrits que j'ai cités à plusieurs reprises , ils n'en disent mot ; d'autres écrivains ne font remonter cet acte , qui fit perdre à Hyères toute son importance, qu'au règne de Louis XIII. On peut facilement, ce me semble , concilier ces deux opinions , en admettant qu'on acheva , sous ce dernier prince , ce qui avait reçu un commencement d'exécution pen-
du roi. Pauvre vieille ville ! sur le sort de laquelle les habitans pouvaient gémir , et qu'ils regrettaient comme un ami qu'on pleure et qu'on enterre , car alors on parlait de l'abandonner et de jeter ailleurs les fondemens d'une autre habitation.
Hyères avait eu long-temps , auprès du roi , un médiateur intelligent et un appui infatigable , c'était Rigaud , capitaine de ses gardes , né dans cette ville et mort en 1590.
Plus tard , Henri IV eut souvenir de son vieux compagnon d'armes et il jeta les yeux
dant la vie de Henri IV. Ce qu'il y a de positif, c'est qu'en 1620 , lorsqu'eût paru l'édit qui ordonnait la destruction générale de toutes les ; iuces fortes qui avaient tenu autrefois pour la ligue, le château d'Hyères fut rasé et démantelé de manière à ne pouvoir être rebâti qu'au moyen de dépenses considérables ; et il n'y a qu'à jeter les yeux sur les collines qui l'entourent, pour demeurer bien persuadé que le système de guerre actuel qu'on commençait à adopter , rendait cette reconstruction tout à fait inutile.
avec quelqu'intérêt sur sa ville natale.
Aussi , pour la dédommager de tout ce qu'elle avait souffert et en récompense du dévoùment dont elle avait donné un si haut témoignage , le monarque abandonna-t-il pour dix ans les revenus qu'il retirait de cette cité ; de plus, voulant laisser aux habitans une preuve de son affection , il leur fit proposer de transférer leur ville à la presqu'île de Giens ou sur tout autre point de la côte qui pùt être à leur convenance. Cette proposition ayant été acceptée, le roi voulut, mettre le comble à ses bienfaits en aidant à.
la construction d'un port qu'on commençait à creuser près d'un vaste bien communal, connu sous le nom de Terre du Jail (1) ; il.
promit d'affecter à ces travaux , pendant six
(<) Cet endroit s'appelle encore le Port, et l'on peut y apercevoir les traces d'un travail entrepris avec intelligence dans la direction du Sud au Nord.
années, les revenus de ses salines d'Hyères.
Le contrat (1) fut passé à Marseille , pardevant Rufi notaire , entre le duc de Guise, gouverneur de Provence , pour le roi, et les consuls d'Hyères pour les manans et habitans d'Hyères. Mais ceux-ci se ravisèrent bientôt, ils songèrent avec raison aux dépenses énormes que cette translation leur coûterait, à l'insalubrité des nouveaux lieux qu'ils allaient habiter , et que bornaient à l'Ouest et au Nord des marais empestés, aux belles et riches parties du territoire dont ils allaient s'éloigner, ils députèrent à Paris pour réclamer la non exécution de l'acte qu'ils avaient signé si inconsidérément. On sait par tradition que leurs fondés de pouvoir n' é-
(1) Je tiens ces documens de l'obligeance de M. Delord , ancien magistrat de la ville d'Hyères, qui a eu long-temps cet acte entre les mains.
Il a été déposé depuis, m'a-t-on assuré, dans les archives de quelque ministère.
taient qu'à Fontenaibleau le jour où Henri IV fut assassiné. Poussèrent-ils plus ioin pour achever leur mission , c'est ce qu'on ignore; mais il est certain qu'à dater de leur voyage les travaux furent discontinués et qu'ils n'ont plus été repris.
Sous le règne suivant, Hyères , abandonnée comme position militaire , ne s'occupa plus qu'à fonder des couvens celui des Recolets fut établi en 1621, celui des Clairines ou Clairistes en 1634 , la maison de l'Oratoire un peu plus tard ; en revanche le cardinal de Richelieu crut judicieusement qu'il était de la plus haute importance de relever les forts qui défendaient les îles et la côte , et même d'en construire de nouveaux (1) ; néanmoins sous Louis XIV, les
(1) Puisque je suis ramené par mon écrit à m'occuper de nouveaux des îles d'Hyères, il m'importe de relever une grave erreur occasionnée à leur sujet par une simple inadvertance de l'impri-
réparations qu'ils occasionnaient les firent abandonner , puis on les reprit, en sollicitant vivement , mais inutilement, de la province , qu'elle voulût bien voter des fonds pour subvenir à leur entretien.
meur et l'oubli d'une ligne qui malheureusement n'interrompait pas le sens de la phrase.
On lit donc à la page 122, ligne 5 de la note relative aux Staechades, les mots suivans : Voici mon opinion qui pour être nouvelle ne me semble pas tout à fait à rejeter. Il s'agit de la classification et de la désignation véritable de ces iles, et j'avais dit précisément le contraire de ce qu'on me fait avancer. Il faut donc rétablir la phrase ainsi qu'elle était écrite : « Voici donc mon opinion qui pour ne pas être nouvelle et avoir été déjà indiquée et combattue par le vieux Bouche ne me semble pas tout à fait à rejeter.» On comprendra facilement que je ne pouvais ignorer que Rufi, historien de Marseille, le père Guesnai et Monet avaient émis cette croyance, autrefois réfutée mais à tort, selon moi qui ai médité toutes les pièces du procès, par Cluverius Merula , Sanson, le père Labbe et surtout par Bouche l'ancien qui consacre une longue page in-folio à la discussion de ce point
Ce fut de ces îles , ou plutôt de la rade d'Hyères que partit, le 12 mai de l'année 1684 , la flotte destinée par le même prince à abattre l'orgueil de Gênes la superbe et à relever celui du vainqueur, si la chose était encore possible. Cette rade , quoique dénuée de port , fera toujours d'Hyères un point assez important ; et c'était un avantage de position qu'on n'avait pu lui retirer ; car il faut le dire , Hyères aussi avait été châtiée peu de temps auparavant, et l'avantage de posséder un siège de justice (1) ,
géographique. On comprendra mieux encore , je l'espère, que j'avais besoin de faire paraître
cette rectification avant que la critique veuille bien s'emparer de mon ouvrage et relever peutêtre de légères erreurs, quelques incorrections mais jamais des fautes aussi grossières.
(1) Ce fut en 1554 que François 1er établit, à Hyères, le tribunal de la sénéchaussée , présidé et tenu par un lieutenant du sénéchal de la province : mais antérieurement à ce prince, Hyères possédait une cour de Justice. La preuve
dont elle jouissait depuis des siècles et bien avant Toulon , lui fut retiré et rendu à plusieurs reprises , sous le règne de Louis-leGrand , qui ne se piqua guères de se mon-
de ce fait ressort de la pièce suivante, pièce authentique s'il en fut jamais; laquelle contient une enquête et un jugement rendu par la cour royale d'Hyères, en 1420. En voici la traduction : « De par Yolande, par la grâce de Dieu reine « de Jérusalem et de Sicile , duchesse de la « Pouille, comtesse d'Anjou, de Provence et de « Forcalquier, du Maine et du Piémont, direc« trice et administratrice de l'illustre et très « cher enfant notre premier-né Louis III ; nous « faisons savoir d'une manière manifeste à tous « et un chacun , tant présens que ceux à venir , « que notre cour royale d'Hyères , faisant le « troisième parlement de notre administration , « a établi par l'enquête et la teneur de la sen« tence définitive et absolutoire, que comme cer« tain procès et information criminelle ont été « agités sur les dénonciations faites par noble « Denis Roseti, vice-châtelain du fort royal de « Bréganson, pour et au nom de Chauttardi , « châtelain dudit fort, et par ordre de noble
trer Louis-le-Juste envers les Provençaux.
Il est vrai que les habitans d'Hyères avaient eu la prétention de résister à l'édit de 1661 , portant augmentation sur le sel , et à celui
« homme Louis de Turris , damoiseau , viguier « de la dite cour, contre Pierre et Antoine Fras« sinqui frères , Bertrand de Saint-Gilles , Monet « Nicolaï, Bancaforti et autres, prévenus d'avoir « coupé du bois de pin dans la châtellenie de « Bréganson, il y avait lieu à, etc., etc. »
Suit ici la teneur de l'information, beaucoup trop étendue pour la donner en entier , mais de laquelle il résulte , comme il résulte de la présentation de deux titres , que les habitans d'Hyères ont le droit de couper des pieux et de faire des myrthes et du charbon dans les bois de ladite châtellenie , et d'enlever ces pieux et ces fascines , tant pour les fortifications des fossés des salines, que pour celles des pêcheries de ladite ville d'Hyères. — Puis vient la sentence de la cour royale d'Hyères , qui absout les prévenus et fait défense à aucuns de Bréganson de troubler les gens d'Hyères quand ils iront dans les terres de Bréganson, ainsi qu'ils en ont le droit ; ce que ladite cour reconnai pour certain , d'après les lettres royales et les déclarations des témoins.
de 1664 , contraire au maintien des priviléges de la province que le prince avait solennellement juré.
L'obstination , ou plutôt le courage qu'ils avaient déployé en refusant de se soumettre à l'un et à l'autre de ces actes du gouvernement , leur attira , dit-on , une punition plus grave que celle dont je viens de parler. Outre un impôt de guerre considérable qui força la ville à aliéner la plus grande et la meilleure partie de ses biens communaux , elle fut flétrie par la main du bourreau. De pareils châtimens infligés à une po-
En 1642 , Louis XIII transféra à Toulon le siège de la sénéchaussée. Un édit de Louis XIV, en date de 4655, le rendit à Hyères. Ce privilège, ou plutôt ce droit lui fut enievé de nouveau en 1664, et ce ne fut que dix ans après, que le roi, revenant sur la sévérité qui avait dicté l'édit de translation du siège d'Hyères à Toulon, le rétablit dans cette ville en 1674, où il demeura sans interruption jusqu'en 1789.
pulation toute entière , on pourrait presque dire dans son individualité , ne sont pas assez rares pour qu'on refuse d'ajouter foi à cet événement ; nombre d'habitans se rappellent encore que la pierre qui le consacrait et qui faisait partie du mur de l'église Saint-Paul disparut seulement avant la révolution de 1789 avec le mur lui-même qui, s'affaissant de vétusté , couvrit un jour la terre de ses débris. Quand on le releva, la marque absurde d'infamie ne se trouva plus : elle consistait , au dire des personnes qui l'ont vue , en deux longues bandes en croix taillées au ciseau dans la pierre, à la profondeur de deux pouces sur six de largeur.
Ce fut donc à un simple acte de rebellion contre la volonté despotique de Louis XIV que la ville dût cette sévère punition ; cependant une tradition mensongère rapporte qu'elle a trait à un lâche assassinat commis par les habitans sur la personne d'un de leurs seigneurs.
Mais laissons là ces vielles traces du gouvernement féodal qui s'en allait expirant , et arrivons à l'année 1707 , moment où le prince Eugène faisait repentir le roi de France de l'avoir méconnu et de l'avoir forcé à se créer une illustration militaire à la tête d'autres armées que les siennes. Les deux règnes suivans sont si pauvres en évènemens , au moins pour ce qui regarde la localité dont j'ai entrepris l'histoire, que je me rattache à tous ceux qui peuvent encore jeter quelqu'intérêt sur un récit qui, je le sens , languit et tombe à sa fin.
Le duc de Savoie et le prince Eugène venaient d'entrer en Provence , et la flotte combinée d'Angleterre et de Hollande passait menaçante le long de la côte , promenant d'un point à un autre ses troupes de débarquement ; quand Toulon fut investi par les alliés. Hyères ne tarda pas à être occupée par l'amiral Schowel dont la flotte avait mouillé en confusion, écrit dans le temps un témoin
oculaire de tous ses mouvemens, entre Bagueau , qui est la plus petite des îles d'Hyères, et le cap Benat.
La première descente que les ennemis tentèrent fut sur Baglleau, espèce de long rocher couvert de quelque peu de terre végétale , et où le commandant entretenait des bestiaux qui trouvaient leur nourriture parmi les buissons de lentisques, de myrtes et de citises dont cet îlot est couvert. Ils tuèrent de ces chèvres et de ces moutons tout ce qu'ils purent , malgré le commandant de Portcros , brave homme qui les canonna pendant plus de deux heures , mais inutilement.
A peu de jours de là , après avoir brûlé quelques barques chargées de bois qui se trouvaient dans le petit port de Léoube , après avoir menacé le château Benat dont le propriétaire , aidé de quelques hommes de Bormes , s'était permis de repousser et de tuer les maraudeurs de la flotte qui avaient pris terre dans ces parages , toute l'armée navale
mil à la voile au nombre de cent deux bâtimens, et alla jeter l'ancre à l'embouchure du Gapeau ; c'était le 24 juillet. Deux cents hommes furent sur le champ mis à terre , et ils se dirigèrent sur la ville qui lui ouvrit ses portes devenues inutiles. Le major-général de l'armée , Irlandais et fort honnête homme, disent les relations du siège de Toulon , en prit possession et en fut nommé gouverneur (1).
(I) Le gouverneur, major-général de l'armée navale combinée, était un brave Irlandais qui faisait ses affaires (if) et laissait faire les leurs aux habitans. Il avait choisi pour logement la plus belle maison de la ville, et vivait si bien avec son hôte qu'un jour il lui prit fantaisie de lui faire voir sa maîtresse, belle et timide jeune
(*) Noumo à la villo un gouvarnour Que se tauxo à douis louis per jour ; Home de iouert boueno manièro , Permetten à tout bourgeois d'Hyero De vendre quatre saous lou vin En taverno ou pouerto sarrado , Tant defouero coumo dedin , A tous leis souldats de l'armado , etc. , etc.
Les ennemis maîtres de la ville et de la campagne , il était difficile de maintenir , sous les lois rigoureuses de la discipline , une troupe qu'on avait excitée mainte fois
fille qui, cachée sous des habits d'homme, avait, par dévouement, surmonté tous les obstacles, passé sur toutes les convenances pour suivre à la guerre l'homme de son choix et de ses affections. A cette marque de confiance, le marin en ajouta une autre, en disant à son hôte qu'il serait enchanté qu'on pût lui trouver une compagne gaie, vive et spirituelle, cette pauvre fille devenant d'une extrême mélancolie et s'ennuyant à périr sous son déguisement.
Celui-ci, ébloui par la beauté de l'étrangère et roulant déjà en sa tête des projets hostiles contre l'honneur de son nouvel ami , lui procura une créature de sa connaissance intime , * pour servir à ce dessein, et qu'il avait préalablement mise au fait de son dessein. En effet la rusée commère joua si bien son rôle, accapara tellement l'amitié de la belle Anglaise , qu'elles en vinrent à passer tout le jour sous
par la promesse du pillage ; aussi Bormettes » château situé non loin des salines , et le Bastidon , propriété considérable appartenant aux Chartreux de la Verne , furent-ils pillés
le même toit et la nuit à partager le même lit (*).
Une nuit donc qu'elles reposaient ensemble, la complaisante Provençale, croyant sans doute son amie une fille de sa trempe, sortit du lit sous un prétexte quelconque et se fit remplacer silencieusement par l'amoureux bourgeois.
Aux singulières façons d'agir de sa compagne, l'Anglaise jeta les hauts cris , et au bruit qui
(*) Et la bello Angleso li fet Caressos eytant que pousquet Per aubligear la dameisello D'estre sa coumpagno fidello , Et la quittar ni nuech ni jour.
Sçabi r as se soun entrepreso , Respondet à soun fouel amour , May , miech quart d'houro après , l'Angleso Faguet un diable de ruinour.
En aqueou brut pareisse un mourou D'un air et d'un regard meudourro, Em'un sabre nudo d'uno man , etc., etc.
et incendiés sans pitié. Les mémoires du temps rapportent m'ême que les soldats ne pouvant emporter tout le vin et l'huile qui s'y trou-
se faisait, apparut dans la chambre, armé d'un sabre et l'œil courroucé, un nègre , domestique affidé du gouverneur et qu'il avait placé auprès de sa belle pour la servir et la défendre.
Le bras était levé , l'arme était flamboyante , il ne restait plus qu'une ressource au téméraire coureur de bonnes fortunes , elle réussit. En se laissant tomber à genoux , il tendit au redoutable Cerbère, non un gâteau , mais une poignée d'écus. Le métal opéra son effet; le nègre comprit, serra l'argent et regagna son gîte, laissant lâchement sa maîtresse en butte à de nouvelles attaques.
Mais la désolée enfant avait eu le temps de songer au système de défense qu'elle devait employer , et pour cette fois elle ne se contenta pas de crier , (*) mais pinça , mordit, égratigna
Cf) Mais l'Angleso que douerme plus De la duplicata souttiso , Relevo apel coumo d'abus
Et senso autrement dire garo , A coous d'ounglos et coous de dcns Li significo sus sa caro L'exploit et tous seis dépendens , etc. , ele.
vaieDt, les répandirent sur le sol ; le grain qu'on avait renfermé dans les granges devint la proie des flammes; la dévastation fut complète.
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et si bien et si fort que l'assaillant lâcha prise, voyant bien , après sa défaite, qu'il ne lui restait d'autre parti que celui de fuir , il sauta par la fenêtre et sans plus tarder, mais non sans peine , il chercha un asile où il pût demeurer en sûreté. Le couvent de Saint-Bernard y dont il longeait les hautes et silencieuses murailles , s'offrit à sa pensée ; il s'y présente, conte son aventure, et les religieuses n'apercevant pas sans doute un grand crime dans cette nouvelle manière d'essayer la conversion d'une mécréante , le cacherent dans une tombe. Le pauvre hère y resta plusieurs semaines , se gardant bien de quitter sa froide retraite avant le départ de l'armée alliée , car il savait, à n'en pouvoir douter, que le gouverneur irrité ne parlait de rien moins que de le faire écorcher vif* ; mais
(*) Nouestre gouvarnour plen de ragi, Se tenguesso aqueou maliciou , L'aguesso escourtega tout viou.
Les habitans laissèrent à leur ciel dévorant le soin de les venger. Déjà la flotte avait débarqué aux salines plus de neuf cents malades , et ce nombre augmentait chaque jour.
D'ailleurs , ce lieu si près , à cette époque
de marais empestés, était plus propre à les achever qu'à les guérir. Une affreuse dyssenterie avait gagné l'armée de terre , et les Allemands avaient de leur côté un hôpital à Hyères , qui n'était guères plus salubre que son littoral : de toutes parts le sol s'engraissait de cadavres.
Cependant la flotte continuait ses opérations , mais sans grand résultat. Tantôt elle
il eut tout le temps de faire de sérieuses réflexions, et de laisser calmer l'effervescence deson sang; et quand au bout de quarante jours il reparut à la lumière, ce fut encore pour se voir bafouer, honnir, maltraiter de ses compatriotes, qui lui attribuèrent à juste titre le surcroit de contribution de guerre auquel ils avaient été imposés.
paraissait devant Toulon , tantôt elle regagnait son mouillage entre les îles d'Hyères.
Son chef continuait à demeurer dans la ville, où il lui arriva une aventure assez peu digne de la gravité de l'histoire , mais que Jean de Cabanes, poète provençal du dernier siècle, qui a laissé un poème sur l'expédition du duc de Savoie , raconte d'une manière assez piquante. Cette anecdote, que je rejette en note , quoique bien avérée, perdra certainement de son prix en passant du naïf langage de l'écuyer d'Aix , historien sincère , ainsi qu'il s'intitule, dans la langue française, qui se plie moins que l'autre aux formes de la plaisanterie.
Pendant la durée de ce siège mémorable et si glorieux pour Toulon , on ne compta pas, à Hyères, moins de cinq mille malades ; et quand le duc de Savoie regagna la frontière il laissa un bon nombre d'entre eux, qui n'eurent qu'à se louer de l'humanité des habitaos. On n'en pourrait pas dire autant
de tous les lieux de la Provence où se traînaient les débris de cette triste armée conquérante ,. et où se trouvèrent cruellement compromis les soldats invalides du duc de Savoie, qui avait rêvé lui même (1) l'adjonction de cette province à ses maigres états.
Après cette courte campagne , le pays fut tranquille , Hyères le devint aussi , jusqu'en 1746 ; et encore si les milices de la viguerie prirent une noble part aux évènemens mi-
(1) a Etant un jour allé à Bormes , je ne pus « m'empêcher de rire , ayant entendu tout à « coup le valet de ville qui, après avoir sonné «trois fois de la trompette, cria en notre idiôme!
« Il est ordonné à tous les muletiers de ce lieu, « de la part de son altesse royale le duc de « Savoie, notre seigneur et maître, à qui Dieu « donne longue vie , de se rendre à la place « pour porter de la farine au camp, sous peine « de punition corporelle. M'étant informé d'où « venait cette nouveauté, les consuls me dirent « que c'était la formule que M. de Fontana, in« tendant de S. A. R. leur avait donné à Hyères. »
( Mémoires de M. de Benal. )
litaires de cette année, ce fut à l'affaire du Luc , car leur territoire n'eut point à souffrir de la présence de l'ennemi..
Après quoi, l'histoire ne nous offre plus rien qui soit digne de nous occuper ou capable seulement de nous intéresser un instant ; ce ne sont plus , jusqu'en 89, que guerres de langues , escarmouches de coteries , querelles de pierres et de bâtons , misérables dissentions sur des sujets plus misérables encore.
Quant à 8§, je mabstiendrai de réveiller les souvenirs de cette époque ; j'agirai de même pour ceux de 1815 : trop de récits contradictoires ou trop de passions mensongères et haineuses trop de torts peut-être réciproques, laissent encore fermenter dans les esprits un mauvais levain de représailles , pour qu'un historien surcharge sa conscience du récit de certains faits qui n e peuvent être équitablement rapportés et appréciés par les contemporains. Que ceux qui ont commis des fautes , des crimes même , se jugent et bais-
sent la tête ; que ceux qui ont tendu la main à leurs ennemis politiques , qui ont adouci d'amères douleurs , de cruels froissemens d'amour propre, soulagé de grandes infortunes , marchent le front haut : il est des uns et des autres dans les deux partis.
â3>lPISE[ID!ICGI2
ou
ÉTUDES Archæologiques) géologiques, minéralogiques, botaniques, agricoles, industrielles, mafacturières, administratives, etc.
Le complément de la partie historique d'un livre tel que le mien , c'est, sans contredit, une exposition presque matérielle du résultat de toutes les découvertes archœologiques dues , soit au hasard , soit à des recherches entreprises avec suite et persévérance. Ce dernier cas ne s'est jamais présenté à Hyères. Néanmoins on a pu reconnaître les traces effacées de quelques excursions grecques, ou plutôt phocéennes, sur
le littoral ; l'on a recueilli des documens certains sur la colonisation romaine d'une partie de nos côtes. Je dirai tout ce qui est venu à ma connaissance sur ce sujet ; le lecteur en tirera les inductions qu'il jugera convenable. Quant à moi, on a vu de quelle réserve je me suis enveloppé quand il s'est agi de traiter des origines antiques de la contrée ; je le déclare d'avance: là où j'aurai perdu le fil des certitudes historiques , je n'émettrai point d'opinions particulières , exposant fidèlement le pour et le contre , et citant toujours mes auteurs. J'ai peu trouvé moi-même de médailles ou plutôt de monnaies antiques , mais on m'en a apporté quelques unes, recueillies sur divers points du territoire , et j'en ai vu un plus grand nombre , tombées entre les mains d'autres personnes, qui avaient eu le bon esprit de les conserver religieusement, et qui m'ont permis de les décrire ou de les faire reconnaî-
Ire quand je ne me suis pas senti assez liabile pour les classer moi-même.
Pour commencer donc par les plus anciens monumens , je citerai quelques médailles graeco-marseillaises, rencontrées par M. V.
Estalle, durant des fouilles entreprises par lui sur la plate-forme de la partie nord-ouest de l'église Saint-Paul , et celles que j'ai tenues ou possédées , et qui m'avaient été remises , à Porquerolles , par un habitant de l'île. M. Estalle m'a assuré avoir assisté à la découverte des deux premières , renfermées , disait-il, en un tombeau creusé dans la roche schisteuse ou philladéenne qui forme la montagne du château et de l'ancienne ville.
La description en est simple. Elles étaient en bronze.
La première offrait les caractères MAS , tête casquée tournée à droite ; au revers un caducée.
La seconde MASSA, tête d'Apollon tournée à gauche ; revers , un cheval il droite.
Parmi celles trouvées à Porquerolles , dont quelques-unes étaient frustes et indéchiffrables , se distinguent les trois suivantes : L'une était en argent et fort petite ; on pouvait y lire le mot MASSA.
Elle représentait une tête d'Apollon ; au revers , une roue à quatre rayons , parmi lesquels était la lettre M.
2e. MASSALIE. Tête de Pallas, casquée, tournée à droite ; revers , MA , un trépied.
3e MILI. Tête de femme laurée , tournée à droite ; revers, ANTI. LEPI. Victoire debout , posant une palme ou une couronne sur un trophée.
Ces sortes de médailles étaient des monnaies d'Antibes , l'ancienne Antipolis.
Quelques années plus tard, M. V. Estalle m'en montra deux autres qui venaient de lui être apportées , et dont je pris à l'instant l'empreinte.
L'une en argent et d'un petit modèle, offrait pour légende LAKYDON. Une tête d'A-
pollon, revers, une roue à quatre rayons.
L'autre : tête d'Apollon portant un carquois ; revers MASSALIETON , un taureau.
Voilà sur quels pauvres titres on a voulu faire d'Hyères la fille de l'antique Olbia. Nous serons plus heureux en recherchant les traces de l'occupation romaine.
Ce n'est pas seulement dans les ruines de Pomponiana qu'elles s'offriront à notre vue , mais nous les rencontrerons disséminées dans la vaste étendue de tout notre territoire , dans nos îles , au centre de nos montagnes les plus agrestes comme au milieu de nos plus fertiles vallées ; auprès des salines, des terres de la Londe, de Léoube et de Bréganson , aussi bien que vers nos limites à l'ouest du côté de Carqueiranne Commençons par l'étude des incriptions diverses qu'on a découvertes çà et là, soit à Hyères, soit dans la campagne, et dont quelques-unes ont déjà été décrites.
En descendant la rue Sainte-Catherine , qui conduit de la place Massillon à l'église SaintPaul , on trouve une pierre tumulaire, que l'on a fait servir à la construction d'une maison située à gauche de la rue. Cette pierre originairement carrée , est fracturée à l'un de ses angles. On y lit distinctement les mots suivans et dans l'ordre que j'indique :
Q. ATILIUS Q. L. PREPON.
SIBI ET SUIS VIVOS F.
Une seconde pierre tumulaire existe dans la cour de M. de Boutiny, rue du ChevalBlanc. L'inscription est citée en entier dans la notice sur Hyères , publiée, en 1820, par M. Gensollen. Elle se détériore chaque jour; car , à l'époque où ce médecin écrivait, on pouvait encore , à ce qu'il paraît , reconnaînaître plusieurs lettres aujourd'hui entièrement effacées :
D. M. D. M.
1 VALERIO; TER RIO TER ISSIO ; 1 VALERO, .10 VALERO 10. I VALERO I VALERO VALERIANO FILIS L VALERIANO FI LIS L MESSIVS TF. I. MESSIVS TF 1 ET SUIS SUIS.
J'en ai vu autrefois une troisième dans cet endroit de la ville basse qu'on appelle le Prieuré ; elle était en fort mauvais état , et je n'ai pu en reconnaître que les fragmens de phrases et de noms propres que je donne ici :
N.TE O. US PI. FI LIE.
Une autre pierre , qui avait servi jadis à la construction de la chapelle Notre-Dame-
du-Plan , et qui a disparu depuis quelques années , offrait les mots suivans, encore fort lisibles :
CN. IVLIVS, JEMILIVS CN. IVL. EPICE. Fi.
EPAPHRODITO. -VS LIB.
Cette chapelle de Notre-Dame-du-Plao , et les bâtiraens d'exploitation rurale qui en dépendent, appartenant jadis aux religieuses de Saint-Pierre d'Almanare , il ne serait pas extraordinaire que cette pierre eût été transportée là, avec d'autres matériaux provenant des ruines de Pomponiana , pour édifier dans ce lieu ce pieux monument, bâti en 1745, et dédié à la Vierge.
Une autre inscription est encore appliquée sur le mur nord-ouest de l'église Saint-Paul.
Mais la forme des lettres et leurs groupes indiquent trop bien un ouvrage du moyenâge, pour que je m'en occupe ; j'aime mieux encore, avant de m'engager parmi les dér-
ombres elles ronces qui recouvrent les constructions de Pomponiana , parler des grandes urnes et des briques trouvées à Mauvanes, il y a quelques années.
M. Casimir Valeran , alors propriétaire de ce bien rural, faisant remuer nue portion de ce terrain, qui n'appartient déjà plus au terrain d'alluvion qu'on peut dire former la ceinture du golfe. rencontra , asrises sur le roc , les fondations solides et encore faciles à reconnaître, d'une habitation romaine. Lorsqu'on eut déblayé les décombres , on put s'assurer qu'on se trouvait dans une de ces petites salles basses où les colons conservaient les provisions et la poterie du ménage. Des urnes d'assez grande dimension frappèrent les regards des travailleurs, qui les brisèrent en voulant les enlever , car elles étaient remplies de terre et d'un poids énorme. Deux d'entre elles fixèrent plus spécialement l'attention des assistans, par le nom du fabricant qui y avait appliqué son cachet ou sa
marque ; on y lut donc le mot FABY.
Ce potier , dont le nom se rencontre si fréquemment sur des vases et des briques.
découverts dans d'autres parties du territoire d'Hyères (le vallon de la Roquette et Carqueiranne ) aussi bien que dans le reste de la Provence , semble l'avoir imposé à ces grandes jarres que les habitans destinent à la conservation de leur huile et qu'ils appellent des faby.
Outre ces deux urnes que je viens de mentionner , on trouva aussi chez M. Valeran , des frngmens nombreux de vases de moindre dimension , ornés de dessins en relief, gracieux et variés, et d'une terre extrêmement fine -, comme on en voit encore dans les vignes qui couvrent le sol de Pomponiaua, et auprès de la tour fondue, sur la presqu'île de Giens. Dans le ravin à la droite du chemin qui conduit à ce petit fort, j'ai ramassé , parmi d'autres vestiges du séjour (ks romains en ces lieux , une médaille de
Néron, en bronze , de la plus parfaite conservation ; et à quelque distance du même endroit, un paysan me remit un Galba, dont le revers était un peu fruste, mais pas assez pour qu'on ne pût reconnaître les mots suivans : S. P. Q. R. OB.C , renfermés dans une couronne de chêne. Les auteurs sont tous d'accord pour assurer qu'on donnait cette couronne à ceux qui sauvaient la vie à un citoyen romain , et que les empereurs se faisaient une gloire de la mériter. La première médaille dont j'ai entretenu le lecteur , et par laquelle je commencerai une liste qui peut avoir quelqu'attrait pour les numismatistes, était en bronze et représentait Néron La légende porte :
NERO CÆSAR AUGUSTUS.
Revers, SALUS. Femme assise : elle tient à la main droite une patère. On croit que Néron fit frapper cette médaille après la découverte de la conjuration de Pison ; d'au-
tres disent au sortir de quelque maladie. Je puise ces explications et les suivantes chez quelques archéologues ancien? et modernes et entre autres dans une série de mémoires lus à l'académie de Berlin. Au reste je ne prétends donner que les principales, et encore celles-là m'ont-elles l'air d'offrir moins d'im portance sous le rapport de la numismatique que sous celui de la géographie ancienne de la contrée, en constatant la longue occupation romaine sur divers points de la côte et dans les îles. Je citerai donc encore un Othon: 2°. Légende. IMP. OTHO CÆSAR. AUG.
TR. 1'.
Revers. PONT. M. Une femme debout qui de la main droite tient des épis , et de l'autre une corne d'abondance. On sait que ce symbole a trait à la sollicitude de cet empereur pour Rome, à l'époque de la terrible famine dont parle Suétone.
3°. Légende. ITELLIIJS 1M. GERM. La tête de Vitellius couronnée de lauriers.
Revers. FIDESEXEKCÏT Deux mains jointes : allusion au serment de fidélité prêté par toutes les armées après la mort de son compétiteur Othon.
4°. Légende. A. VITELL. GER. Vitellius la tête ceinte d'une couronne de lauriers.
Revers. S. P. Q. R. 0. B. C. S.
Indique que Vitellius, vainqueur d'Othon, après la bataille de Bebriac, laissa la vie à un grand nombre de citoyens romains.
5°. Légende. IMP. CÆS. VESP. AUG.
P. M. La tête de Vespasien couronnée de lauriers.
Revers assez usé. AUGUR. TRI.. P.
Un vase , la crosse augurale et un autre objet que je crois être un aspersoir. Tout indique ici l'époque du pontificat de Vespasien.
0°. Légende. IMP. TITUS C/ES. VESPAS.
AUG. P. M.
Tête de Titus couronnée de simples lauriers Revers. TR. P. IX IMP. XV COS. VIII
P. P. Une chaise curule au devant d'un édifice dont le fronton est orné de huit bustes et surmonté d'un aigle aux ailes déployées.
Cet édifice est le temple dès Flaviens. Titus le fit construire en l'honneur de son père, placé au rang des dieux. Plus tard, D omitien dédia ce temple à Minerve.
'Jo. Légende. IMP. NERVA CÆS. AUG.
P. M. T. I. CS.. PP.
La tête de Nerva couronnée de lauriers.
Revers. ÆQUIT AS AUG. Femme tenant une balance de la main droite ; de l'autre une corne d'abondance.
8°Légende.IMP. TRAIAN. AUG. GER.
DAC. P. M. La tête de Trajan.
Revers. DIVUS PATER TRAIA Un homme assis sur une chaise curule ; il tient de la main droite une coupe , et de l' autre une haste.
C'est la statue du père de Trajan , mort sous Domitien , et mis au rang des dieux à la sollicitation de l'empereur son fils.
J'en citerai encore quelques unes avant de faire un relevé exact de toutes celles qui m'ont passé par les mains, et qui sont au nombre de plus de soixante ; et je terminerai cette notice archaeologique par la description de quelques ruines encore debout sur la plage de Pomponiana , et celle d'une mosaïque d'une assez belle conservation , trouvée chez M. Clapiers ( Charles) , déjà connue dans le public par un article des archives du Var, que je relaterai en entier.
A Porquerolles , furent trouvées , par un soldat de la garnison , quelques médailles en or d'Hadrien et de Jovien , aussi belles et aussi pures que si elles entraient en circulation pour la première fois. Le cantinier de la garnison en posséda Ion g-temps plusieurs ; les autres avaient été portées à Toulon et cédées à un orfèvre au prix de vingt-trois francs.
Celles que j'ai vues étaient d'un petit module et liiissaient lire pour légende ces mots: HADRIA WS AUG. COS. III PP.
La tête était ceinte d'une couronne de lauriers.
Revers. AFRICA. Une femme à demi-couchée , tenant de la main droite un scorpion , et de l'autre , une corne d' abondance. Sur la coiffure se distingue comme une trompe d'éléphant ; à ses pieds est une corbeille pleine d'épis. Cette médaille constate un voyage en Afrique entrepris par l'empereur.
Le revers est un symbole de la fertilité de cette partie du monde d'où Rome tirait ses approvisionnemens en blé , et du nombre infini d'animaux nuisibles qu'on rencontre dans ses déserts.
Une autre représentait la tête d Hadrien sans couronne.
Légende. HADRIANVS AUG. COS. III. PP.
Revers. ITA L. Une femme debout tenant de la main droite une haste , et de l'autre une corne d'abondance.
C'est l'Italie comblée des bienfaits d'Hadrien , et florissante par son commerce et
l'abondance de ses produits agricoles.
Légende. JiLIUS. La tête d' Ælius César.
Revers. R. POT. COS. II. CONCORD.
Une femme assise tenant de la main droite une patère et s'appuyant sur une corne d'abondance.
Les auteurs disent , en se basant sur l'opinion de Spartien , qu'après la mort de Sabine , l'empereur Hadrien adopta Lucius Cejonius Comodus , alors consul , et qu'il le désigna comme devant jouir de ce titre et continuer les fonctions pour l'année suivante. La médaille retrace , dit-on , la bonne intelligence qui régnait entre l'empereur et son fils adoptif.
IMP. CESAR TRAJAN. HADRIANVS AUG.
Tête d'Hadrien couronnée de lauriers.
Revers. P. M. TR. P. COS. III. Une femme debout , tenant de Id main droite une tête d'homme, et de la gauche une tête de femme en regar,l; dans le champ de la médaille , se lisent ET. ; de l'autre, AVG.,Chapat,
qui a souvent donné d'ingénieuses explications des médailles antiques, prétend que cette femme représente l'Eternité portant entre ses mains les têtes de Trajan et de Plotine. On sait qu'en effet Hadrien , leur fils d'adoption , leur avait fait assigner une place au rang des dieux.
En voilà bien assez sur les médailles ; le nombre de celles qui ont passé par mes mains, se monte exactement à soixante-dix , parmi elles j'ai dû choisir les plus curieuses ou plutôt les moins communes. J'ai bien entendu parler des figurines en bronze rencontrées dans la petite vallée formée par les abaissemens de la montagne de l'Hermitage et celle du Trou-des-Fées; mais je ne les ai point vues. On disait que l'une représentait un Atlas et l'autre un Amour , et qu'elles étaient remarquables par leur exécution. Un Anglais les acheta du paysan qui les avait trouvées ; et cette perte , jointe à celles d'un grand nombre de médailles , nous
fait sans cesse désirer l'établissement d'un musée , qni s'enrichirait des découvertes locales , et que ne déparerait pas le morceau curieux dont je vais parler : Il y a quelques années que fut découvert, dans la propriété de M. Clapiers , située près la route départementale de Cuers aux salins d'Hyères, le pavé en mosaïque qui va fixer un instant notre attention. Ce monument ne remonterait pas plus haut que le 2c siècle , selon le savant M. Pons , qui en a donné une bonne description dans les archives du Var , « et il se recommanderait aux amis de » l'antiquité , non par la richesse de la ma« tière , ni par l'élégance des dessins , mais « par sa conservation et le fini du travail. »
Cependant le pourtour ou l'encadrement, qui offre une saillie d'environ cinq pouces, a été altéré et brisé en plusieurs endroits.
La plus grande longuenr du pavé entier est de neuf pieds trois pouces ; sa largeur est de sept pieds sept pouces ; « les dés sont
« de petits parallëlipipèdes, dont les grand s « côtés ont environ un pouce et les petits « côtés un demi-pouce ; ils sont d'une pierre « calcaire compacte , leur couleur est d'un « blanc jaunâtre. Les dessins qu'on remar« que sur cette mosaïque ont été exécutés « avec des paraïlélipipèdes d'un noir grisâtre.
« Quelques pierres d'un gris moins foncé « ont servi aux demi-teintes. Cette mosaïque « est incrustée dans un lit de mortier d'une « extrême dureté , qui paraît avoir 7 à 8 « pouces d'épaisseur , et est formé de chaux « vive , de briques pilées et de petits cailloux.
« Sa composition devient de plus en plus « grossière à mesure qu'il s'éloigne du sol ; « le plan du pavé est sensiblement incliné « vers le sud. Le voisinage de la rivière de « Gapeau , qui coule à cinquante pas de là t « divers fragmens de tuyaux de plomb , qui « ont été trouvés dans le terrain situé entre « cette rivière et l'emplacement du pavé, « semblent indiquer qu'il appartenait à une
« salle de bains. Un vase et un dauphin , « qui y sont figurés dans de grandes dimen-« sions , donnent à cette conjecture un nou« veau degré de vraisemblance. »
Il est fâcheux que la position de cette curieuse antiquité au milieu des terres cultivées , ne permette pas de la tenir toujours découverte et de satisfaire ainsi la curiosité des étrangers ; mais on ne peut s'empêcher de penser que la précaution prise par le propriétaire, de la laisser chargée d'une eOd- che de terre végétale , est bonne en ellemême , et l'a préservée jusqu'à présent des mutilations qui ont fini par détruire totalement lant de morceaux de ce genre.
D'autres fragmens de mosaïque ont été trouvés à Porquerolles et à Pomponiana.
Ils indiquaient un art encore grossier et n'offraient d'autre intérêt que celui qu'on peut attacher à la place qu'ils occupaient. Il est permis de supposer qu'ils avaient fait partie aussi de salles de bains. Des conduits en
plomb ou plutôt en composition métallique à nous inconnue (1 ), mais où le plomb entrait pour beaucoup , mirent sur la voie d'une découverte qui pouvait être plus importante; ils aboutissaient à deux petites salles pavées en mosaïques , de sept à huit pieds carrés.
Parmi des décombres et des restes de bois que le feu avait noircis , on aperçut dans l'une d'elles le squelette d'une femme ayant les genoux pliés, et sur ce squelette, assez bien conservé , celui d'un enfant fort jeune ; ee dernier n'était pas complet et les ossemens en étaient plus altérés.
A Pomponiana , des fouilles entreprises durant un jour ou deux par le jeune prince, fils du prince royal de Danemarck , mirent à jour un espèce d'aqueduc qui aboutissait à la mer , et dont on pouvait suivre les traces dans la montagne il y a encore quel-
(1 ) Ils étaient sonores.
ques années. Des pans de murailles d'un béton excessivement dur sont là en place depuis des siècles ; des voûtes , des arceaux plus d'à-moitié enfouis ; une longue muraille servant d'enceinte et consolidée par le même ciment ; un puits très profond et fait avec beaucoup de soin ; les fondations d'une construction qu'à ses contours on peut présumer avoir été un temple ; ces meules si reconnaissables, qui servaient aux colons comme aux soldats romains pour écraser le blé ; de nombreux débris de toitures, c'est-à-dire des tuiles sur la forme desquels on ne peut se méprendre ; voilà ce qui fait de Pomponiana un lieu de promenade fort intéressant pour les étrangers qui séjournent à Hyères.
GÉOLOGIE.
Le département du Var a été séparé par les anciens géologues , tels que Saussure ,
Darluc et plusieurs autres , en deux parties bien distinctes : la partie calcaire et celle vitrescible ou primitive. Ces dénominations sont usées, et n'ont plus cours depuis que la science a fait des progrès réels ; et nous dirons nous , avec les explorateurs actuels, que les terrains peuvent s'y diviser en quatre parties bien distinctes et tranchées , et en une dernière toute accidentelle. Le terrain primitif , qui comprend : 1° les granits , les gneiss , les schistes, etc. ; 20 les grès rouges ou bigarrés , qu'on appelait naguères roches de transition ; 3° le mushelkalk, ou calcaire coquillier de seconde formation , le calcaire tertiaire ; 4° les terrains d'alluvion , et enfin les vakites ou terrains basaltiques. Ces laves, en décomposition pour la plupart , ou formant quelques masses et conservant alors leur dénomination, occupent une assez grande étendue dans le département , et semblent comme jetées çà et là au centre des parties les plus montagneuses.
Par une exception curieuse , le terroir d'Hyères renferme ces différentes natures de roches et de terrains. L'œil exercé du géologue, s'il se fiait à la torme et aux apparences des montagnes qui encaissent la vallée d'Hyères , pourrait quelquefois se tromper sur la nature de leurs roches constitutives , car les hautes collines et élévations calcaires se sont modelées , pour ainsi dire , sur les formes arrondies qu'affectent d'ordinaire les montagnes schisteuses.
Celles-ci , poussant au dehors d'énormes blocs de quartz , richement colorés , arrêtent les yeux par leur style original et sévère.
La montagne de Fenouillet, celle du château, et quelques autres qui s'élèvent au centre de la chaîne des Maures , les hauts contours , i déchirés , si ardus de Porquerolles, surprennent autant l'artiste que le géologue voyageur , par leurs formes imposantes. Mais tandis que l'un s'emparera de l'ensemble de ces hardis monumens de la nature , l'autre ,
suivant péniblement sa route , à partir du fort la Malgue situé au dessus de Toulon, cherchera dans les entrailles de la terre et les affleuremens du roc , la constitution géognosique de ce sol si beau et si fertile.
Ainsi donc , du point que je viens de citer, en s'avançant vers Hyères, et par conséquent sur la partie droite du chemin, et plus tard du côté opposé , on voit affleurer le schiste micacé, brun ou rougeâtre. Il se divise en feuillets , il se contourne , il se répand en lames assez longues sur le quartz ; il devient doux , onctueux comme le talc, il s'exfolie et devient friable, il se décompose et prend une apparence tout à fait terreuse ; enfin , à mi-hauteur de Fenouillet et de la montagne du Château , il a passé à l'état de phyllade (1), roches compactes et dures , à feuil-
(1) Il me semble que la dénomination de schistes argilo-micacés conviendrait parfaitement à ces roches *.
* Brogniart a donné la déuominatioo de pbyllade. à des
lets tellement serrés qu'elles se brisent à angles aigus ; leurs couches , qui plongent vers le nord, ont une direction est-nord-est.
Ces schistes talqueux et ces schistes phylladéens , qui passent successivement de l'un à l'autre, se laissent voir jusqu'à Bormes , l'un des confronts du territoire d'Hyères.
Les roches de pareille formation sont assez reconnaissables , dit M. Pareto , dans son excellente notice sur la géologie du département du Var (1), « par leur aspect de schis« tes lucides , quelques fois onctueux , gras « au toucher ; d'autres fois elles sont com« posées de quartz , semi-compactes et res-
roches compactes , dures , serrées , contenant de fortes portions d'alumine , de silice et de mica d'une linesse extrême * qui leur donne uHe apparence cLàloyante ; elles alternent , en général , avec le mica schiste dont elles sont une moditication , et renferment de puissans rognons de quartz
(<) Cette notice est concise , mais elle est du plus haut intérêt. Qu'ikme soit permis de rappeler que l'auteur cite avec bienveillance mes recher ches sur la minéralogie du Var.
« semblant aux phyllades , mais pouvant se « diviser en plaques ou tranches , à cause « des lames de mica ou de talc qui s'y sont « comme interposées ( château d'Hyères ?
« rocher de Fenouillet ). »
C'est donc à Hyères que commence vraiment le terrain primitif du département ; car les premiers affleuremens dont nous avons parlé-, tels que les collines de la Malgue et de la Grosse-Tour , près Toulon , ne constituent que quelques point isolés et contournés par des terrains de formation plus récente.
Selon l'heureuse expression du géologue dont je viens de parler, la colline où est assis le château d'Hyères , ainsi que les rochers de Fenouillet sont comme les deux promontoires les plus avancés du terrain primitif vers l'ouest, et ils ne sont tous deux composés ainsi que nous venons de le dire, que de bancs de quartz subordonnés au schiste phylladéen , et qui souvent se détachent en
relief sur ces derniers, plus susceptibles de se déliter et de s'user aux orages et aux impressions de l'air ; de sorte que la charpente, rongée peu à peu , finit quelquefois par laisser entièrement isolés d'énormes blocs de quartz qu'elle soutenait ou entourait.
Le mica-schiste s'étend aussi, en offrant quelques variétés , jusqu'à ColloVières et Pierrefeu. Les îles d'Hyères , les îlots de Bréganson et des Deux-Roubaud, la presqu'île de Giens (1) , où il redevient tal-
(1) La presqu'île de Giens , qui n'est autre chose qu'une île jointe au continent par un isthme de dépôts marins , de formation peutêtre assez récente, présente sur toutes ses collines le schiste talqueux et argilleux , depuis la pointe est jusqu'à celle ouest. Le rocher du Petit-Roubaud , ainsi que quelques autres points de la côte abrupte de Giens , offrent comme des filons assez considérables de schistes ardoisés.
Porquerole est composé d'un schiste analogue et qui devient de plus en plus talqueux à mesure qu'on s'approche de la batterie des Meudes. Là , il prend une apparence noirâtre ,
queux , présentent encore, non plus les alternances avec les phyllades , mais le micaschiste pur. A Portcros , vers la partie est, non loin de celui des forts qui défendent cette côte , ainsi que dans toute l'île du Levant , ces roches contiennent quelques minéraux
et l'intérieur de ses feuillets est rempli comme de mâchures ferrugineuses ; d'autres fois , le fer s'y montre sous la forme de petits cristaux cubiques , adhérens à la surface du feuillet. Au reste, l'on peut dire que les îles d'Hyères présentent exactement la même constitution géognostique que les points du continent auxquels, sans nul doute, elles correspondaient avant d'en être détachées. Aussi Fiie du Levant ou du Titan, située vis-à-vis le chemin des douanes qui conduit du Lavandou à Calvalaire, laisse voir, dans sa partie septentrionale et orientale, des schistes amphiboliques, de la serpentine et des roches grenatifères. Portcros, qui regarde Bréganson , offre peu de schiste micacé bien caractérisé , mais ce schiste talqueux, qui court depuis le fort jusqu'auprès de Collobrières , et s'arrête presque sur les confins du terroir d'Hyères.
intéressans et dont nous traiterons à part.
Une variété se rencontre pourtant dans cette dernière île : c'est un schiste-micacé dans lequel prédomine le quartz. Il a un aspect tout à fait grenu , et si de temps à autre , n'apparaissaient quelques lames de mica argenté , à peine pourrait-on s'apercevoir de la texture schisteuse qui le détermine et le classe. Je ne saurais abandonner cette série des terrains primitifs sans parler d'une roche denaturesingulièrement problématique , qui, au milieu des mica-schistes de la même localité , s'élève du sein de la mer et s'étend en un filon assez considérable ; tandis que les strates de la roche au milieu desquelles elle apparaît, s'en vont courant di sud-ouest au nord-est , et sont inclinés vers le nordouest , celle-là marche dans la direction du sud-est au nord-ouest. Les quelques habitans de l'île du Levant ont désigné ce lieu , appelé autrement le Grand-Cap , par \e nom de Pierres de fer. D'abord , et au premier as-
pect , des géologues , s'ils ne la voyaient point en place , pourraient ranger cette roche au nombre des siénites ; mais son gissement, son analyse , sa décomposition en fragmens globulaires jetés sur un espace d'une centaine de toises carrées , feront aussi soupçonner qu'elle appartient à une autre formation que les roches de nature ignée ; elle est compacte , fort pesante, d'une couleur verdâtre. Elle semble affecter une forme assez prismatique ; mais sa décomposition est véritablement globulaire , sa structure intérieure est tout à la fois granulaire et cristalline ; on croit y reconnaître de petites lames feldspathiqucs ou de feldspath leplinites ,
(1) Feldspath à grains très fins , très atténués.
Le feldspath, substance très répandue dans la nature , est composé de silice, d'alumine, de chaux, de potasse et quelquefois de fer oxidé.
Il affecte plusieurs couleurs, surtout le rose , l'incarnat, le vert, le blanc. Il est d'un aspect gras et châtoyant ; et quoique beaucoup moins
entremêlées d'une substance noirâtre qui pourrait être , soit du pyroxène ou augit, soit Je l'amphibole.
M. Pareto , à qui j'indiquai ce gissement que j'avais reconnu dès long-temps , croit pouvoir le regarder comme celui d'une diabase ou comme une dolerite. Moi, je serais assez disposé à le classer parmi cette espèce de roches que les Allemands appellent Kugeltrapp ou Trapp en boule , et par conséquent à lui assigner un caractère tout à fait basaltique (1) , ce qui ne s'éloignerait pas de la
dur que le quartz , il raie le verre et étincelle sous le choc du briquet.
(1) N'est-ce pas une chose curieuse , que les pauvres et ignorans habitans de l'île du Levant, se soient rencontrés dans la dénomination par eux imposée à ces roches , avec les anciens Egyptiens ? Pline dit quelque part : « Invenit « Egyptus in iEthiopiâ quem vocant basalten , a ferrei coloris atque duritiæ, unde et nomen « eidedit, » Lib. xxvi. cap. ii. Le savant Visconti le fait venir de l'ancien mot hébreu bar-
qualification donnée par les habitans, puisque chacun sait que le fer oxidulé entre à peu près pour un huitième, dans ces roches de nature volcanique , et qu'il en est le principe colorant.
En nous éloignant de ce point, nous sommes amenés à nous entretenir plus au long d'une autre localité où se rencontrent aussi des roches tr;lpéennes , lesquelles sont venues comme s'appuyer sur les grès qui, à partir de Carqueiranne , terroir d'Hyères , jusqu'au cap de la Garonne , forment la base des montagnes dites la Colle-Noire , Carqueiranne , le Paradis, etc. Cette base plonge presque dans la mer , et elle commence à quelque distance de la plage , autrement dite l'isthme de Giens ; c'est comme une ligne de roches violacées et brunes , souvent sem-
zal , qui signifie du fer; selon lui on aurait dû dire barzaltes ou barzalites, dont l'expression pierre de fer n'est que la traduction littérale.
blables à des wakes et couvertes d'amygdaloïdes, nœuds ou amandes de chaux carbonatée , qui remplissent les déchirures, les soufflures , les cloisons de ces roches, lesquelles commencent a s'élever seulement à quelques pieds de la mer. Ce banc, qui a peu de largeur, se prolonge du levant au couchant; et à partir du -point où il se laisse voir et que j'ai indiqué plus haut , il se renfle un peu vers le nord, et s'incline vers le nord-nord-est ; on dirait qu'il supporte toute la masse de grès rouge sur laquelle repose la montagne. En arrivant au hameau de Carqueiranne, cette masse de grès s'interrompt tout à coup pour faire place à une dolerite persillée , qui contient en abondance tantôt des globules ferrugineux , tantôt des noyaux argileux entrant facilement en décomposition ; mais vers la partie occidentale de la plage dr Carqueiranne, on trouve le grès rouge et un poudingue formé de cailloux porphy ri tiques , qui ressemble assez à
la variété de grès qui porte la même qualification. Le grain de cette roche est de moyenne grosseur et m'a semblé plutôt bigarré que blanchâtre , ainsi que l'indique M. Pareto.
Cette roche , inclinée vers le sud-ouest, se distingue donc par sa couleur et un grain d'aspect cristallin ; puis , si l'on se dirige vers la pointe la plus avancée du cap , se - développe tout à coup une masse de rochers d'apparence terreuse , sans stratification bien nelte. En l'examinant de près , on s'aperçoit facilement qu'elle n'est autre qu'une modification de celle noire et verdâtre, qui gît non loin d'elle , et que nous avons reconnue appartenir aux roches trapéennes. Cette masse contient d'assez beaux fragmens de jaspes bruns et rubannés , et ses stratifications se régularisent, après quoi elle change d'aspect et la nature de cette roche redevient plus terreuse qu'elle ne l'était ; elle semble traversée par des infiltrations on veines de ma-
tières argileuses et stéatiteuses qui affectent une couleur verdâtre fort prononcée , puis enfin , redevenant plus compacte et plus dure elle présente de nouveau des amygdaloïdes semblables à celles que nous avons déjà remarquées.
Là , commencent à se montrer des veines assez considérables de grès rouge ou d'un poudingue à grains de petite dimension qui se fondent dans la roche amygdaloïde.
M. Pareto t a spécialement étudié cette partie de la côte, qui avait besoin , pour être bien décrite , d'une observation minutieuse ; et nous croyons devoir citer ses propres expressions : « Adossé à cette masse de roches • « problématiques , dit-il , on retrouve exté« rieurement le commencement des bancs « de grès dont on aperçoit la continuation « de l'autre côté du cap après l'avoir dou« blé.
« C'est un agrégat arénacé , dont les stra« te, supérieures sont dl' couleur brune et
« ferrugineuse , et comme parsemées dans « quelques parties de petits cristaux noirs « et cubiques, groupés ensemble , qui, ana« lysés, se sont trouvés être du fer sulfu« ré , quoique leur apparence soit différente, « et qu'on pût les prendre au premier coup « d'œil pour du cuivre. »
Si l'explorateur continue sa route , l'alternance des roches le surprend de plus en plus ; car ces bancs de grès dont nous venons de parler , viennent à se recouvrir d'une autre roche amygdaloïde qui fait partie d'une nouvelle masse de trapp de couleur vert foncé,
comme la première, et d'aspect cristallin ; masse qui finit par se résoudre et se fondre en un agrégat d'abord sombre , et puis presque tout à fait noir. Ici reparaît encore la variété terreuse avec ses veines , et après elle enfin l'amygdaloïde qui contient une espèce de silex rougeâtre. Quant au rivage de la mer , dont il n'est pas moins curieux de suivre le contour , on y rencontre le trapp
ou la dolerite dure ; la partie qui court vers r ouest est composée d'une roche verdâtre non poreuse, et aussi d'amygdaloïdes, et elles passent ainsi de l'une à l'autre , pendant une certaine longueur de terrain. Ces masses qui, à bien examiner, ne sont qu î d'une seule et même nature , s'appuient sur le grès rouge qui finit par tout envahir et par dominer sur ce rivage, à mesure qu'on gagne du chemin vers le couchant. Avant de quitter les roches , qui ne s'éloignent pas trop de la- batterie, je dois dire que parmi ces amygdaloïdes mentionnées en dernier lieu , se trouve une variété brune et violacée qui renferme des rognons de chaux carbonatée , tantôt lamellaire , tantôt rayonnante , dont la couleur tire sur le rose.
Peut-être celle dissection minutieuse d'une montagne, cette ostéologie de la terre , paraîtront-elles fastidieuses et arides aux personnes non initiées aux mystères de la science;
peut-être serait-il nécessaire de jeter sur toute cette côte le coup d'oeil de l'artiste avant d'aller plus loin ; car rien au monde n'est d'un effet plus magique , plus paysager que cette suite de roches trapéennes, si vigoureusement colorées, dessinées et alternant en si nobles masses. Je ne parlerai point de leurs formes. de leurs surfaces rongées chaque jour par la mer, et dans les anfractuosités desquelles joue merveilleusement la lumière : je ne dirai point tout ce que le flot qui monte, qui les couvre d'écume et qui fuit, leur laisse de brillant et de frais ; mais je puis assurer, sans crainte d'être démenti, que la plus belle décoration qu'on puisse voir, c'est le spectacle qu'offre le fond du second plan et l'horizon vaporeux sur lequel, à partir de San-Salvadour , se découpent les caps Sicié et Cepet , la montagne monumentale où gît la dépouille d'un digne amiral de France, Latouche - Tréville ; et celle de Sixfours , puis toutes celles encore
qui courent sur Marseille, et dont les angles rentrans laissent deviner les petits ports de Saint-Nazaire , de Bandols et de la Ciotat.
Quand l'œil s'est perdu dans cet admirable fond , il aime à retrouver des arêtes plus vives, des couleurs plus vraies et plus riantes ; il les cherche et se repose sur ce cap de la Garonne , dont les flancs s'élèvent du milieu des flots et comme parés d'une bande de rochers psammitiques d'un rouge tirant sur le violet. On appelle psammites , en géologie , cette formation de grès rouge, qui contient presqu'autant de mica que de parties siliceuses réduites en un grain de médiocre grosseur. La montagne de la Garonne , une forte portion de la Colle-Noire , dont le cône à large base , monte dans l'air verdoyant et couronné de pins , ont pour charpente osseuse des masses psammitiques et un poudingue d'une épaisseur remarquable , sur lequel je me propose de dire quelques mots quand j'aurai entamé les subs-
tances minéralogiques qui sont enfouies sur plusieurs points du sol , dans le vaste territoire d'Hyères.
Je reviens donc vers des lieux plus rapprochés du point du départ , toujours sur le bord de la mer , pensant bien que l'on me pardonnera mon excursion d'artiste , qui aura bien pu contrarier le géologue minutieux , mais qui aura déridé aussi d'autres lecteurs moins sévères. A peu de distance du petit pont du Canebas, jeté sur le chemin de Carqueiranne (1) , joli hameau , où les
(1) Carqueiranne vient probablement de calcaria. Les Provençaux changent souvent la lettre l en r ; et il est probable que de Calqueiranne on a fait Carqueiranne. En effet, la ceinturc de montagnes qui entoure, enveloppe et agviinfJiL ce point curieux du territoire, est de nature calcaire. Saussure , Millin et le vieux Darluc, ont parlé de Carqueiranne comme d'un point important. Le docteur Clarke , dans son ouvrage relatif aux climats et aux températures es plus favorables aux phthisiques, en recom-
habitations élégantes et soignées de M. Déspines, de Genève , se font remarquer et embellissent encore le paysage, reste à examiner une roche de couleur brun rouge , parsemée de taches blanches,encore indéterminée. Cette roche, de nature terreuse et non compacte, m'avait toujours semblé feldspathique, c'està-dire formée d'un feldspath en décomposition. Soumise par M. Pareto à l'épreuve du chalumeau, il s'est trouvé que sa pâte
mande le séjour aux Anglais qui vont hiverner sur le continent. Nous croyons devoir faire remarquer en passant, que les décisions du célèbre médecin de Londres , ne sont pas toujours basées sur un terme moyen d'observations météorologiques long-temps suivies , et que pour porter des jugemens qui attaquent et renversent la réputation d'une contrée, il faut l'habiter constamment et étudier le thermomètre, non trois ou quatre mois, ainsi que l'a pu faire le docteur, mais au moins cinq ans. Au reste , nous espérons présenter au public des tableaux météorologiques qui combattronl peut-être , d'une manière victorieuse, les allégations du docteur.
fondait en un ciment noir ; mais que les parties blanchâtres semblaient être presqu'infusibles et imprégnées de parties calcaires
puisque le résidu , traité par les acides , faisait quelque peu effervescence ; et d'ailleurs dans toute son étendue , cette roche contient certainement comme des nœuds ou amandes de chaux carbonatée. D'autres parties ferrugineuses la colorent; les infiltrations métalliques lui donnent une apparence jaune très foncée et tirant sur le rouge , au moins dans ses faces les plus en contact avec l'atmosphère.
M. Pareto classe cette roche parmi les wakes.
Et il n'y aurait rien d'extraordinaire à ce que cette dénomination fût la seule exacte ; car, au point même que nous avons désigné sous le nom de Canebas , se retrouve et s'élève une puissante masse trapéenne verte , contenant des cristaux d'un noir fort luisant. Ces cristaux ne sont autre que du fer titané, qui donne à ce rocher la propriété , facile à reconnaître , d'agir siw l'ai-
guille aimantée ; d'autres petits erista*»* jaunâtres , qui s'y rencontrent aussi et qu'on a pris à cause de leur apparence pour du peridot, sont indiqués, je crois , par le géologue que j'ai si souvent cité , comme pyroxéniques. Cette masse est coupée, commTbeaucoup d'autres sur cette côte , par des veines d'une substance blanche et verdâtre , soyeuse , onctueuse au toucher , et asseï brillante, qui appartiennent à la serpentine et à la stéatite.
De ce lieu curieux à étudier , et d'ob l'on voit alterner les trapps et les wakes , en tirant vers le nord-ouest, on rencontre de nouveau le grès rouge , qui s'étend jusqu'à l'endroit appelé le Trésor (1).
(1) Le trésor! ce nom me rappelle qu'aux premiers temps de mon séjour en ce pays , de pauvres diables, venus de bien loin , devinrent la victime d'une cruelle mystification.
Dans un de nos vieux oryctologistes français ,
A partir de l'endroit dit le Trésor , le grès devient d'un grain plus fin , et parsemé d'un nombre infini de points bruns ferrugi-
gens qui voyaient partout, sur le sol, des mines de métaux précieux , l'un d'eux avait lu qu'en un lieu qu'il désignait, on avait jadis trouvé un morceau d'or natif du poids de quatorze livres , il communiqua à deux amis le résultat de sa lecture : science fatale I Ces bonnes gens , pensant naturellement qu'un pépite semblable ne se rencontre pas sur la terre sans qu'il n'y ait quelques chances de découvrir la mine , se mirent en marche sur-le-champ, après avoir pris leur passeport à Cavaillon , gros village -situé près de leur domicile, et arrivèrent à Hyères par une belle journée de printemps. L'un d'eux s'était muni d'une baguette divinatoire; et sans perdre pltm de temps qu'il n'en fallait pour se reposer des fatigues d'un voyage de quelques journées de marche et receuillir quelques indications , ils s'occupèrent de leur explo-
),,1 ",I!i, , a baguette «le coudrier tourna
si lentement quand on fut arrivé au gissement du trésor, que toutes les espérances faillirent être renversées. Mais un peu plus loin , son
neux ; il alterne avec quelques bancs d'argile, et n'est interrompu que par de nouvelles wakes contenant , comme les précé-
mouvement s'accéléra, puis il s'accéléra davantage , puis plus encore ; et en un certain lieu aride de la montagne , commencèrent les travaux d'exploitation, avec permission du propriétaire, admis pour une certaine part dans l'entreprise. Il y avait déjà sept mois que ces trois hommes poursuivaient leur ouvrage avec une constance et un courage dignes d'un meilleur résultat, quand le bruit de la découverte d'une mine d'or arriva jusqu'à moi. Un minéralogiste n'est jamais complètement insensible à de pareilles nouvelles, et je m'en allai à la recherche des chercheurs de trésors. Ce ne fut pas sans une extrême défiance qu'ils virent un homme rôder autour de leur excavation déjà arrivée à une profondeur telle qu'elle excluait l'idée de la découverte d'un métal qui n'existe pas d'ordinaire ti de si grandes profondeurs.
Après avoir essayé d'entamer une conversation qu'on tentait évidemment d'éluder, je finis par demander la permissiou de descendre dans le puits pour les éclairer de mes connaissances, s'ils voulaient bien m'en croire cflpflble, et leur
dentes, des noyaux de chaux carbonatée entourés d'une substance verte qui, d'autres fois , en occupe le centre.
épargner des recherches coûteuses et inutiles Un refus net et bien formel fut leur réponse ; et ce ne fut pas avec moins de peine qu'ils me virent ramasser et examiner attentivement quelques fragmens de déblais.
Alors s'établit entre eux un dialogue à voix basse , dont le résultat fut probablement qu'on sonderait ma science sur ces sortes de matières ; et le plus âgé d'entre eux s'approchant de moi avec mystère, me montra et mit entre mes mains un petit sac d'une pesanteur extrême. J'avoue que le sang m'en monta un instant au visage : les mineurs de sourire avec confiance, et moi de jeter les yeux sur le contenu précieux du sac que j'avais ouvert assez précipitamment. Je reconnus vite leur erreur , j'aurais presque dit la mienne : c'était des échantillons de baryte sulfatée , enveloppés d'une gangue argileuse , blanche , douce au toucher , assez épaisse , et qui contenait des cristaux octaèdres de fer sulfuré , d'un brillant et d'un éclat remarquables.
Un colloque assez animé s'éleva alors entre eux et moi : j'essayai vainement de les tirer
Au dessus de ces nouvelles couches de grès, se montre encore une masse trapeennc ; son inclinaison se détermine vers le sud-ouest.
d'erreur. Ils me répondirent que je voulais les détourner de leurs travaux pour profiter du fruit de leurs recherches. Aux raisons de la science moderne, ils opposèrent obstinément les erreurs du sieu'r d'Argen ville etles extravagances du sieur d'Aiglun, auteurs sur la foi desquels il s'étaient mis en route. Je finis par leur donner le conseil , qu'ils ne suivirent que tard , de faire examiner et analyser leur or prétendu , par quelque orfèvre de Toulon. Ils me rirent au nez, en me déclarant qu'ils en savaient plus que tous les orfèvres et tous les savans du monde ; et deux ou trois mois après , j'appris qu'ils avaient délogé sans tambours ni trompettes, ayant mangé tout leur argent et laissant quelques dettes dans une auberge du voisinage. Quant à moi, je retournai sur les lieux pour étudier la nature du terrain et manquai y périr, en m'aventurant seul, à descendre dans les entrailles de la terre, au moyen d'une mauvaise corde qu'on y avait laissée et qui faillit se rompre ; mais cette excursion , qui me prit quelques jours , m'a mis à même de donner et de continuer la description géognostiquc de ces montagnes , en appuyant
On ne sait trop si de certaines pyrites et d'assez jolis cristaux radiés de chaux sulfatée, appartiennent au banc inférieur du grès ou à cel ui supérieur de la roche trapéenne , qui , après avoir alterné avec une wake violette , devient plus compact et plus dur, et passe à une amygdaloïde parsemée d'amandes entièrement sphériques , que M. Pareto m'avait d'abord assuré être de vrais pyroxènes, et qu'il a reconnu plus tard comme étant composés de deux autres substances , non encore exactement déterminées.
Ce qu'offre de curieux pour le géologue l'étude que je lui présente , ce sont les nombreuses alternances du grès avec tant de variétés de trapp ; car , plus loin encore , nous en avons trouvé une dernière d'un aspect
mes propres observations, du travail si précieux pour moi de l'auteur italien que je ne saurais trop citer , et dont je ne mérite certes pas les Oatteurs éloges.
poreux et qu'on pourrait prendre pour des scories volcaniques. Celles-là , par exemple , contiennent bien véritablement de petits cristaux de pyroxène (1). A ce même banc appartient presque une autre roche de même ap-
(1) Le pyroxène augit n'est qu'une variété du pyroxène diopside , c'est-à-dire de celui composé du bisilicate de chaux , de magnésie et de fer dans la proportion de 50 p. 100. Quelquefois il offre d'autres substances , tels que des silicates alumineux ou magnésiens , ou des aluminates de fer. Il cristallise en prismes , en rhombes hexagones et octogones irréguliers ; il se présente , tantôt fibreux , tantôt lamellaire ; d'autrefois maclé , cylindroïde, granuleux , etc.
Les couleurs qu'il affecte sont le vert, le noir, le gris , le vert jaunâtre. Il forme assez souvent des couches subordonnées au mica-schiste ; ce qui ne l'empêche pas de se trouver dans d'autres terrains , même dans le calcaire rouge.
Mais il indique presque toujours , ainsi que les trapps , les dolerites et les wakes , un terrain de nature ignée, et il est presque toujours disséminé dans les trachites , substances boursouffiées et cellulaires , d'un gris blanchâtre , provenant de coulées volcaniques bien déterminées.
parence, qui contient des amandes d'une substance verte si vivement colorée, qu'on la prendrait pour du cuivre carbonaté, et que j'avais baptisée à cause de sa dureté du nom de faux jade. C'est tout simplement une terre ordinaire très compacte et très dure. Comme je l'ai dit plus haut, là se termine le développement de ces roches problématiques de Carqueiranne. Plus loin , au cap de la Garonne , le grès rouge est recouvert d'un poudingue au milieu d'un lit assez étendu de silex noirâtre. Ce poudingue est intéressant à observer, en ce que , composé de fragmens quartzeux de la grosseur d'un œuf de pigeon , il finit par se modifier de manière à se présenter avec l'apparence d'un grès grossier , c'est-à-dire à grains de l'épaisseur d'un pois. C'est là où se rencontre ce gissement de cuivre carbonaté qui a fait dire à tous les anciens auteurs, qu'on trouvait à Carqueiranne le lapis laznli.
Au demeurant, je ne sali si l'on m'a con"--
pris , ou si je ne me suis bien expliqué ; mais toutes les fois qu'il s'est agi des roches problématiques mentionnées plus haut , je n'ai jamais entendu parler que du revers méridional de la Colle-Noire et des montagnes adjacentes , car le versant septentrional n'en présente aucunes traces.
Je n'abandonnerai pourtant pas les roches de la formation intermédiaire des grès, sans dire qu'ils se montrent aussi dans une partie de la vallée de Sauvebonne , et qu'au milieu des collines primordiales , ils se présentent en bancs assez élevés ; que du pied de ceux qui montent et s'interposent entre la Crau et Pierrefeu , ils passent latéralement à l'ouest du Fenouillet, longent Notre-Dame-de-laGarde, et reviennent se manifester puissamment à Carqueiranne , ainsi qu'on l'a vu plus haut ; ils sont recouverts alors par le calcaire coquillier aux montagnes du Paradis et des Oiseaux. Quant à celle dite de la Vierge , et aux collines plus basses qui
s'en vont ceignant la partie nord du golfe de Giens, le grès s'y montre encore , mais c'est un grès calcareo siliceux (t). Enfin, et en dernier lieu , on le revoit de nouveau comme une île perdue au milieu des terrains primitifs , dans une petite vallée qui s'ouvre non loin du pont de Gapeau, et par conséquent tout à fait au levant d'Hyères, jeté au milieu de ces montagnes situées au des*
(f) Dans cette formation et parmi des roches analogues de la variété dite grès bigarré , qui s'aperçoivent au-dessus du schiste talqueux, dans le quartier de S'-Martin , on rencontre un filon de cuivre carbonaté , dont les affleuremens se font voir sur le chemin lui-même. Ce grès se présente en strates si minces, qu'il a l'air feuilleté comme le schiste sur lequel il repose immédiatement ; mais il est plus remarquable encore par les jolies empreintes métalliques de joncs , de bruyères et d'autres plantes de la Flore antédiluvienne. Je ne sais si je me trompe, mais M.
Brogniart indique, je crois , un gissement semblable dans une des confnVs de l'Allemagne le.s plus rapprochées du lthm.
sus des salines et qu'on appelle chaine des Maures.
Si des hauteurs de l'hermitage Notre-Dame de Consolation , point calcaire qui s'avance le plus vers l'orient on se dirige sur le côté opposé jusques aux deux montagnes dites du Paradis et des Oiseaux , il est facile de s'apercevoir à la couleur de la roche, à ses strates , à sa structure, à sa cassure même , aux débris organiques qu'elle renferme qu'on ne cesse de se trouver sur le mushelkalk, ou calcaire coquillier ; mais arrivé à la montagne des Oiseaux que je viens de citer, apparait le calcaire bleu , compact, contenant des térébratylites, et d'autres bivalves, de$ plagiostomes et des fragmens d'encrinites , cette formation se trouve immédiatement au dessus du calcaire cloisonneux et du c#lcair$ rougeâtre.
Ici je dois dire que j'ai inutilement cherché ,$ur la crête et epr le flanc même de
cette montagne , ces boules ovoïdes de chaux earbonatée, cristallisée et radiée , d'un pouce à deux pieds de diamètre , que Saussure appelle ammites , et qui, au rapport de ce père de la science , doit couvrir un espace d'une centaines de toises. Je dois ajouter que mes recherches à ce sujet durent depuis quinze ans , tant j'ai de respect pour l'ancien géologue, mais que mes explorations ne m'ont rien fait découvrir. Je crains fort que le voyageur n'ait été induit en erreur sur le nom de la montagne, car ni celle-ci ni celle du Paradis, qui lui est contigue, ne m'ont présenté les fameuses ammites. Je n'ai trouvé de vestiges de ces œufs spathiques, et encore sont-ils généralement brisés, tju- i-yr une des plus basses collines de Carqaeiianne , proche l'ancien chemin, et fort loin de la montagne des Oiseaux ; ensuite ces fragmens affectent beaucoup de formes extérieures autres que celle ovoïde, l'un des signes distinctifs donné par Saussure.
D'autres personnes amies , M. Thoulouzan, M. Alexandre du Buch, de Francfort, M.
Gardien , ancien ingénieur des miDes, ont désiré vainement examiner ce terrain , je n'ai pu satisfaire leur nlrjojIÔ. J'ai tant de fois parcouru les lieux. , j'ai cheminé dans tanî de sentiers , j'en ai tant abandonné repris , frayé , tracé , que je doute aujourd'hui qu'un hasard heureux me fasse rencontrer jamais les ammites de Saussure et de la montagne des Oiseaux , qui s'adosse à des collines calcaires dont la hase s'étend vers la mer.
Après avoir dit que le versant méridionual contient, à mi-hauteur , un calcaire gris à belemnitcs , je passerai à l'étude de celle du Paradis, qui co ilinue la chaîne.
Celle-ci renferma , au dessus de ses strates inférieures, du gypse gris semblable à celui de la Valette; les cristallisations de chaux sulfatée y sont peu nombreuses et peu variées : quant à son- sommet, il appartient à
une formation dont je vais dire quelques mots.
Dans Tordre de la superposition des roches , le mushelkalk ou calcaire coquillier apparaît avant le calcaire jurassique, chacun le sait ; mais cependant il peut se rencontrer aussi isolé, et reposer immédiatement sous le lias comme en bèaucoup d'autres points du département. A la montagne des Oiseaux , on peut dire qu'il est établi sur un calcaire compact, jaunâtre, qui a beaucoup d'analogie avec les couches supérieures du Jura ; cependant ses strates assez variées ont, en certains points, la contexture calcaréo-siliceuse.
AVtfnt d'indiquer une certaine nature de terrain tertiaire qui forme comme le complu ; "t de nos roches , on me permettra sans coûte de parler d'une grotte assez curieuse par ses stalactites et ses stalagmites, et qui peut être le but d'une promenade plus intéressante pour les gens du monde
que pour les géologues. Son ouverture est située sur la croupe de l'une des collines de la chaîne calcaire la plus rapprochée d'Hyères. L'entrée , qui en est assez difficile , s'élargit cependant, s'élève, se voûte et permet de découvrir, à l'aide des lanternes et des bougies (1) dont on a soin de se munir, les profondeurs de l'antre , qui n'a guères moins de quatre-vingt à cent pieds de long, sur trente à quarante de qlarge.
Quelques lourds pilastres de chaux carbonatée spathique , ou , si on l'aime mieux , d'albâtre , en partie brisés , semblent, à une certaine distance , vouloir partager la grotte en deux parties, mais ses arceaux conduisent dans une salle pavée irrégulièrement
(1) Les torches goudronnées dont on s'éclaire pour parcourir les grandes et hautes cavernes de ce genre, qui ont du renom, ne peuvent être employées ici. La fumée qu'elles répandent serait insupportable , et voilerait bientôt tout l'effet pittoresque de la grotte.
d'énormes blocs de pierre calcaire ( muschelkalk ) recouverts d'une couche épaisse de mamelons spathiques. Comme dans toutes les grottes de ce genre , les parois sont tapissés de-colonnettes d'albâtre , imitant assez les tuyaux d'orgues. Les larges fissures du plafond qui menace de se détacher , le surplomb de quelques masses , les cavités agrandies et rendues plus imposantes par le .jeu de la lumière et des ombresr donnent réellement à cette caverne , de médiocre dimension d'ailleurs , une apparence tout à fait fantastique.
Mais ce sont là des hors-d' œuvre en matière de science , et il me reste à parler d'une broche qui offre quelques rapports avec la brècho osseuse ou ossifère ( dénomination pics jusîc ) qu'on voit à Nice et à Antibes, sans contenir cependant aucune dépouille de mammifères et de ruminans anté ou postdiluviens. La brèche dont je parle doit être néanmoins de la même époque que celle-ci.
Les fragmens angulaires de ses strates recouvrent une partie des plaines dépendantes du hameau de la Crau d'Hyères , et se montrent notamment sur les bords du Gapeau, où. les eaux du petit fleuve les ont élément mises à découVI: M. Pareto croit et a éeriL, que le tuf ou travertin, empâté d'hélices , selon son heureuse expression , qu'on rencontre sur le versant méridional de nos montagnes calcaires, entre Carqueiranne et l'isthme de Giens , ap *partient évidemment aux formations de la même époque.
Quant aux terrains d'ail uvion des environs des Salines , des Riollets , du Palh estre, je n'ai rien d'intéressant à en dire , sinon qu'ils - sont d'une formation tellement récente , géo,logiquement parlant, qu'on pourrait presque assigner l'époque où le Gapeau et le Roubaud ont. commencé à y déposer leur limon et leurs cailloux roulés.
Mais je passe à une partie non moins in-
téressante et que je n'ai séparée de la géologie , à laquelle elle est intimement liée, que pour éviter la confusion et 1? retentissement d'une foule de noms techniques avec lesquels mes lecteurs sont peut-être assez peu familiarisés. Je veux parler de la minéralogie , dont l'étude a besoin d'ailleurs de connaissances plus spéciales , plus appuyées sur d'autres connaissances préliminaires, telles que la cristallographie et la chimie , pour être saisie aussi facilement que la géognofeie
MJNÉRALOG lE
J'ai déjà mentionné en payant detofc gissemens de cuivre carbonàté : l'uit , à l'extrémité ouest de notre territoire, sur les confins de Carqueiranne et de la commune de la Garde ; l'autre sur le chemin de SaititMartin à la Maunière ; et comme le métél s'y trouve en assez médiocre quantité et paraît peu susceptible d'être exploité avec pro-
fit , je le laisserai là, ainsi que le fer carbonaté rhomboïdal, le fer granulaire , et les cristaux cubiques de fer sulfuré, qu'on rencontre facilement le long de cette ceinture de rochers déjà cités par moi, qui commence à Pomponiana ou Saint-Pierre d'Almanare , et va se terminer au cap de la Garonne.
Je ne dirai pas davantage du fer oxidé et oxidulé , qui présente quelquefois des cristallisations peu curieuses et colore en grande partie nos roches phylladéennes et nos schistes talqueux. J'aime mieux attaquer immédiatement les filons assez considérables d'antimoine sulfuré qui gissent dans nos montagnes des Maures, et qui sont assez riches peut-être , pour réclamer un travail d'exploitation. Le premier se voyait dans une colline où s'adosse la propriété de M. Couture. En cherchant des pierres propres à la construction de bâtimens ruraux , on découvrit le métal dans une gangue quartzeuse , et en si grande quantité qu'on pouvait le prendre pour
une masse sans fin : je crois avoir entendu dire qu'on s'en servit comme matériaux pour la bâtisse projetée et pour l'édification d'une vaste maison voisine. appelée la Ferme. Le second gissement peut se voir encore, au lieu dit la Bastide du Charbonnier , près Notre-Dame-des-Maures. L'antimoine s'y trouve mêlé avec un peu de zinc et de plomb sulfuré.
Quoique ce métal soit communément répandu en France, on pourrait, toutefois, en tirer quelque profit, à cause du voisinage de Marseille et de Toulon. Personne n'ignore qu'on emploie l'antimoine dans les fonderies de caractères d'imprimerie, el qu'on en extrait l'émétique ; on suppose aussi qu'il entre pour quelque chose dans certaines compositions métalliques modernes, auxquelles on cherche à donner l'apparence et le poids de l'argent. Non loin du lieu que je viens d'indiquer j'ai trouvé et rapporté chez moi quelques fragmens d'un quartz rougeâtre
qui contenait beaucoup plus de galène que d'antimoine sulfuré. Je ne crois pas que les Maures renferment d'autres substances métalliques, ou d'autres minéraux que de petits grenats en décomposition dans les quartiers qui avoisinent les terres de Bormette et de Léoube.
Les traces ferrugineuses de ces grenats en décomposition, se retrouvent en grand nombre dans les schistes talqueux des montagnes plus rapprochées d'Hyères ; mais le véritable lit des roches grenatifères c'est l'île du Levant. Dans la partie est et sud , vers le no: d-ouest, au centre de l'île, partout, le schiste-micacé en se délitant et s'effeuillant aux impressions atmosphériques , jonche la terre de ces grenats. J'en ai ramassé du diamètre d'une balle de calibre. On peut quelquefois reconnaître leur cristallisation dodécaèdre ou trapezaèdre ; ils sont en général d'un rouge brun tirant sur le noir ; quelquefois rouges, vioîûtres et d'apparence ter-
reuse; d'autrefois légèrement vitreux dans certains endroits ; Ivers l'est et sur les bords de la mer, ils se trouvent mêlés aux staurotides (t) , avec lesquels ils offrent tant d'analogie, et aux disthènes qui affectent là des formes singulières. Le mica-schiste, dans lequel cette substanca est empâtée , est contourné et onduleux, et les cristaux prismatiques du disthène, élargis comme d'habitude sur deux faces opposées , s'allongent d'une manière remarquable , se courbent, se redressent et suivent exactement les mouvemens de la roche sur laquelle ils sont appliqués. J'ai envoyé dans
(1) Les staurotides s'appellent aussi granatites, grenats prismatiques. Leurscristaux sotitdes prismes rhomboïdaux. Au gissement indiqué, on ne trouve que la variété opaque et luisante à cassure facile et raboteuse, et de couleur brun rouge. Ce sont des silicates allumineux à base de quatre atomes d'allumine et d'un atome de bioxide de fer. Ses macles forment souvent des croix latines d'une régularité parfaite ; mais à l'île du Levant elles offrent rarement ce caractère.
quelques cabinets plusieurs échantillons curieux des disthènes de l'île du Levant. Leur couleur est rosâtre , gris bleuâtre , d'autres fois blanche et même noirâtre ; cette substance est souvent seule , plus souvent elle accompagne les staurotides et les grenats.
C'est un silicate allumineux aussi, mais simple ; elle.existe , et même d'une couleur d'un bleu plus éclatant sur la partie du continent située vis-à-vis l'île du Levant ; et celle-là , convenablement taillée , aurait quelque peu l'apparence du saphir.
Nous ne quitterons pas les silicates sans parler du feldspath apyre allumineux, qu'on nomme aujourd'hui andalousite , sans trop de raisons , selon moi, puisqu'elle devait sa première dénomination à sa qualité distinctive l'infusibilité.
Ce minéral diffère de la staurotide , en ce que la potasse y remplace le fer. Je l'avais trouvé souvent roulé à l'île du Levant , à l'état pierreux , mais rarement à l'état régu-
lier , dans une gangue quartzeuse. Les arêtes., comme on le pense bien-, en étaient alors obtuses et oblitérées ; et, depuis quelques années , je me faisais transporter à l'île pour trouver le gissement de ce minéral qui semblait me fuir , quand forcé par un temps un peu tourmenté et une mer houleuse de prendre terre au premier endroit venu , la roche à laquelle je m'accrochai pour débarqaer, m'offrit dans une gangue de ce talc stéatite blanc , qu'on appelle traie de Briançon , de superbes cristaux d'andalousite (1).
Le gissement où cette pierre se trouve en rognons détachés, est certainement dans la
(1) L'andalousite de l'île du Levant est vitreuse, violâlre , légèrement châtoyante ; ses cristaux sont prismatiques, simples ou macl, J'en possédais divers échantillons , dont un amateur m'a débarrassé fort obligeamment, ainsi que de quelques autres substances curieuses de la contrée qu'il voulait étudier et décrire.
partie nord-nord-est de l'ile , presque vis-àvis Cavalaire.
Près du gissement si long-temps cherché et dont je devais la découverte à un heureux hasard et sur la surface de quelques schistes talqueux qui passent aux mica-schistes s'étaient aussi offertes à moi de belles tourmalines noires et brillantes ; celles-là élaient de la grosseur du petit doigt, parfaitement cristalliSées en prismes hexaèdres réguliers. J'en avais rencontré dans d'autres parties de l'ile , mais en échantillons moins remarquables que ceux dont je parle. Au reste , je ne m'étendrai pas sur la tourmaline de l'île du Levant , qui n'a point de propriétés autres que celle qu'on lui connaît depuis Lemery, qui commença à indiquer ses qualités électriques ; seulement j'ajouterai qu'on la rencontre à tous les états, c'est-à- dire compacte, bacillaire , fibreuse , cylindroïde , lilhoïde même ; et , chose assez bizarre , contournée aussi
comme les cristaux de disthène dont j'ai déjà parlé.
On avait signalé , depuis assez long-temps, à l'île du Levant, un gissement d'asbeste ou amianthe. L'accès en est aujourd'hui fort difficile : des éboulemens de roches, joints à la raideur des pentes. ne permettaient pas trop, il y a quelques années , de s'en approcher sans danger ; mais au moyen d'une barque prise au débarcadère ou à la plage du Titan , endroits que fréquentent assez volontiers les pècheurs , on peut parvenir à la mine, c'est ainsi que ce lieu est désigné par les habitans.
L'asbeste se trouve dans les fissures d'une roche magnésienne , espèce de serpentine ou plutôt de talc ollaire. Il y affecte plusieurs formes et plusieurs couleurs. Ses fibres sont le plus souvent d'un blanc d'argent, assez soyeuses , mais dures et compactes ; une variété presque semblable à du bois pourri, est assez coîonneuse , îw iis à filament très
courts. La plus curieuse est une asbeste gra- n»rl aire , dont j'ai envoyé , dans le temps , des échantillons au musée d'higtoire naturelle de Paris, sur l'invitdtion d'ùne personne qui m'avait assuré qu'on n'en possédait point.
Cette dernière variété est assez rare , même sur les lieux : elle semble tantôt concrétionnée en choux fléurs, tantôt en crètes de coq, et d'autres fois en petits grains globuleux entremêlés de quartz ou de feldspath.
Un peu au dessus du gissement d'asbestes, on trouve une actiuote vert tendre , légèrement nacrée et chatoyante. Cet amphibole calcaréo ferrugineux est bacillaire, mais non pas à fibres droites ; il s'offre f en outre sous forme de petites lames assez étroites, irrégulièrement Superposées ou divergentes. C'est sans contredit une des substances les plus remarquables de .l'île , après toutefois les, curkuses Cristallisations des litanoxides et des tilanintes. Le titane rutile s'y rencontre très
fréquemment, et quelquefois en morceaux pesant plusieurs onces , dans une gangue quartzeuse ; il est amorphe, ou ses cristaux dérivent d'un prisme à base carrée. On y trouve aussi cette variété de cristallisation qu'on appelle géniculaire.
Le titaniate de fer ou nigrine s'est trouvé dans le mica-schiste ; il est solide , noir , métalloïde et cristallise en octaèdre. Je possède une dernière variété de titanide , non encore bien déterminée ; c'est un long prisme tétraèdre empâté aussi dans la roche citée plus haut. C'est peut-être aussi un bititaniate de fer ; mais sa cristallisation n'a point encore été indiquée et reconnue.
Ici se termine cette nomenclature assez
c t des substances minérales existant
th - s le terroir d'Hyères. Je n'ai point parlé du fer sulfuré , car , ainsi que je l'ai déjà dit, on en trouve partout, soit à la surface du sol , soit dans les profondeurs de la terre, à la presqu'île de Giens comme
dans les Maures , dans la partie calcaire comme parmi les grès. Dans ces derniers terrains , à l'est de la vallée de Sauvebonne, il s'en est présenté des échantillons de la forme et la grosseur d'un œuf de pigeon radiés et concentriques.
Quelques fouilles entreprises , il y a plusieurs années , dans la terre de Sigarou, où l'on creusait un puits , mirent au jour divers légers indices de bouille. Il n'eût point été impossible , au milieu des grès bigarrés qui constituent les roches de cette portion du territoire , qu'on eùt pu trouver ce combustible si précieux pour un département maritime, et qu'on fait venir à grands frais de Rive-de-Gier et de Saint-Etienne. Le propriétaire , M. Biaise Aurran , habile et riche agriculteur , ne crut pas devoir s'occuper de cette source de richesses. On termina le puits sans creuser beaucoup plus avant, et tout en resta là.
BOTANIQUE.
Il n'est point extraordinaire qu'une étendue de près de vingt-sept mille hectares, qui comprend des terrains de nature si différentes, des expositions si diverses, des régions soumises à des températures si opposées, soit fréquemment citée et parcourue par les botanistes.
Il serait même étonnant que ce canton , coupé de vastes plaines et de montagnes rocailleuses , de prairies et de forêts , de sables incultes et de jardins arrosés par mille canaux , de marais et de landes , ne présentât pas une végétation prodigieusement variée.
Donner une Flore complète du terroir d'Hyères serait donc , pour ainsi dire , offrir un catalogue complet de toutes les plantes du département. Aussi ne mentionnerai-je que celles d'abord qui constituent la physionomie végétale de la localité et celles
qu'on peut appeler rares , oa dont l'e^tence à Hyères est à peu près ignorée.
Ce qui séduit le voyageur quand son œil plonge sur le bassin d'Hyères et se reporte sur les montagnes ou les hautes collines qui l'encadrent, c'est l'apparence de vie et de forte sève qui caractérise la plupart des planest usuelles qu'il connaît déjà. Les mauves, par exemple, et les molènes qui , dans le Nord , rampent presque sur le spl, acquièrent ici un développement qui a forcé les botanistes à en faire des variétés particulières.
Si de ces plantes, qui d'ordinaire bordent les routes, l'œil se porte au revers des fossés et sur les haies , alors ce sont nouvelles surprises et nouveaux enchantemens ; là , on remarque les lentisques à la gomme odorante , les grenadiers et les myrtes , plus loin les tamarix aux rameaux légers et Clégans, qui crient et semblent se plaindre aux secousses répétées du vent; c'est .dans les prés,
la famille si nombreuse des orchis , et celle des ophrys , qui a tant d'analogie avec elle 4 puis viennent les glayeuls et les narcissés , etc.
Ces immenses revers de collines à pentes dou" ces et insensibles , que nous pouvons appeler nos makis, voient croître abondamment, ainsi que ceux de la Carse. le cistus Monspeliensis, et le cytisus triflorus, 1 ecytisus Telonensis (1) , découvert et nommé , par M. Robert, directeur du jardin botanique de Toulon , rerica et toute ses variétés , même l'erica arborea, muîtiflora, vulgaris , le pistacia lentiscus , Yarbutus unedo , le lavendula stœchas , le lavendula spica, plusieurs espèces de lonicera, Yulcx aux pointes aiguës, le ferula communis (2), cistus albidus, cistus ladani ferus, les el-
(1) Cette espèce a été nommée, par Decandole, adenocarpus, et elle est connue aujourd'hui généralement sous ce nom.
(2) Le ferula communis ne croît et ne se trouve que sur la montagne du château.
lébores, les digitales, les genièvres, parmi lesquels s'élève le juniperus phœnicea; les juniperus lycia s'entremêlent à tons ces arbrisseaux déjà cités ; la citronelle , artemisia absinthium arborescens y jette ses suaves odeurs, et le romarin ses émanations pénétrantes. Lesphillirea, les chênes de différentes espaces , l'hysope qui s'élève à deux pieds se multiplient sur plusieurs points. Dans les sables qui longent la mer à l'est, ailleurs , presque partout , se détachent du sol l'élégant asphodèle , le cheirantus maritirnus , l'ixia bulbocodium.
Dans les terrains encore imprégnés de sels marins, on trouve la soude , la salicorne , l'arroche halime , et des slaticés ; sur les roches maritimes , le lichen-rocella, le cakile maritima, le crithmum maritimum à la feuille succulente.
L'île du Levant, si curieuse sous le rapport de la minéralogie , ne l'est pas moins par les plantes qui y croissent. Le teucrium marum , connu plus communément sous le
nom d'herbe aux chats, s'y trouve en quantité, ainsi que le leucrium Massiliente , le Daphné tartonraire , passe rina tartonreira , que j'ai essayé plusieurs fois , inutilement, de transporter sur le continent. On y remarque aussi le joli arbrisseau désigné par Linnée sous le nom de coronilla juncea ; le teucrium pomum redolens, le strapias lingua.
le leontodon tuberosum , Yechium italicum , l'euphorbia dendroïdes , le teucrium capitatum, le diotis candidissima, Yechinophora spinosa , Yeuphrasia îinifolia. Auprès du vitex agnuseastus , qui atteint des proportions colossales pour un arbrisseau , s'étend le convolvulus alihoeoïdes , à ses pie!s vient presque ramper le jasminum humile. La moisson lk: s'arrête point là ; le voyageur qui parcourra les îles peut s'attendre à rencontrer sous ses pas le cheirantus tricuspidatus , le silene quinque-vulnera, le psoralea bilumÚwsa, et le daphne gnidium , plus connu sous le nom
de garou; l'aloës panaché (1) croît, prospère , fleurit et s'étend sur les deux îlots situés en face de la presqu'île de Giens. Là , et ailleurs, se retrouvent les myrthes, les qenista linifolia, candicans , spinosa, et une foule d'autres plantes aromatiques, plus ou moins connues , plus ou moins appréciées des herboristes de Montpellier , qui, depuis quelques années viennent constamment faire ici une ample moisson, dont ils tirent un profit très avantageux , en composant ces sachets aujourd'hui si répandus dans le commerce de la parfumerie.
A ces richesses naturelles, exploitées industrieusement par d'autres que par les habitans, on devra joindre les énormes avantages que pourrait donner pendant longues années le produit du quercus suber (2) , le
(1) Le véritable nom de cette plante est agave americana variegata.
(2) Jusqu'à présent, on n'avait point soumis
chêne-liége. Le bénéfice provenant autrefois du droit de récolter le kermès ( droit précieux offert en récompense à quelques indi-
le chêne-liége à la culture ; c'est à M. Jacques Aurran, membre correspondant de la Société centrale d'agriculture de Paris, qu'on doit une amélioration qui va peut-être changer totalement la face des montagnes schisteuses du département. Les essais de M. Aurran ont été commencés et terminés sur une échelle immense : plus de cinq cents hectares , appartenant à cet habile agriculteur, pourront bientôt servir de forêts-modèles. Voici de quelle manière il traite et soigne ces arbres, qui dans le terroir d'Hyères , font naturellement partie des bois bas, et se trouvèrent long-temps mélés aux cystes et aux bruyères. Dans cet état, selon M. Aurran , le chêne-liége n'est point en général susceptible d'un grand accroissement; aussi le coupe-t-il à fleur de terre, de même que toutes les broussailles qui le dominent ou l'étouffent. Après quoi il faut s'attacher aux rejetons de la plus belle venue et détruire et extirper tous les autres. Cette opération a besoin d'être assez souvent renouvelée, ainsi que celle d'un prudent élaguage que réclame le pied conservé ; et si l'on veut hâter
vidus privilégiés , dont on prétendait ainsi récompenser les hauts services) devaient être peu considérables , si on veut le comparer
les progrès de la végétation d'une manière incalculable , il convient de lui donner une culture à bras, si peu profonde qu'elle soit.
« Une foret ainsi formée et soignée, dit M. Aur« ran , dans une note qu'il a bien voulu me « communiquer, peut, au bout de dix ans, dis« penser le propriétaire de nouveaux soins : les « arbres en sont devenus vigoureux ; ils domi« nent assez pour ne pas permettre aux arbus« tes et arbrisseaux qui forment les bois bas, « de prendre de la consistance, et dès lors, « par conséquent, ils ne craignent plus les in« cendies , fléau le plus à redouter dans nos « contrées.
« Au bout de ce laps de temps, une autre « opération non moins importante peut être comte mencée sur quelques uns des plus beaux su« jets; c'est celle connue en Provence sous le « nom de demasclage, c'est-à-dire l'enlèvement « de la première écorce. »
Croirait-on que des arbres , provenant de semis opérés dans des terrains passables et défoncés avant qu'on ne leur eût confié le glalld,
aux immenses richesses que procurerait la culture bien entendue du liège, qui croît naturellement dans toute la partie du ter-
recevant exactement les mêmes soins que les rejetons, éprouvent sur ceux-ci un retard de dix à douze ans ?
Quant aux anciens chênes disséminés ordinairement parmi les bruyères a de grandes distances les uns des autres , et qui sont encore debout quoiqu'atteints par les incendies , on peut dire que la culture produit aussi un effet surprenant sur leur végétatjpn; pt.que par ce moyen, ils se régénèrent au point de prendre l'aspect des arbres les plus sains et les plus vigoureux, de ceux enfin que la flamme a épargnés ; la seule différence existe dans leurs produits. Le Jiége extrait de ceux-là est d'une qualité inférieure, quoique plus pesante. Il paraîtrait donc assez sage de ne donner qu'une seule fois une façon au pied de ces arbres, et ensuite de veiller a ce que le terrain ne se couvrit pas d'arbustes parasites; le liége récolté se maintiendra tel quel, sans qu'on ait à craindre de le voir passer au rebut ; et si le prix qu'on peut en offrir est moindre , tout se trouve à peu près compensé par haugmentation du poids.
roir d'Hyères, où se rencontrent les micaschistes et les schistes talqueux. Cet arbre vient encore passablemeut parmi les bancs puissans de grès de la vallée de Sauvebonne , qui ne sont point subordonnés au calcaire ; mais sur cette dernière nature de terrain, à très peu d'exceptions près , il végète petit, maigre et rabougri ; et finit par s'éteindre entièrement.
Jusqu'à présent j'ai donné le nom d'un assez bon nombre de plantes qu'on voit partout sur le continent et les îles , il convient d'indiquer maintenant quelques-unes de celles qui croissent dans certains lieux particuliers et qu'on ne trouve que là.
Ainsi l'anemone coronata , qu'on cultive dans les jardins du nord , vient naturellement dans les plaines de la Crau d'Hyères.
L'anemone stellala se trouve sur la berge des ruisseaux. Quant à l'anemone palmala. elle n'existé qu'entre la terre de Galoupet et les salines. L'orch's robertiana, découverte par
M. Robert, cet homme si dévoué à la science pratique, se rencontre surtout dans la colline Saint-Martin , au sud-ouest de la ville.
L'orchis bifolia, essentiellement remarquable par son odeur , n'a encore été aperçue que sur le revers nord. dans le premier affaissement de la montagne qui domine le cimetière.
Sur la route de Hyères à Toulon , non loin du pont de Regannat, surgit du sol et en abondance la plante jolie et rare qu'on appelle le polygonum pulchellum ; le lavatera olbiensis , qu'on trouve à peu près sur tous les points du territoire , vient mieux qu'autre part sur le chemin de Carqueiranne à Hyères.
Le corris Monspeliensis aime les lieux arides de la colline de l'Hermitage, de même que le smylax aspera se plaît à grimper les haies. Le mauritanica est spécial aux îles.
Le savant M. Honorât, de Dignes , dans son catalogue des plantes de la Provence, indi-
que , parmi les phanerogames et dans la famille des graminées , le bromus requietti et le divaricatus , comme se trouvant aux îles d'Hyères. Il cite comme croissant dans les mêmes lieux , l'agrostis lendigera, la lamarkia aurea, qu'on voit à Hyères comme dans la vallée de Barcelonette , à cinquante lieues de distance ; le panicum repens, qui ne quitte pas les bords de la mer , au moins dans nos contrées ; la rotbolla erecta , parmi les sables maritimes ; dans les endroits marécageux le sârpus littoralis, de la famille des cypéracées, etc. etc.
A celte liste déjà si nombreuse et qu'il eût été bien facile d'augmenter , peut être devrait-on ajouter les noms de quelques plantes exotiques qui , après avoir été cultivées dans les jardins, se sont répandues ou naturalisées d'elles-mêmes sur le sol. Dans ce nombre se trouvent les cactus nopals , les agave americana que nous avons vu fleurir, il y a trois ou quatre années , à la presqu'île
de Giens , le vicia Bengalensis trouvé et cité par Darluc , etc. etc. Mais la terre seule n'a pas été favorable à la germination et surtout à l'accroissement de ces plantes venues originairement des contrées intertropicales. Il a fallu qu'elles fussent favorisées par une température quelque peu analogue à celle qui les fait prospérer ailleurs ; et comme tout se lie et s'enchaîne dans les harmonies de la nature, je me trouve ainsi appelé à traiter de la météorologie avec quelques détails , et à offrir quelques tableaux sur l'exactitude desquels on pourra compter , et qui jetteront plus de jour sur la question que tous les raison nemens possibles.
MÉTÉOROLOGIE.
Le doux climat d'Hyères est renommé , mais cette température mérite-t-elle toute la réputation qu'on lui a faite ? c'est ce que nous examinerons avec impat'tjnl¡Í:.
Au dire des voyageurs el des différentes compilations connues sous le nom de Guides de l'étranger en France , le ciel, à Hyères , serait toujours pur , la terre embaumée et rafraîchie par le zéphir ; les autres vents craindraient de troubler un instant cette sérénité classique de l'atmosphère. Les neiges et les frimats seraient inconnus des habitans de la contrée ; les fruits , les boutons , les fleurs se verraient ea même temps sur tous les arbres ; le sol infatigable ne se reposerait point et fournirait, sans peine et sans travail, des sucs toujours nouveaux à la végétation la plus vigoureuse et la plus variée , etc. etc.
On ne sait trop comment, en vérité , ces exagérations ont été écrites et répétées. Quant à moi , il me semble que la vérité est plus attrayante que le faux , le ridicule ou l'impossible. Donc un printemps perpétuel ne règne pas dans notre vallée. L'hiver y est marqué par quelques journées froides ou plu-
vieuses ; les vents y arrivent violens et par fois dévastateurs ; les chaleurs de l'été , sans être insupportables, sont longues et continues. Toutes les parties du territoire qui ne sont point favorisées par des irrigations naturelles ou artificielles , présentent l'image de la sécheresse ou de l'aridité ; des tourbillons de poussière s'élèvent sous les pas du voyageur , l'enveloppent et lui cachent quelquefois la route qu'il doit tenir. Des orages inattendus , menaçans, destructeurs, viennent y verser leur épouvante et leur rage, y fondre en grêle ou en lorrens de pluies. Et après tout, et malgré tout, cette vallée est sans contredit la plus favorisée du ciel en France, car ces quelques momens de froid sont suivis d'une longue suite de belles et tièdes journées ; ces chaleurs de l'été sont tempérées par la brise de mer qui souffle régulièrement durant une partie du jour , et nous arrive sans obstacle ou en effleurant la cime des collines boisées : la montagne qui domine
la ville offre un puissant abri contre la force des vents. Les routes sont bien entretenues, sans ornières , larges et profondes , sans graviers amoncelés comme dans le Nord : les voitures y roulent comme emportées sur des chemins de fer. Les cultures sont variées, les arbres s'affaissent d'ordinaire sous le poids des fruits, les herbages y croissent sans interruption , les foins s'y coupent cinq, six et sept fois ; et c'est à la température qu'on doit tous ces avantages , à la puissance du soleil, aux abondantes rosées, plus encore peut-être qu'au cours profitable des eaux.
Quoiqu'il en soit , les observateurs peu* vent diviser le terroir en trois zônes différentes , chacune soumise habituellement à une température qui lui est propre : 1° Celle d'Hyères et de ses jardins, garantie du froid et de certains vents par les montagnes du Château , de Fenouillet , des Fourches et le grand angle de Coudon; 20 Celle qu'on pourrait appeler du Littoral, et qui s'étend à
l'est par delà le Gapeau , et à Y ouest du côté de la demi-lune du Ceinturon et des terrains bas qui y conduisent. Enfin , la troisième est celle qui est particulière à toute cette suite de vallées et de collines comprises depuis le revers nord des montagnes déjà citées et la chaîne qui commence les terroirs de Collobrières , Pierrefeu , Pignans , etc. etc. C'est principalement sur la première de ces zones qu'il était important de recueillir des observations thermométriques exactes ; car c'est là que croissent en pleine terre l'oranger et d'autres plantes exotiques ; c'est là que , pendant l'hiver , de nombreux étrangers viennent chercher des palliatifs à leurs maux et l'espérance d'en guérir ; c'est là que se sont opérées , comme d'elles-mêmes , quelques cures surprenantes qui ont continué et maintenu la vieille réputation de la contrée. Au reste , on pourra suivre l'échelle proportionnelle des trois températures, quand on saura qu'il existe presque toujours une différence
de un degré et demi à deux degrés , entre la première zone et la deuxième , et une différence de deux à quatre , entre la seconde et la troisième.
Les vents, comme on peut bien le penser , jouent un grand rôle dans les phases de la température , et le mistral, maestral, le maître enfin , opère à lui seul des abaissemens subits de six à huit degrés.
Une observation à faire , c'est qu'en général et depuis un laps de temps très considérable , les fenêtres de la plupart des maisons étaient ouvertes au midi , et cela parce que ces ouvertures pratiquées ainsi , laissent pénétrer plus de chaleur en hiver et un air rafraîchi en été. Ce sont les vents marins qui, pendant la dure saison , font monter le thermomètre, et les mêmes qui rendent l'été plus supportable. C'est surtout dans cette saison que souffle ce que les navigateurs appellent le vent de terre, qui cesse d'être sensible à trois quarts de lieue
de la côte. Il s'élève communément le matin alors que l'aube du jour commence à poindre , et le soir au moment où le soleil s'incline vers l'ouest.
On peut dire sans craindre de se tromper que les vents, à Hyères , à quelques exceptions prés, se font sentir et se succèdent dans l'ordre suivant : pendant le printemps, ce sont les vents d'est, du sud et du nord-est; durant l'été (1) dominent les vents du sud t sud-est et ouest ; quand l'automne arrive , ils cèdent aux vents du sud-ouest, ouest et nord-tst. que remplacent en hiver les vents du nord, nord-est, sud-est, sud et enfin nordouest.
J'ai sous les yeux le résultat d'observations faites pendant quelques années, qui permet d'établir le terme moyen suivant : le nord
(1) Il n'est point rare, dans cette saison , après un violent orage, de ressentir le vent du nordonoît pendant trois , six et même neuf jours.
souffle dix à douze jours au plus, l'est soixante-cinq , le sud cent vingt, Youest quarante , le nord-est vingt, l'ouest trente-cinq , le sud-est vingt , le sud-ouest dix-huit, le nord-ouest vingt-sept, vents variables huit à dix. Le mistral , malgré son effet fatigant sur les hommes , les animaux et surtout sur les plantes qu'il dessèche ou resserre, arrête souvent bien à propos la végétation , que saisit d'autres fois dans toute sa force, un froid qui tue dans une seule nuit les arbres délicats cultivés à Hyères. D'un autre côté les vents d'est amènent, au printemps, les pluies qui , de concert avec le soleil, accélèrent le mouvement de la sève ; ceux du sud-est et du sud-ouest poussent et roulent ces nuages noirs et épais qui , en octobre et en novembre , viennent fondre sur le sol et préparent les terres à recevoir les céréales qu'on sème à cette époque ; car si les pluies ne sont pas très fréquentes en ce pays , elles sont ordinairement très abondantes. Aux épo-
ques citées , on peut compter quarante jours de pluie, année commune ; ce nombre est par fois dépassé , plus souvent encore il est moindre. En 1825 , il ne fut que de trentetrois jours ; aussi cette année fut-elle regardée comme une des plus sèches dont se soit conservé le souvenir. Avant de donner deux tableaux qui compléteront tout ce que je viens de dire sur la température , qu'il me soit permis de relever une erreur propagée par ces voyageurs qui prennent au hasard leurs notes ou leurs documens : on a écrit, répété et l'on croit encore dans le nord de la France , qu'il ne tombe point de neige à Hyères; et cependant, depuis 1806 jusqu'au moment actuel , on peut affirmer qu'elle a couvert le sol huit à neuf fois ; qu'en 1820 , elle resta sur la terre toute une journée , et qu'en 1829 , elle n'était pas encore fondue le deuxième jour. Ainsi (1),
(1) Des personnes qui ont habité long-temps
tous les trois ans, à peu près, la neige tombe, séjourne quelques heures , ou souvent moins long-temps; car, en 1809, 1814 et 1827, elle n'y demeura pas trois quarts d'heure , et fondit presque immédiatement à la chaleur de la terre ou à celle du soleil.
J'ai parlé des rosées abondantes de la saison chaude , je devrai donc aussi dire un mot des brouillards marins. Il y a cent trente ans qu'ils étaient plus fréquens qu'ils ne le sont aujourd'hui ; car, dans un cahier de doléances présenté aux états par les habi-
Nice, m'ont assuré que la neige y tombait plus fréquemment qu'à Hyères. Cependant M. Risso dans son ouvrage intitulé : Histoire naturelle des principales productions de f Europe méridionale , tome 1er , page 233, dit positivement, « que « toutes choses à peu près égales, il ne tombe « de neige dans les environs de Nice que de « cinq à six ans. » Sans doute , cet estimable auteur n'entend parler que de celle qui y séjourne.
tans pour obtenir une diminution d'impôts, on leur attribue une foule de qualités malfaisantes , et un effet plus direct et plus immédiat sur les récoltes du littoral, que nous ne le voyons de nos jours. Quoiqu il en soit, ces brouillards , heureusement très rares aux jours où je parle , s'élèvent durant le printemps et à l'automne vers dix à onze heures du matin, ils deviennent épais et gras, marchent lentement du sud au nord , gagnent le pied des montagnes à l'est et à l'ouest , et finissent par se répandre et retomber dans les vallons. Ces vapeurs marines (1) cauté-
(1) Cette opinion est celle de nos cultivateurs.
Il paraît encore, d'après M. Risso , qu'elle est partagée par les habitans de la campagne de Nice. Cet auteur ne semble pas la regarder comme bien fondée ; et il assigne au mal réel que ces brouillards occasionnent, une cause qui pourrait bien être la véritable. Ce serait, selon lui le passage brusque d'une atmosphère (rafche et brumeuse à celle de l'action directe du soleil.
risent et brûlent les bourgeons de l'olivier, du figuier et même ceux plus tardifs de la vigne. On s'en plaint encore ; mais il paraît constant que leur maligne influence s'étend moins et est moins redoutée qu'elle ne l'était autrefois. Cette partie de la vallée , formée par l'abaissement des montagnes calcaires et celle de Fenouillet , semble même en être tout à fait exempte aujourd'hui ; et dans les documens que j'ai sous les yeux , je vois que ces quartiers redoutaient autrefois leur approche et leur effet pernicieux.
Dans un ouvrage tel que celui-ci , on doit , le plus possible , s'entourer des lumières de personnes connues par leur spécialité. Personne n'ignore, à Hyèreset même au loin, la scrupuleuse exactitude qu'apporte M. Hypp. de Beauregard à ses observations météorologiques. Je n'ai donc pu mieux faire que d'avoir recours à son obligeance pour donner au public un relevé exact ou même un tableau du plus grand
froid éprouvé à Hyères , à commencer de l'hiver de 1810 jusqu'à celui de 1840. J'offrirai , grace à lui , un second tableau , non moins précieux par sa justesse , il présente les quantités d'eau tombées , à Hyères, chaque année , depuis 1814 jusqu'à l'époque actuelle.
TABLE A U des plus grands froids éprouvés, 41 Hyères, de 1810 à 1810, d'après le ther- t momètre de Réaumur. i
HIVER l, MOIS VARIATIONS DE 5 DE et différences P 1810 à 1811 1er Janvier. —3° 1/2 1811 à 1812 23 Idem. —28 1812 à 4813 15 Idem. zéro 4813 à 1814 25 Idem. —4°. 3/4 Idem. 10 Mars. —2° 112 1814 à 1815 21 Janvier. —4° 314 1815 à 1816 1" Février. —2° 1/2 1816 à 1817 Décembre. +4. 112 1817 à 1818 12 Idem. +2.
1818 à 1819 14 Idem. zéro 1819 à 1820 11 Janvier. -9. 112 1820 à 1821 2 Idem. zéro 1821 à 1822 9 Idem. zéro 1822 à 1823 19 Idem. -1* 1823 à 1824 19 Idem. zéro 1824 à 1825 6 Février. +°. 112 1825 à 1826 11 Janvier. —2* 113 1826 à f 827 24 Idem. -2° 911 ° 1827 à 4828 13 Février. +00 114 1828 à 1829 13 Idem. —0° 1/2 1829 à 1830 28 Décembre. —4e 114 Idem. 15 Janvier. —4e Idem. 2 Février. —4° Idem. 6 Idem. -3° 2]3 | 1830 à 1831 5 Décembre. -1 2/3 H 1831 à 1832 29 Idem. —0° 112 S 1832 à 1833 23 Janvier. +0" 112 8 1833 à 4834 12 Février. -LO° 1/10 3 183 à 1835 26 Décembre. +0" 112 I 1 E55 a 1836 2 Janvier. —1 ° g 1836 à 1837 30 Décembre. -5° 1 1837 à 1838 12 Janvier. —1° jj 4838 à 1839 2 Février. —0° 3/4 1839 à 1840 25 Mars. -0* 111
Quantité d'eau tombée à Hyères chaque année, mois par mois, depuis le 1 janvier 1824.
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Ces observations n'ont été commencées, cette première année, que le 13 mai ; ii était tombé, jusqu'it ccttc époquc. cnviron 5 p, 6 ligne d'eau.
Tout le monde sait aujourd'hui quelles singulières modifications la topographie physique peut apporter au climat, et par conséquent à la salubrité d'un canton : la configuration des montagnes , l'enfoncement des vallées , le cours des eaux , l'étendue des marais et des étangs , leur éloignement ou leur rapprochement des endroits habités , l'élévation des arbres, la nature même des cultures , sont autant d'agens secrets et puissans qui peuvent changer totalement la face d'un pays, dans l'espace de plusieurs siècles.
Ainsi le détournement d'une partie des eaux du Gapeau , en 1558, le desséchement récent des marais, la plantation d'une grande quantité de mûriers le long des routes , et d'autres arbres au milieu des prairies , le déboisement des collines , ont eu une immense influence sur la santé des habitans , et par conséquent sur l'accroissement de la popu-
lation. Certains animaux (1) ont totalement disparu du pays ; d'autres , tels que divers oiseaux de passage, qui ne fréquentent que les contrées tout à fait marécageuses , et qui s'y montraient régulièrement, ne se laissent plus voir que de loin en loin.
Le gros bétail, qui était rare et dont la multiplication a tant de rapports avec les progrès de la culture, s'y trouve aujourd'hui assez abondamment ; en revanche et heureusement , les nombreux troupeaux de chèvrès, à la dent meurtrière, ont quitté le pays.
Les richesses territoriales ont augmenté ; les ressources locales aussi : chaque jour voit se développer et satisfaire de nouveaux be-
(1) Les chevreuils et les cerfs, entr'autres, qui, au dire de Darluc et de quelques vieux géographes , étaient assez nombreux sur les montagnes de Carqueiranne et de la Colle-Noire , n'existent plus qu'en très petit nombre dans les bois de la Verne , à plus de dix lieues de la ville d'Hyères.
soins. Hyères est devenu aussi habitable l'été que l'hiver ; et je terminerai cet article important en disant que si ce n'est pas le plus doux, le plus riche , le plus heureux pays du monde, c'est de tous les coins de la France le moins maltraité par la nature et par Dieu.
Si les étrangers voulaient connaître à cet égard l'opinion de quelques médecins célèbres je leur donnerais , en opposition à celle du docteur Clarke , les paroles du vieux Darluc, de Fodéré , de Landré Beauvais, et enfin celle plus puissante, selon nous, d'un homme peut-être moins connu, mais plus à même de faire apprécier la vérité qu'aucun autre , car depuis vingt-cinq ans il étudie ce climat et ses effets sur les différentes maladies de poitrine : tout le monde rend cette justice à M. Allègre, que jamais l'intérêt particulier n'a retenu sa pensée ; et je suis certain qu'il ne démentira pas des idées qui sont siennes.
J'ai déjà cité , dans un autre ouvrage 1 les propres expressions de Fodéré ; je les répéterai , car elles seront ici à leur véritable place.
Après avoir récapitulé les diverses localités que les personnes attaquées de la poitrine doivent habiter de préférence, cet habile praticien , aujourd'hui professeur à la faculté de Strasbourg, parle de Nice, où il a exercé lui-même la médecine pendant plusieurs années , et il ajoute : « La ville « d'Hyères , qui est éloignée d'une lieue de « la mer , pourrait, sous certains rapports, « obtenir la préférence et paraîtrait même a être un peu plus chaude en hiver et moins « exposée que celle de Nice aux variations « brusques de la température. — Ainsi que « dans tous les climats où la chaleur favo« rise la transpiration , les habitans d'Hyè« res ne sont sujets ni à la goutte , ni aux « rhumatismes, ni à l'asthme , et les étran« gers qui sont attaqués de ces maladies et
« qui viennent y passer l'hiver, sont presque « sûrs, de même que sur le littoral des AI« pes maritimes , d'y éprouver un grand « soulagement. L'absence des pluies et des « brouillards , et l'exercice qu'on peut faire « tous les jours dans cette saison au milieu « d une belle végétation , rendent certaine« ment ce séjour très recommandable. » Le docteur Allègre, qui plus d'une fois a dirigé lui-même sur Nice, Gênes , Pise, Naples ou Madère , des personnes atteintes d'affections de poitrine toutes particulières , en a vu aussi partir beaucoup d'autres avec regret, certain qu'il était, que le climat d'Hyè.
res leur serait plus favorable que celui de telle ou telle localité que je viens de citer. Je voudrais pouvoir entrer dans plus de détails sur un sujet d'une si haute importance qu'il aurait besoin d'être traité dans un ouvrage tout à fait spécial ; mais ma tâche est remplie à cet égard , et il n'appartient qu'à un médecin de combler la lacune que mon igno-
rance sur ces matières peut avoir laissée.
ZOOLOGIE.
Après avoir parlé du sol, de ses productions naturelles et de sa température, je serai conduit à m'occuper de tous les êtres vivans qui l'habitent ; mais pour ne point m'astreindre à des répétitions inutiles , je ne traiterai que des exceptions, me réservant, dans un résumé rapide de mon œuvre , d'indiquer les différens animaux qui peuplent le département, et les lieux qu'ils choisissent pour demeure ou pour repaire. Ainsi, je ne dirai point que le loup , le sanglier, le renard , le blaireau , la martre et le chat sauvage , se trouvent dans les forêts d'Hyères , mais je rapporterai que l'on a tué quelquefois la loutre sur les bords du Gapeau ou le long des grands fossés qui coupent les anciens marais ; je rappellerai que quelques pauvres
chevreuils égares, sortis des bois de la Verne, se sont quelquefois montrés sur les confins de notre territoire. Toutefois si les quadrupèdes n'offrent rien de bien particulier, il n'en est pas de même pour les poissons , les coquillages, les crustacées , les insectes, et surtout les oiseaux. Là, sont des genres , des espèces , des variétés qui sont propres à la localité ou qui, au moment de leur passage régulier et périodique , s'y arrêtent assez long-temps pour devenir le sujet d'études consciencieuses , ou tout au moins d'une nomenclature assez détaillée.
Ornithologie.
Les ornithologistes seront quelquefois surpris d'y suivre le vol de l'aigle fauve (1) et du balbuzard (2); mais ces grands et forts oiseaux de proiejne se, montrent que dans les hivers rigoureux ; quant à l'aigle plaintif (3) et à
(1J Aquila fulva.
(2) Pandion.
(3) AquMaplanga,
l'aigle commun , quoique rares aussi, ils nichent sur les plus hauts rochers des monlagnes des Maures. Un grand duc (1) a été pris, il y a peu d'années , non loin des mêmes lieux.
La grande outarde ne paraît que de loin en loin , le phénicoptère ou le flamant habile le long de notre étang pendant l'automne ; l'hiver il disparaît et se montre de nouveau vers les mois de mars et d'avril. Ce même étang renferme huit à dix espèces de canards : le canard brun , le siffleur , le colvert, le souchet, etc. etc. , et ils semblent vivre en parfaite intelligence avec les grèbes , les harles et les cormorans ; il en est de même des foulques et des gallinacées aquatiques, parmi lesquels il est arrivé de rencontrer le porphyrion.
Dans les prairies, surtout après les pluies et les inondations, on aperçoit communément la famille des échassiers, lés barges,
(4) S tri* buh..
les échasses, l'avocette, les chevaliers, le héron pourpré, le héron violet ou du Thibet, ardea leucocephalia; les hérons aigrettes. été.
et l'œdiodéme, qui ne s'éloigne guères des mêmes lieux. Le chasseur y rencontre les deux ou trois variétés de bécassines ; la perdrix grecque est de passage et s'arrête ordinairement quelques jours dans les îles du Levant et de Portcros , ainsi que la bécasse., qui s'y cache dans les buissons épais et fourrée.
L'île Porquerolles était autrefois couverte de faisans dorés qu'y avait fait jeter Louis XIV; mais ils furent entièrement détruits àl'ëpo* que de la révolution. Depuis peu quelques faisans ordinaires , apportés de Corse » ont été lâchés dans l'île, et l'on compte déjà quelques paires , qui finiront par sê multiplier , comme les perdrix rouges qui y &Oftt aujourd'hui fort nombreuses.
Dans les champs cultivés et les vergers, s'envolent au moindre bruit la famille presque entière des biCS-fios, dos gros-bfecï, des
moteux. Le moineau des marais , le grimpereau de muraille (1), les grives , le merle bleu (2) , habitent les lieux qui leur sont propres, et leurs noms , ainsi que celui du coracias, qu'on y a tué plusieurs fois, va terminer cette liste étendue d'oiseaux pour la plupart peu communs dans l'intérieur de la France, et qui pour cette raison méritaient d'être cités.
Les lieux marécageux , notamment les alentours du Ceinturon servent de point de départ et d'arrivée aux râles d'eau , genre de palmipèdes plus varié qu'on ne croit. Le ralus griseus , de Temmink, s'y trouve ainsi qu'une autre espèce qu'on pourrait désigner sous le nom de niger , tout à fait différent du ralus aquaticus au dire de plusieurs bons observateurs (3).
(1) Pterodroma muraria.
(2) Turdus cyaneus.
(3) M. V. Estalle est peut-être le premier qni ait
Dans la rade et en dehors des îles, se jouent sur les flots les oiseaux pêcheurs connus sous les noms de petrels, pingouins, macareux, et autour de rochers , les goélands et les mouettes.
Au printemps arrivent l'ibis fraxinelle , et les guêpiers qui viennent de la terre d'Afrique du Sénégal peut-être , où ils sont si nombreux. On les reconnaît, non à leur vol à peu près semblable à celui de l'hirondelle, mais à leur plumage chamarré de brillantes couleurs.
Icthyologie.
On n'attend pas davantage de moi, j'espère, les noms de tous les habitans de la mer. Les pêcheurs assurent que la côte est devenue moins poissonneuse qu'elle ne l'était autrefois ; il me semble que c'est une ancienne
bien observé cet oiseau et il lui a imposé le nom de niger.
plainte souvent renouvelée et qui prouve seulement que c'est un métier rude et précaire que celui de la pêche. Interrogez le patron après un coup de filet heureux, et vous verrez combien il peut varier dan3 ses idées et son langage.
Quoiqu'il en soit, la rade d'Hyères, les parages des îles , sont le rendez-vous habituel des pêcheurs dépendant de la prudhomie de Toulon , espèce de tribunal bâtard qui a ses tèglemens spéciaux , ses lois et sa justice particulières , et qui , dans certains tas, rend , dit-on , des arrêts sans appel.
La pêche est une faible branche d'industrie pour Hyères , et ceux qui s'y adonnent, pour la plupart vieux marins sans retraite, sont peu nombreux. Cependant la madrague de Giens occupe journellement quittée à vingt bras. Le thon (I), scotitber Ihynnus des na-
(f) Cette pêche du thon forme le sujet d'un des tableaux de Joseph Vernet; il a été tant de foii
turalistes, s'y laisse prendre assez souvent ; et quoique cet immense et coûteux filet soit spécialement destiné à arrêter ces bandes voyageuses qui suivent annuellement les sinuosités de la côte , on retireplus fréquemment des maqueraux , scomber scombrus, des sardines , clupea sprattus, et quelquefois des anchois , clupea encrasicolus ; les raies, les soles, pleuronectes solea , les loups , centropomus lupus, les dorades. sparus aurata, s'apportent sur nos marchés de même que les muges ou mulets , mugil cephalus, les pagets , sparus pagel, bogues , sparus boops , rougets4 mullus ruber, merlans, Saint-Pierre , zeus faber , et les crustacées y sont nombreux et variés; le palinurus vulgaris ou langouste, dromia caput morluum , cancre tête de mort,
gravé ; il se trouve sous les yeux de tant de personnes, et il donne une idée si exacte du moment curieux de la prise du poisson, qu'il me semble inutile d'entrer dans plus de détails.
calappa granulata , cancre migraine ; grapsus varius , cancre madré ; plagusia depressa , cancre aplati, maïa squinado , maïa armata , macropus longi rostris ; araignée de mer, galathea strigosa , l'écrevisse striée , etc. etc.
Quelques phoques (1) ont été vus , m'a-ton assuré , parmi les rochers de la presqu'île de Giens , et ceux à l'est du fort Brégançon.
Quant à moi, je n'ai jamais pu m'assurer , par mes propres yeux , de l'existence de cet amphibie dans nos parages , tandis que j'ai aperçu fréquemment, se jouant dans la rade, le dauphin , delphinus delphis, le marsouin et l'empereur (2). Il ne faut point douter que le requin , squalus carcharias , ne s'y trouve , ainsi que quelques puissans cétacées. Il y a quelques années qu'une vingtaine de ces poissons monstrueux , pouvant avoir de dix-
(1) Monaca et vitulina maritima.
(2) Xephias gladius.
huit à vingt-cinq pieds de long , s'étaient engagés dans le labyrinthe de la madrague , les efforts qu'ils firent pour en sortir causèrent un dommage considérable. Le chef, ou roi des pêcheurs, comme on l'appelle , me conta qu'on ne put en tuer qu'un seul à coups de fusil et de harpons , et qu'on en retira une énorme quantité d'huile.
Si la grande tortue de mer est rare , pour ne pas dire introuvable sur nos côtes , en revanche, on peut se procurer de ces reptiles de l'ordre des chéloniens , d'une espèce noirâtre et beaucoup plus petite , iestudo lutaria , qui habitent les ruisseaux marécageux (f) du Palivestre et du Ceinturon , et qui se jettent dans l'étang dit des Pesquiers, ou dans la mer. La tortue de terre (2) est plus
(1) On m'a assuré qu'il s'en trouvait aussi à l'embouchure du Gapeau, où l'on ne rencontre guères d'autres poissons d'eau douce que des barbeaux, des anguilles et quelques truites.
(2) Les tortues de terre étaient même nombreu-
commune encore. J'en ai trouvé moi-même à Porquerolles , à Portcros et dans les bois de Léoube et du château Rouard (1).
Je n'abandonnerai pas cette exploration des profondeurs de nos mers, sans dire qu'elles sont tapissées d'épongés, de polipiers et de madrépores ; et que si les coraux y occupent moins de plongeurs que dans les temps ananciens , cette industrie cependant n'est pas tout à fait abandonnée , car les pêcheurs génois , gens qu'aucunes fatigues ne rebutent, viennent presque tous les ans exploiter ces produits marins et les utiliser à leur profit.
ses dans les îles et surtout à Porquerolles ; mais sous l'empire, h\1il à dix mille soldats désœuvrés, qui y tenaient garnison, en ont considérablement diminué le nombre. Oa recommande le bouillon de tortue aux phtisiques.
(t) Immense et superbe propriété faisant partie autrefois de la châtellenie de Brégançon. Ses vins blancs sont de qualité supérieure et mériteraient une réputation plus étendue.
Conchyliologie.
Il ne me reste plus, pour compléter cette partie de mon travail, qu'à jeter un coup d'œil sur les mille coquillages que la mer jette sur les sables ou que les rochers retiens nent. Ceux que nous pourrons citer le cèdent , en éclat, en poli , en beauté, à ceux qu'on apporte des mers lointaines ; maison ne pourra jamais s'empêcher d'admirer la forme si gracieuse et si déliée de la nautile papiracée, ses plis si réguliers , la blancheur , la transparence de l'enveloppe ; on recherchera toujours dans les cabinets la brune Sùlemie ; je l'ai trouvée parfaitement intacte sur le sable fin de l'Accapte , en me dirigeant par \e bord de la mer, de l'établissement des Pesquiers à la presqu'île de Giens. Sur la même côte et même dans le canal qui conduit l'eau de la mer à l'étang, se voient également le snlen vulgaris , manche de couteau , et le recurvus, qui est assez rare en
Provence ; Yauricula striata, l'oreille nacrée, de petite dimension , est fort abondante ; au contraire , des variétés de vermiculaires ou vermisseaux, vermiculus spiralis , solitarius , striatus, les vermiculi conglobati sont adhérens aux rochers qui bordent Giens et la côte de Carqueiranne.
Deux ou trois espèces de murex , entre autres l'atro fuscus ; dans la famille des limaçons , les nérites ; parmi les porcelaines , le cauris, à peu près semblable à celui des Maldives, qui sert de basse monnaie dans l'Inde ; le grand buccin maillé , buccinum majus ; des pourpres curieuses et rares, remplissent la liste des coquilles univahes, divisées en nombreuses familles : les îles , et surtout Portcros, la partie sud de la presqu'île de Giens, la côte de Carqueiranne , dans celles de leurs "calanques qui sont sablonneuses, la plage de l'Accapte, sont presque les seuls endroits où se trouvent ces coquilles. Le développement Ide côtes , depuis
le Ceinturon jusqu'à Bormes n'en présente que fort rarement ; cependant j'y ai ramassé quelques jolies volutes , mais toutes de la même espèce , la voluta turbo.
Encore un mot sur les bivalves, et je quitterai le domaine des mers, pour m'occuper des basses régions de l'air , où voltigent et bourdonnent tant d'insectes recherchés des entomologistes.
Après quelques jours d'un gros temps, quand le fond des eaux avait dû être entièrement bouleversé , la plage ou l'isthme de Giens , m'a offert l'huitre ordinaire , ostreum vulgare, petite , assez régulière et délicieuse au goût. Sur la plage opposée, l'Accapte , déjà citée par moi, de nombreuses valves détachées de l'ostreum cepa viridis et des fragmens de l'huitre épineuse , oslreum spinosum, se sont montrés. Si de là nous retournons à l'isthme , ce sera pour y broyer sous nos pieds des millions de cames , roulées , usées ,
effacées et décolorées ; il est difficile de déterminer leurs variétés. Dans la calanque ou crique du Pradon , j'en ai trouvé une qui passe pour assez rare, chama sereptum arabica. Je l'ai rencontrée une seconde fois à San-Salvaaore ou San-Sauvadou ; là c'est la chama fo'lium rosœ , ou la feuille de rose , pour ne pas être brisée par les galets de la plage, se laisse mollement déposer sur le rivage fin et velouté de la Badine, près Giens. La famille des meules est aussi nombreuse dans la rada; et depuis la pinna marina major , connue par son byssus, si soyeux , si brillant, qu'on le file en Sicile, jusqu'au musmlus barbatus , je crois que toutes les variétés s'y trouvent en y comprenant même beaucoup de moules exotiques qui y arrivent attachées à la carène des bâtimens et sont séparées par la violence et le battement continu des flofê.
Les tellines, les buccardes , les peignes même, quoique assez rares , sont jetés sur cette partie privilégiée de notre cote que j'aï dési-
gnée sous le nom d'Accaple , et que couvrent malheureusement aujourd'hui des monceaux d'algues , qui n'y existaient point il y a quelques années ; mais j'en ai assez dit, je crois, pour exciter la curiosité des personnes qui s'occupent de conchyliologie, et pour stimuler celles qui seraient tentées de commencer une collection. Je passe à un autre ordre d'êtres vivans qui peuplent par myriades une région non moins intéressante à décrire.
Entomologie.
L'humidité et la chaleur , ces deux véhicules puissans de toute existence, ne sont pas moins favorables , je crois , à la naissance et au développement des insectes qu'à la végétation des plantes. D'ailleurs l'immense variété des substances végétales est elle-même la source incessante de l'existence de ces mêmes insectes qui prennent vie , croissent, se propagent et meurent sur des
plantes qui sont leur monde. Aussi le pays que je décris est-il la terre promise des entomologues. Les diptères ou mouches, les lépidoptères ou papillons , les coléoptères, et. etc. , tribus nombreuses et brillantes , vont donc pour un moment au moins fixer notre attention. C'est surtout des lépidoptères que je parlerai, car c'est le genre qui attire le plus d'amateurs.
Lépidoptères.
Outre un grand nombre de papillons communs à tout le Midi de la France et qui se rencontrent dans chaque localité , il en est ici dont l'espèce est encore rare ; d'autres qui sont inconnus partout ailleurs, et enfin une dernière et courte série qui vient d'être récemment découverte. Je mentionnerai les uns seulement pour mémoire , tandis que je crois devoir entrer dans quelques détails sur ceux qu'on juge dignes de fixer un instant l'attention dqs collectionneurs. En Suisse
et dans les Pyrénées, les enfariS tirent partie avec adresse et zèle du goût prononcé de quelques amateurs d'histoire naturelle ; ils savent prendre et préparer proprement ces jolis insectes , et les vendent ensuite assez cher aux étrangers qui parcourent leurs montagnes : cette industrie est à peu près inconnue à Hyères , et cependant il est tel individu du genre sphynx ou smérinthe qui se trouve coté sur les catalogues des personnes qui se livrent à ee commerce, au prix élevé de huit, dix et vingt francs. Ceux qui les premiers découvrirent, il y a dix ou douze ans, la chenille du jasius , gagnèrent avec l'Angleterre et l'Allemagne plusieurs milliers de francs.
Le jasius , genre apatura , dont je viens de parler , le jasius , aujourd'hui si répandu , mérite donc quelques lignes , non comme objet rare , mais parce qu'il est resté le plus beau et ie plus élégant des papillons qui se trouvent à Hyères. Sa chenille se rencontre
sur l'arbousier , où elle passe l'hiver ; elle est verte et de la nuance des feuilles de l'arbrisseau , ce qui la rend assez difficile à apercevoir ainsi que sa chrysalide, dont la coque a toute l'apparence d'un fruit encore vert. Elle est attachée à la feuille ou à la branche par une espèce de pédoncule ou filet cotonneux d'une i grande force et si parfaitement tissu , qu'il est en état de résister à toute la violence des vents. Le papillon orné des couleurs les plus variées , paraît à deux époques différentes - la première est vers le milieu de mai, la seconde au commencement de l'automne.
Le jasius se retrouve dans les îles d'Hyères , en Corse , en Sardaigne et sur la côte d'Afrique dont il paraît originaire.
Viennent ensuite , parmi les espèces les plus connues, les hypsipiles , genre thais ; elles paraissent en mars et avril, et se voient dans les lieux humides comme sur les bords
des ruisseaux : la chenille se nourrit sur l'aristoloche.
Les médesicasles , papillons du même genre que les précédens , et qui leur ressemblent assez pour l'apparence , se montrent aussi aux mêmes époques ; elles ne se rencontrent guères que dans la partie ealcaire du territoire ; elles paraissent un peu plus tard que les hypsipiles, et les chenilles , qui sont assez difficiles à élever , croissent et se développent aussi sur une variété d'aristoloche.
La belia, genre anthocaris, paraît en mars, voltige sur les hauteurs du Vieux-Château , est assez difficile à prendre , et provient d'une chenille jusqu'à présent inconnue.
Une autre chenille, encore à trouver, est celle de la Pandora , genre argynnis. Le papillon a été pris sur les bords du Gapeau vers le mois de juin. S'il est assez rare en France sur le continent , nous devons ajou-
ter qu'il est au contraire assez commun dans l'île de Corse.
La suberis, genre hadena , paraît dans le mois d'août.
L'adulatrix, genre Enrhipia, paraît en mai et en septembre. La chenille se nourrit sur le lentisque.
L'effusa, genre amphipyra, paraît également en mai. La chenille vit sur le genêt épineux; on l'y trouve en mars.
Le balltls , genre polyommatus s est fort commun dans les environs d'Hyères , mais il affectionne une seule localité , c'est la montagne dite la Maunière ; partout ailleurs, dans notre territoire, ce papillon ne paraît qu'accidentellement. Chenille inconnue.
Le melanops , genre argus , qui n'est pas aussi recherché que le précédent, se prend aux mêmes lieux tj'ue le ballus : comme lui , il apparaît en mars et se trouve jusqu'au mois de mai.
Uhesppria sidœ se trouve sur tous les co-
teaux en juin, et spécialement du côté de la Crau d'Hyères.
L'orgya trigotephras, se montre en juin , voltige sur les lieux assez élevés. Sa chenille est polyphage ; on la prend principalement sur les genêts.
La latreillii , genre eriopus , éclot en juin.
Sa chenille se trouve au commencement de mai sur les capillaires, dans les lieux humides et sous les roches qui avoisinent les sources.
La xilina australis se développe en avril.
La xilina leautierii est une noctuelle encore précieuse. On en doit la découverte à M. Lautier , de Marseille. La chenille , qui est assez rare et qui se trouve sur le cyprès , à la même époque que le bombix lineosa , dont nous ne tarderons pas à parler , ressemble singulièment à celle de Yeffusa ; elle se transforme en chrysalide pendant le mois de juin et devient papillon vers le milieu de l'automne La polia venusta paraît en septembre.
Lapolia canteneri, découverte par M. Caritener, entomologue distingué, n'a été jusqu'à présent rencontrée que sur les basses collines du territoire d'Hyères. On la voit en juin.
La mamestra sodce , dont la chenille végète avec la soude sur le bord de la mer, s'aperçoit en mai.
La catephia romburii, ainsi nommé en honneur du docteur Rambure , que je connus en Corse , et à qui j'indiquai, moi indigne , les lieux où il rencontrerait l'arginnis elisa , qu'un heureux hasard venait de me faire trouver , en juillet , sur la cime du SanPietro , canton d'Orezza. Cette catephia paraît en juin , et se laisse prendre à cette ép oque sur les troncs des chênes et des peupliers.
La catocala dilecta , dont la chenille vit sur le chêne , se rencontre, aux mêmes temps, aux mêmes lieux et sur les mêmes arbres que le papillon ramburii, L'ophiusa thyrrea se montre en mai. On
cherche en octobre , sa chenille qui s'attache aux sumacs et surtout aux lentisques.
Les coteaux voien, au mois de mai , Verastria ostrina , papillon assez récemment découvert à Hyères.
Mais , sans contredit, les papillons les plus désirés, sont d'abord le lineosa bombii, genre lasiocàmpa, découvert à Montpellier et retrouvé à Marseille par M. Leautier , déjà cité. Quoique cet entomologue , qui est parvenu à élever en secret un bon nombre de chenilles, l'ait passablement répandu , ce papillon n'en est pas moins resté fort recherché. C'est en 1830 qu'il fut reconnu à Hyères. La femelle, une fois fécondée , dépose ses œufs sur le cyprès ; ils éclosent en juillet.
Les chenilles qui en proviennent sont assez grosses, de couleur ligneuse , et tellement attachées aux branches , qu'elles semblent faire corps avec elles. Après avoir passé sur l'arbre l'hiver et une partie du printemps , c'est en niai qu'elles subissent la second e
métamorphose ; et quarante jours après , on voit sortir le bombyx.
Le franconÙa, genre gastrophaga, a été trouvé , en 1831 , dans les plaines marécageuses - du Ceinturon , sa chenille est très abondante, elle est hirsutée , son duvet est brillant et roussâtre. Le papillon paraît en juin. Boisduval, dans son index methodicus, l'indique comme originaire de la Franconie , et ne paraît pas se douter qu'on le retrouve sur un point si éloigné , dans le Midi de la France.
Le quercus ou smerynthe du chêne , genre smerÍnthus, quoique plus rare dans les environs d'Hyères que dans le territoire de Draguignan , se rencontre d'ordinaire au pied du chêne vert sur lequel se nourrit la chenille : le papillon éclot en mai.
Puis viennent les sphynx, le celerio , en juin et juillet.
Le nerÙ:, en juillet et août. La chenille vit sur le laurier-rose , et le papillon perle
communément le nom de l'arbrisseau.
Le livornica , dont la chenille vient sur l'oseille sauvage , paraît en juin.
Le vespertilio a été pris dans la vallée de Sauvebonne. Je ne parle pas de beaucoup d'autres papillons du même genre , qui se trouvent ici comme dans le reste de la France.
Je terminerai cet article, auquel je n'ai donné une certaine étendue que parce que la chasse des lépidoptères nous attire tous les ans de nombreux visiteurs , en disant , pour leur donner'plus de confiance , que la plus grande partie de ces documens et de ces observations m'ont été fournis par MM.
Meissonnier de Valcroissant , Théod. Aurran et Sepsis , qui s'occupent ou se sont occupés avec ardeur de cette partie -de l'histoire naturelle.
Coléoptères.
Une famille d'insectes encore plus répan-
due que celle dont nous venons de parler est sans contredit celle des Coléoptères. Les bornes que j'ai assignées à cette partie de l'histoire naturelle ne me permettent que de citer les plus rares par genres et espèces, et la nomenclature paraîtra encore assez longue peut-être aux personnes qui ne se sont jamais initiées aux secrets je dirai presque aux plaisirs de l'entomologie ; mais je ne puis me dispenser d'insérer les noms suivans; je rappellerai en même temps qu'ils m'ont été fournis parle savant et infatigable M. Banon , professeur de chimie phramaceutique à l'hôpital milïtaire de la marine du port de Toulon.
Noms de quelques insectes Coléoptères, pris dans les invirons d'Hyères.
Cicindela circumdata , scalaris. — Drypta cylindricollis. — Zuphium olens. Cymindis lineata. — Dromius meridionaiis , corticalis.
— Lebia fulvicoUis, rufipes , cyathigara. —
Brachinus psophia , bombarda. — Scarites pyracmon , planus, arenarius , terricola , lœvigatus. — Ditomus calydonius , capito.
— Apotomus rufus. - Carabus alternans, id varietas olbiensis , clathratus. — Chlœnius dives , chrysocephalus. — Epomis circumscriptus. Pogonnus pallidipennis, liltoralis, gilvipes , riparius, meridionalis, lestaceus.
— Patrobus rufipennis. - Calathus lalus.
— Pristonycus oblongus. - Argutor barbarus. — Daptus vittatus. - Gynandromorphus etruscus. — Harpalus subquadralus, patruelis , solieri.
Nogrus griseus. — Scutopterus coriaceus— Colymbetes aquilus , basalis , brunneus.
— Lacophilus variegatus, noterus lœvis. —
Hydroporus cristatus, margiuatus.
Slapbylinus rufimaous, distingendes. —
Cafius littoralis — Xantolinus méridional lis , punctatissimus.
Je jète en note (1) une autre série non
(1) Outre les coléoptères cités plus haut, on rencontre encore, à Hyères, les — Dicerea œnea. —
Eurythyrea micans. — Lampra festiva. — Agrilus bifasciatus. — Agrypnus atomarius.
Xyletinus cardui. — Dermestes vulpinus. -Hister major, inœqualis, binotatus, nigerrimus, semipunctatus, intricatus, dimidiatus — Dendrophilus troglodites. — Onthophilus sulcatus.
Platysoma angustatum.
Oryctes grypus , silenus. — Cetonia fastuosa } florentina. — Cœlodera excavata. — Pachypns truncatifrons.
Elenophorus collaris. — Asida meridionalis.
— Dendarus oblitus. — Heliophilus pedatus.
— Trachyscerlis aphodioides ; rufus. — Uloma castanea. — Helops cœruleus , rotundicolis. —
Cistela ruficollis, cœrulea. — Stenostoma rostrata. — Ripiphorus bimaculatus , subdipterus.
— Pelecotoma dufouri. — Mylabris crocata.
- OEnas afer. — Meloë Tuccia. — Zonitis mutica.
moins intéressante à connaître , toutes deux font voir une partie de nos richesses entomologiques , et complètent à peu près ce qui nous reste à dire sur ce sujet.
Brachycerus œgyptiacus, algirus, besseri. —
Otiorynchus armadillo. - Cleonis conicirostris, hyeroglyphicus. — Larinus flavescens, maculosus, turbinatus. — Sybines cyanea. - Lixus iridis, sobrinus, venustulus. — Rhina barbicornis. — Trachodes velutinus. — Baridius nitens, spoliatus.
Phloiotribus oleœ. - Bostrichus fici, retusus.
— Psoa Viennensis. Colydium glabrum, sulcatum, ustulatum. Cucujus striatus.
Hamaticherus miles, velutinus. — Certallum ruficolle. — Lamia funesta, tristis, lugubris. —
Saperda asphodeli , smaragdina. — Vesperus solieri, strepens , luridus.
Hispa aptera, testacea. — Clythra atraphaxidis, concolor, taxicornis, tripunotata, tristigma.
— Cryptocephalus gravis, humeralis, tamarici.
— Colaspis œruginea, barbara. — Timarcha latipes. — Chrysomela aurolimbata , femoralis, rotundata. — Galeruca sublineata. — Altica
solieri.
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AGRICULTURE.
Nous sommes arrivés à une époque où il n'est pas besoin de rappeler que l'agriculture est une des sources de la richesse dans un vaste état ; que si les encouragemens et la protection des gouvernans viennent à lui manquer4 l'état périclite et s'écroule. Dans l'intérêt de la science pratique, on doit favoriser la grande culture ; dans celui de l'état et comme fournissant davantage à l'impôt foncier, on ne peut se dissimuler que la petite culture ne doive mériter un appui tout particulier. Hyères et son terroir offrent plusieurs exemples frappans des avantages qu'on trouve dans les deux modes d'exploitation. Il s'y est formé des vastes propriétés dirigées avec ordre, économie , intelligence , par leurs possesseurs , riches sans doute, mais dont les revenus s'écoulent et se perdent , pour ainsi dire, en améliorations insensibles répandues
sur des portions de terrains d'une trop grande étendue, pour le peu de bras , qui se trouvent à la disposition des cultivateurs, ou dont le produit est appliqué presqu'immédiatement en acquisition et en augmentation de propriétés déjà trop vastes ; d'autre part, on y voit prospérer des biens fonciers , dont les limites sont fort resserrées , mais qu'activent et fécondent un travail et des soins continus.
Cependant, tout bien considéré , l'on doit dire qu'il y a progrès et amélioration dans la grande culture , et que l'autre est stationnaire ou à peu près. On peut expliquer cette singularité par la prédominance du caractère national, dans lequel on voit étouffer une vive et précieuse sagacité sous des habitudes et sous les prétentions d'un excessif amour propre. Ce que j'avance en passant n'est point particulier à Hyères, mais bien à toute l'ancienne Provence. Les défauts que je signalfe proviennent d'une cause qui se rattache à un fait historique aujourd'hui
reconnu. Ce pays s'étant long-temps trouvé en tête de la civilisation et du mouvement intellectuel et industriel des siècles passés, habitué qu'il était à donner des leçons et à être offert comme modèle aux peuples arriérés , n'a jamais pu se croire dépassé ou même dénationalisé. Il faut dire encore une chose qui palliera un peu le jugement juste et sévère que je viens de porter ; c'est qu'en général, en matière de culture , ( puisque c'est là le sujet que nous prétendons aborder ) tout ce que l'on écrit, invente ou propage dans le Nord , est inapplicable si l'on n'y apporte de très grandes modifications, sous notre 43e degré de latitude (1). Les essais infructueux tentés par les esprits qui s'éprennent aux choses nouvelles , ont cela de fâcheux qu'ils font presque toujours faire un
(1) Hyères est exactement situé sous le 43° 7' 23" de latitude, et sous le 23° 48' 41" de longitude.
pas rétrogradé aux masses qu observent , ou attendent les résultats. En effet, de tous ces instrumens aratoires perfectionnés et si répandus auj ourd'hui dans toutes les campagnes par de là le Rhône , de tous ces livres écrits à Paris , et pour les propriétaires ruraux de ses environs , on n'a pu faire fonctionner les uns que dans certains terrains privilégiés , et on n'a trouvé au fond des autres que des avis sans valeur dès qu'il s'agissait de leur application immédiate à la culture du Midi. Hyères, toutefois, fait partie des localités, peu nombreuses dans ces pays où les instrumens du Nord ont pu le plus facilement s'indroduire. Aussi avonsnous vu faire merveille à la charrue belge dans les marais desséchés de M. Dyvernois : à la charrue écossaise toute en fer dans les terres de M. Despines, à Carqueiranne, aux semoirs et aux herses à cheval dans la vallée de Sauvebonnc dont j'ai déjà cité les habiles cultivateurs ; mais le peuple et la
petite propriété , continuent à pousser l'araire (1) qui n'est autre que la charrue des Romains et des Grecs. Les trois quarts des terres sont labourés avec cet instrument ; l'autre quart est remué à bras ; toute la côte maritime , à partir de Marseille, qui lui a imposé sa civilisation et ses usages , suit le
(1) Le défaut capital de cette charrue provençale, qui a bien son mérite, quand elle travaille sur des terrains en pente dont il faut retenir au moins partie du sol, est de ne pas soulever toutes les terres dans la profondeur du sillon. Il provient de ce que le soc est élevé sur un morceau de bois que l'on nomme couchoun ou sep, qui traîne au dessous des oreilles du soc et qui les tient élevées ; un autre inconvénient procède de ce que la partie postérieure de la charrue au déversoir se hausse trop rapidement, ne coupe pas la terre à une certaine largeur et laisse par conséquent sur le sol inattaqué autant de parties élevées , dures et compactes , que la charrue a tracé de sillons, ce qui trompe le laboureur qui peut croire avoir soulevé sept pouces de terre, quand il n'en a remué que quatre ou cinq.
même mode depuis un temps immémorial.
Les instrumens qui suppléent a la charrue , ont tous plus ou moins la forme de la pioche du Nord. En tête de la liste on peut placer le béchard qui convient aux terres fortes et avec lequel on défonce les terres à une assez grande profondeur ; on s'en sert aussi pour cultiver la vigne : c'est une pioche à deux dents , légèrement courbées , ayant chacune 330 mill. de longueur sur 24 de largeur , dont le manche placé obliquement fait avec le fer un angle d'environ 40 degrés ; le poids commun du béchard est de 4 kilog. Le seul défdut de cet excellent instrument réside peut-être dans le peu de longueur du manche , qui force le travailleur à se tenir continuellement courbé.
Après lui vient le magaou , qui lui est fort inférieur et qui ne convient guères qu'à la culture des jardins ; la irinco , qui n'est point divisée en deux dents , mais seulement
échancrée dans sa largeur qui est de 152 mil.; le manche et l'angle qu'il forme sont les mêmes que pour le béchard. On se sert encore pour nettoyer les terres de l'eissado , de l'eiuadoun, l'eissadounet. Ce dernier instrument est une petite pioche à manche très court, à l'usage des femmes dans les sarclages d'été.
Mais de tous les instrumens aratoires dont on fait usage dans le Midi, celui qui présente le plus d'avantages et qui mérite une mention particulière , c'est celui qui sert à tailler la vigne. On le nomme en provençal poudadouire (1) c'est une espèce de serpe formée d'un tranchant presque droit, formant un angle de 90 degrés avec le manche, et d'un talon également tranchant, servant
(1) Ce mot vient du verbe provençal poudar, qui indique l'action particulière de tailler la vigne.
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à abattre toutes les pousses qui ont pris naissance au pied de la souche.
On conçoit facilement qu'un sol si productif ait besoin de beaucoup d'engrais , aussi sont-ils devenus l'objet de la sollicitude des agriculteurs : ceux qu'on emploie d'abord sont les fumiers d'animaux herbivores , chevaux , bœufs , vaches , cochons surtout, qu'on élève et qu'on propage uniquement dans l'intention de recueillir leur litière si promptement décomposée. Le produit des vidanges est recherché des jardiniers et hâte singulièrement la végétation des plantes légumineuses. Quant aux grandes proprités , elles sont alimentées, depuis quelques années , par les tourteaux de colza venus du Nord ; on en achète pour des sommes considérables. Mais à cette fumure vient de succéder , dans la vallée de Sauvebonne et du plan du Pont, la cornée c'est-à-dire raclure de cornes d'animaux ruminans , et même leurs os riipés , pilés ou broyés. Les résul-
tats surprenans, obtenus par M. Aurran, viennent de mettre ces deux engrais en faveur, et l'on cite tels de ces habiles cultivateurs qui en achètent annuellement pour quinze à vingt mille francs. Les métayers qui ne peuvent se procurer une assez grande quantité de matières propres à fumer ou bien à amender leurs terres, ont souvent recours au procédé de l'écobuage , il est excellent pour les terres argileuses. Quelques propriétaires ont essayé , mais sans que la chose ait pris faveur , d'amender leurs terres en enfouissant les tiges vertes des fèves , etc. etc, moyen recommandé par les théoriciens. Je ne doute pas qu'il ne soit possible de suivre , à Hyères , une autre voie pour diviser et préparer ces terres alumineuses si compactes , qui forment la base de la partie schisteuse de notre territoire. La marne doit immanquablement se rencontrer dans la partie calcaire , et l'on en trouve des affleuremens sur la montagne de la Maunière ; mais jus-
qu'à présent aucun agriculteur ne s'est occupé d'en faire extraire ; on semble ignorer ici totalement les précieuses qualités de cette substance, qui a la propriété non seulement de diviser la terre , mais encore d'absorber l'humidité de l'atmosphère. Des personnes instruites , lorsqu'il s'est agi de la préparation de terrains à mettre en prairie, ont cependant fait usage de gypse, de cendres et de chaux. Enfin, pour clore cet article, j'ajouterai que les pauvres possesseurs de quelques hectares de terrains , situés dans l'enclave des Maures et même ailleurs , manquant de bestiaux et par conséquent d'engrais , ont recours à ce qu'on appelle la messugue ; c'est tout simplement le ciste , plante arborescente, qui s'étend dans les bois ou couvre les collines. Son odeur pénétrante se rapproche ( surtout lorsque ce v égétal est en décomposition ) de certaines odeurs animales ; il contient assez abondamment du gaz acide carbonique ; on l'enfouit quelque-
fois seul après l'avoir haché fort menu, et plus souvent, quand on le peut, on le mêle dans cet état avec la paille , les jeunes lavandes , le serpolet, et l'on active la décomposition au moyen de l'hamidité. Cet engrais de la petite propriété a bien son mérite, et l'on ne saurait trop lui en recommander l'usage.
Céréales.
On ne cultive guères , à Hyères, que le froment d'hiver , triticum hibernum ; mais on a choisi parmi ses nombreuses variétés celles qui conviennent le mieux au sol et aux phases de la température. Ainsi dans nos champs s'élèvent pendant l'hiver et se dorent en été le blé commun, triticum sativum , le triticum maritimum et le triticum cœruïeum qui sont assez peu cultivés. Le blé d'Odessa commence à se répandre, et je l'ai vu semer à la Crau d'Hyères, dont le terrain semble lui convenir parfaitement.
L'avoine de Giens , avena sativa nigra , est renommée dans le canton et même dans les lieux voisins ; elle prospère dans les terrains très secs et fournit une excellente nourriture aux chevaux ; on devrait en étendre la culture dans les défrichemens des Maures. On récolte aussi l'avoine blanche , avena alba , qui est préférable à celle du Nord.
Les champs de seigle sont si peu nombreux qu'à peine peut-on les mentionner.
La culture de l'orge est peu répandue , à la réserve de la variété connue sous le nom d'orge distique , hordeum distichon , et appelée pomouro par les agriculteurs provençaux : on la coupe quelquefois en vert pour la donner aux bestiaux.
Le maïs , qui. offre de si beaux produits, ne croît que dans les jardins et dans ceux de nos champs où l'on sème parfois des plantes légumineuses ; quant au blé noir ou sarrasin, il est presqu'inconnu.
En général, on prépare les terres à re-
cevoir les semences de céréales par quatre ou cinq œuvres de labour. Les terres élevées et situées sur le penchant des coteaux sont travaillées les premières, et la maturité y estbeaucoup plus précoce que partout ailleurs: on a vu assez souvent récolter en mai, dans ces sortes de terrains où l'on ne jette guères que de l'avoine , de l'orge ou du seigle. C'est du 10 au 15 juin que commencent les autres moissons, qui trompent assez souvent, dans les années sèches ou trop pluvieuses , l'espérance du propriétaire. Le territoire d'Hyères ne fournit de fromens à la consommation que pour six à sept mois , et l'on n'y a pas la ressource des pommes de terre , dont les habitans se nourrissent peu , car elles sont en général de mauvaise (spèce et cultivées dans des terrains peu favorables; peutêtre, d'ailleurs , ne conviennent-elles pas à la constitution physique des populations du Midi, qui mangent moins de viande que celles du Nord ; on sait que les Anglais, les Fla-
mands, les Hollandais, les Allemands , qui se nourrissent communément des pommes de terre, y adjoignent toujours des viandes succulentes, telles que la chair du bœuf ou celle du porc.
Des prairies naturelles et artificielles (t) couvrent une partie du terroir , et nos foins , connus autrefois par leur détestable qualité , se sont singulièrement améliorés.
Les deux autres objets principaux de culture sont la vigne et l'olivier. La vigne , surtout , présente, à Hyères , une masse de produits considérables. Elle serait bien plus
(1) On ne saura it trop encourager leur augmentation et le soin à donner aux fourrages, tels que ceux fournis par la luzerne (medicago), le trèfle (trifolium), la gesse ( lathyrus ) , le sainfoin ( hedysarum ) ; cette dernière plante surtout pourrait se semer avec avantage dans les terrains arides de la contrée , calcaires ou pierreux, et surtout crayeux, dans lesquels ne sauraient prospérer le blé, l'avoine et l'orge.
avantageuse encore, si nos relations avec les étrangers redevenaient ce qu'elles ont été avant la restauration. A cette époque, Hyères exportait à Gènes, dans tout le Piémont et même dans d'autres parties de l'Italie pour une valeur de plus d'un million en vins grossiers ; aujourd'hui les vignobles ont augmenté , et les voies d'écoulement se sont resserrées. La production actuelle peut être évaluée , sans exagération , à plus de quatre-vingt dix-huit mille hectolitres de vins, produit de vignes répandues sur une étendue de 4,897 hectares 25 ares et 88 centiares. Les variétés cultivées sont au nombre de quarante - trois, parmi lesquelles on distingue le mourvede, la clarette, le barbaroux , le tibouren , la queue de renard, le muscat, le rivesalte , le teinturier , l'uni noir , le pascaou blanc, qui peut donner d'excellens vins blancs ; les lambrusques ou raisins sauvages fournissent aussi UQ vin de qualité remarquable ; mais il a besoin de beaucoup vieillir.
Le raisin de coteaux est supérieur à celui qui vient en plaine. Ce dernier contient moins de principes mucoso-sucrés, et par conséquent moins d'alcool et plus d'acide tartreux; il est en général plat et grossier. Les quartiers de Sauvebonne , de la Roquette , de SainteEulalie , quelques parties de celui de la Crau, Pansard , la Font des Hoirs et Carqueiranne, peuvent produire des vins d'entremets secs , puissans et liquoreux ; ils n'ont besoin que d'être plus connus pour être très recherchés ; ces vins, bien soignés, sont susceptibles de se garder fort long-temps : un voyage de mer les bonifie. J'ai déjà parlé de ceux de la plaine, je n'en dirai plus qu'un mot; c'est qu'ils sont achetés à cause de leur couleur , et que pour cette raison ils se vendent mieux que les vins fins qui d'ailleurs , ne sortent pas du pays. Sans entrer dans le détail des procédés de leur fabrication, j'ajouterai qu'ils pourraient les uns et les autres,
être faits et conservés avec plus de soins. La publicité donnée à la pernicieuse coutume d'y mêler du plâtre ou de la chaux vive, pourra peut-être concourir à faire tomber une pratique (1) qui repose uniquement sur des erreurs chimiques , et qui peut avoir de graves inconvéniens pour la santé.
L'olivier (2) est depuis si long-temps na-
(1) Les plus déraisonnables mèlent le plâtre ou la chaux aux vins qui sortent du pressoir, dans la proportion d'un décalitre par boute, c'està-dire 576 litres. C'est, disent-ils, pour faire levain ou augmenter la fermentation.
(2) On plante d'ordinaire l'olivier après l'avoir greffé en pépinière. D'autres fois , on arrache des drageons de l'olivier sauvage, et mieux encore de vieux oliviers greffés; on a soin de laisser un peu de racine, et l'arbre vient vite et bien. Ceux provenus de semence donnent rarement leurs produits avant quarante ou cinquante ans : mais en revanche ils peuvent vivre plusieurs siècles et le froid ne les détruit jamais entièrement : ils repoussent des racines , et ces nouveaux jets remplacent le vieux tronc qu'on s'est vu forcé
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turalisé en Provence , du moins sur les côtes maritimes , qu'on peut dire aujourd'hui que cet arbre est indigène. Il est subdivisé en variétés bien distinctes , et on cultive , à Hyères , sept à huit d'entr'elles. L'olivier
d'abattre. Qu'il provienne de drageons ou de semis, on n'en est pas moins obligé de greffer l'olivier. Cette opération se pratique , à Hyères, en avril ou en mai. La greffe en coin', appelée broque , et celle en écusson sont en usage ici depuis un temps infini et donnent de bons résultats.
L'olivier se plante généralement à dix mètres de distance, et l'élaguage a lieu tous les deux ans, afin que son ombrage ne nuise point aux vignes parmi lesquelles il croît et prospère , puisqu'il profite des nombreuses façons qu'on leur donne.
L'arbre fleurit en avril et permet de récolter en novembre et en décembre. Le produit est toutefois assez précaire et surtout extrêmement variable. On attribue , à juste titre , ces résultats aux phases de la température ainsi qu'aux nombreux insectes (*) qui attaquent et le tronc et
(*) Ces insectes sont le cynips o!eœ, une espèce de cassida el un stapliilin. Le premier détériore le fruit ; les deux autres s'attachent à l'écorce et se nourrissent de la sève de l'arbre.
brun ( olea vulgaris ) et l'olivier à grappes ( olea fructifera) étaient parvenus, avant l'hiver de 1820, à la hauteur des plus grands arbres de nos campagnes. Ces deux variétés ont de grands rapports ensemble. La troisième s'appelle pense; l'olive est plus petite et la feuille plus étroite que les précédentes ; l'olive du caïon ( olea nostrala ) est la plus estimée et mérite de l'être ; elle donne la meilleure huile de table. Il existe , en outre, deux variétés d'oliviers qu'on pourrait presque appeler sauvages , car elles demeurent à peu près sans culture : ce sont l'olivier de Provence , olea europea et Yolea sylvatica.
L'huile qui en provient passe pour être de qualité superfine. Quant aux autres, elles sont destinées à être conservées dans la saumure et à être mangées vertes. C'est l'olive co-
le fruit ; et l'on peut affirmer que la récolte ne peut être regardée comme complète que tous les trois ou quatre ans.
lombane ou de Belgencier , olea colombana et l'olive ronde bomboïdes, qu'on récolte dans ce bnt. On trouve quelques plans , mais peu répaudus , d'une dernière espèce olea fructulongifera, en provençal bigarro; la forme de son fruit est allongée et légèrement recourbée ; elle perd promptement sa couleur verte , mais elle est plus délicate et plus succulente que les deux que je viens de citer.
Je ne m'étendrai pas davantage sur les oliviers ; mais on peut dire que les propriétés rurales où croissent le plus grand nombre de ces arbres , passent pour être encore des plus estimées ; ils sont compris dans un espace de 647 hectares, sans compter ceux qui se trouvent mêlés aux vignes, et qui tiennent leur place à Hyères dans une étendue de 2298 hectares 16 ares 8 centiares. Les meilleures huiles sont fabriquées dans la contrée calcaire ; on évaluait, avant 1820 , le produit des oliviers à la somme annuelle de 800 mille francs.
Après l'olivier , le figuier est l'arbre le lus multiplié dans les campagnes. Ses racines a'étendant beaucoup et nuisant à la végétation des autres grands végétaux , on commence avec raison à ne le planter qu'au bord des champs. Le revenu qu'on en tire , était autrefois plus considérable qu'il ne l'est à l'éppque actuelle, mais le fruit vendu surtout comme fruit sec, offre encore de bons bénéfices. Avant l'hiver de 1820 , on récoltait annuellement, à Hyéres , à peu près 500 quintaux de figues sèches , cueillies sur huit à dix variétés de figuier, S'il faut en croire les historiographes du pays, ce serait au roi Réné , de populaire mémoire, qu'on devrait l'introduction et la culture du mûrier blanc , déjà depuis longtemps répandue en Sicile. Toutefois, il y a de fortes raisons pour croire que cet arbre croissait aussi en Provence , mais qu'on ne l'utilisait point. Encouragés par la protection de Réné , et plus tard par celle de Henri IV ,
les cultivateurs s'en occupèrent enfin sérieusement. A Hyères , comme partout ailleurs , les guerres civiles , et la difficulté de se débarrasser avantageusement des produits firent abandonner ce genre d'industrie agricole, jusqu'à ce que le gouvernement, en 1813 et 1814 , comprenant la nécessité de se débarrasser du tribut payé annuellement à l'Italie , et de la sujétion où se trouvent les fabricans français d'avoir recours aux soies de ce pays , eut tenté , au moyen de primes assez considérables , de réveiller , dans le département du Var surtout, les bonnes dispositions que se sentaient les habitans pour reprendre la culture du mûrier. La quantité plantée depuis cette époque , dans le territoire d'Hyères, est fort considérable ; cependant les grands produits qu'ils promettent sont encore dans l'avenir. On cultive , à Hyères , quatre ou cinq variétés de mûriers, et presque tous les terrains leur sont favorables. On a essayé sur une échelle assez grande
la culture des pourrêtes ou mûriers de semis non greffés ; mais les résultats n'ont point été satisfaisans. La même personne a introduit dans le pays le morus multicaulis, qui se propage de boutures , et dont la feuille est large, fine et soyeuse. Le ver à soie la mange avec plaisir, et les cocons , qui résultent de cette nourriture sont aussi beaux que les plus recherchés ; le morus multicaulis se taille tous les ans comme la vigne , et aux mêmes époques , et ses pousses atteignent annuellement la longueur de huit, dix et même douze pieds.
Un terrain légèrement humide convient à ce mûrier ; partout ailleurs il souffre et se développe mal.
HORTICULTURE
L'horticulture , proprement dite , n'est point seulement l'art de cultiver les jardins pour leur faire produire uniquement des plantes potagères ou des fruits succulens. Le nord
de la France lui a assuré une autre direction; le midi est en arrière ; on compte à peine une vingtaine de jardins d'agrément, entre Marseille , Aix et Toulon. A Hyères, les jardins ne sont renommés que par la culture des orangers ; mais là , jusqu'à présent, semble s'être bornée l'industrie horticole, et cependant nulle contrée n'est mieuxsituée pour l'acclimatation des végétaux exotiques ou des plantes d'ornement de toute espèce. Un seul jardin fait exception (1) : dans une portion uniquement réservée à l'agrément, on cultive , en pleine terre , le pittosporum sinense , déjà acclimaté , le celastrus pyracanthus ; le casuarina equisetifolia , arbre de la Nouvelle-Hollande, qui a atteint, à Hyères , une hauteur de près de trente pieds, et qui peut être regardé
(1) Le jardin Filhe aujourd'hui Farnous, dont le parterre est cultivé par le sieur Rantonnet, membre correspondant de la société d'horticulture , chez lequel on peut se procurer une foule de graines précieuses et nombre de végétaux exotiques déjà acclimatés.
comme le plus beau de ceux qui végètent en Europe ; les cineraria platanifolia , eucalyptus diversifolia, qui résistent à peine à nos vents violens : les polygala speciosa , yucca aloïfolia , melaleuca linarifolia , acclimatés , et sur lesquels on trouve une notice assez étendue dans les Annales de la Société d'horticulture; le phlomis leonurus, salvia mexicana, visnea mocanera , datura arborea , phytolaca dioica, laurus indica , connu des Anglais sous le nom d'acajou de Madère , végétaux , grands et petits , qui ont supporté un froid de plus de cinq degrés. Toutes les variétés de nerium oleander prospèrent à Hyères depuis plus de douze ans.
Le cassia corymbosa , l'agapanthus umbellatus sont en pleine terre depuis la même époque; et en consultant nos tableaux météorologiques , on pourra voir à quels degrès de froid ils ont résisté. Le bignonia pandorea , la famille des cactiers fournissent aussi des variétés qui croissent en pleine terre et
ne redoutent point nos hivers ordinaires , on peut nommer l'opuntia minor, le cactus peruvianus, le monstruosus , le mammilaris , le cylindricus serpentinus, qui meurt à cinq degrès ; le flage.'li formis , qui est un peu moins délicat , et le phyllantus, qui a besoin de l'abri des murs.
Si de là je passe aux balisiers , que garantissent les moindres couvertures, on trouve les canna augustifolia , coccinea , edulis , flaccida , indica, iridiflora , lutea nepalensis , speciosa (1) , variabilis. Le chamerops humilis ou le palmier évaDtaiI, végète ici comme en Afrique ; quant au phœnix dactylyfera , palmier-dattier, tout le monde peut le voir s'élever majestueusement et en nombre, dans un des plus beaux jardins situé à l'entrée de
(1) La canna speciosa se fait admirer en étalant ses plus belles fleurs quand nos hivers ne sont pas trop rigoureux.
la ville. Et l'auteur de cet ouvrage en a fait planter plusieurs sur la grande place qui , en prenant un rapide accroissemant , donneront bientôt à cette partie de la ville un caractère particulier. C'est dans l'enclos cité plus haut qu'on a commencé à récolter, il y a environ cinq ans , sur un arbrisseau intertropical , cultivé en espalier , des fruits de grosseur telle, que chacun d'eux pesait quatre onces ; c'est le psidium pyriferum ( Lin. )
gouyavier. Depuis long-temps le mespilus japonica y donne ses fruits précoces, et c'est de ses noyaux que proviennent tous ceux qui sont maintenant si répandus dans nos jardins.
Nous ne nous arrêterons point aux magnifiques magnolia grandiflora, qui s'y font remarquer; ainsi que dans celui de M. Filhe. Le laurier , les cannes à sucre , placées à l'exposilion du midi, viennent abondamment : si dans les grands hivers on est forcé de les couper, leurs tiges repoussent du pied. L'a-
rum colocasia (1) résiste aux froids les plus rigoureux , si l'on garantit ses tubercules , substance alimentaire de bonne qualité, en les buttant, ainsi qu'on le fait pour les câpriers. Le justicia adhatoda, ou noyer des Indes, a semblé périr en 1829, sous un froid de cinq degrés ; mais l'année suivante , du pied de cet arbrisseau on a vu repousser de nombreuses tiges qui sont aujourd'hui remarquables par leur force de végétation. L'hibiscus mutabilis est dans le même cas. Quant au jasminum triumphans, on peut le dire acclimaté , ainsi que l'houstonia coccinea. Les
(1) Le fruit du mespilus japonica, nefflier du Japon ou bibacier, est déjà une véritable conquête de l'horticulture. Nul doute que d'ici à quelques années l'arbre ne fasse communément partie de nos vergers , et que nous ne soyons en état d'approvisionner de ses fruits les marchés de Toulon et de Marseille. Voyez, pour l'histoire de ce végétal, les Annales provençales d'agriculture de 1833.
ognons de diffèrens glayeuls repoussent annuellement , et parmi eux on distingue le gladiolus trtstis , et une grande quantité d'amaryllis apportées des pays non loin de l'équateur , ainsi que les pancratium , les oxalis , et les ornithogales. Un des arbres les plus remarquables parmi nos exotiques , le schinus molle a résisté à un froid de cinq degrés , ainsi que le zanthoxillum trifoliatum , ou bois de poivrier , arbuste demi - grimpant qui , comme l'arbre précédent a l'odeur du poivre.
Les daphne collitta sont acclimatés ; le metrosideros a résisté aussi à l'hiver de 1829 ; l'acacia farnesiana prospère dans ce jardin et dans d'autres (1)
(1) On ne peut s'empêcher de faire remarquer ici que, depuis plus de quinze ans, le conseil général du département du Var, a émis le vœu de voir le gouvernement rétablir , à Hyères, un jardin d'acclimatation pour les végétaux exotiques. Un mémoire fort bien fait, ouvrage de M. Gilbert, exsecrétaire de l'académie de médecine de Paris, a
Après avoir fait connaître les végétaux déjà acclimatés , ou qu'on peut regarder comme tels, on ne trouvera pas déplacé que j'en indique rapidement quelques autres qui ne peuvent manquer un jour de se naturaliser sur notre sol. De ce nombre sont le laurus pcrscpct, qui a déjà supporté un froid de quatre degrés, sans qu'on pût s'apercevoir qu'il en eût souffert ; le bambou, planté il y a environ cinq ans , en avril et à l'abri d'un mur , a donné dans la même année des tiges de quinze à vingt pieds de long, et d'un diamètre de deux pouces. L'andropogon squarosum,
aplani toutes les difficultés, et a prouvé d'une manière irréfragable , qu'une fois établi le jardin pourrait se soutenir par le placement annuel de ses produits, et finirait par lutter avantageusement, au bout de quelques années, avec les grandes pépinières de Tarascon , d'Avignon et d'Annonay, les seules qui puissent s'occuper de la culture des arbres du Midi et cela avec bien des restrictions.
le vetiver de l'Inde , qui est moins délicat et qu'on a confié à la pleine terre, il y a environ neuf ans , donne des touffes remarquables par leur belle croissance. Un pied d'ananas , provenant d'une couronne mise en pot a passé deux hivers dehors sans succomber au froid de cette saison ; un abaissement subit dans la température , à la fin de mars , le tua , mais il est probable qu'un plant déjà fort eût résisté. Le ficus elastica, remarquable par son port et surtout par ses feuilles lisses et larges , est susceptible aujourd'hui d'être un objet d'expérience ; un pied de cet arbre , en pot et fort jeune, n'a pas souffert même dans ses feuilles d'un froid de plus de trois degrés. Le bananier (1) musa,
(1) A Nice, où l'on s'occupe davantage d'horticulture, on a vu quelques uns de ces beaux végétaux s'élever en pleine terre à l'abri d'un ou deux murs. A Hyères, où un seul individu, à qui je dois une grande partie de ces détails , le sieur Rantonnet, est seul à les cultiver, on n'a pas
paradisiaca et sapientium , fructifient en serre non chauffée. Les ananas sont dans le même cas, et ils n'ont besoin , pour le développement des fruits, que de la chaleur artificielle de la tannée , dont on remplit les bâches.
Enfin , passons à l'arbre qui fait la réputation du sol et du climat d'Hyères , e qu'il me soit permis d'entrer à ce propos dans quelques détails qui complètent l'article in.
téressant que je suis sur le point de terminer.
On ne sait trop , en vérité , dans quel ouvrage M. Gensollen , auteur d'une brochure intitulée : Essai historique, topographique et médical sur la ville d'Hyères , imprimée en 1820, a trouvé qu'un sieur Arène introduisit l'oranger dans ce pays seulement en 1640, tandis qu'il nous serait si facile de citer un
encore tenté l'essai, qui ne pourra réussir que si l'on sacrifie un sujet déjà haut et vigoureux.
grand nombre de vieux géographes ou d'historiens qui ont écrit avant l'époque indiquée, et qui tous sont d'accord pour parler avec enthousiasme des palmiers, orangers , citronniers et poivriers qui font d'Hyères une espèce d'Eden , exagération poétique qui porte le cachet du temps et de ses écrivains, mais qui n'en indique pas moins une date beaucoup antérieure à celle précitée. Qu'on veuille bien se rappeler la description du voyage et du séjour de Charles IX en 1566(1); la grosseur , évidemment exagérée , des arbres qu'il vit à Hyères , ces fontaines où coulait l'eau de fleurs d'orangers , qui devait être aussi abondante que de nos jours , sinon plus, et l'allégation de M. Gensollen tombera d'elle-même.
Assigner , dans les temps anciens , une année précise pour l'introduction de ces ar-
(4) Par Abel Jouan.
bres venus d'Asie, est une tâche tout aussi impossible qu'il était ridicule de l'indiquer , comme aussi rapprochée de l'époque actuelle.
Ainsi, sans m'arrêler davantage à ces détails oiseux, j'entrerai en matière par quelques notes sur la culture des orangers (1) et le produit qu'elle offre.
Je le répète , je n'entends parler que des genres et des variétés d'orangers cultivés en assez grande quantité pour fournir des fruits au commerce ; quant aux autres , il en existe seulement quelques pieds , soit dans le jar- din Filhe, soit dans le jardin Beauregard ;
(1) X. Gensollen indique, comme cultivées 4 Hyères, vingt variétés d'orangers et trente-une de citronnieis. Des recherches nouvelles , faites avec soin, nous donnent un chiffre beaucoup moindre pour les premiers ; et l'on peut dire que les citronniers spnt tellement négligés comme arbres de rapport, qu'il serait presque inutile de mentionner les dix ou douze variétés éparses et comme perdues au milieu de nos jardins.
et en effet, on peut bien en compter, ainsi que l'a fait M. Gensollen dans sa notice, au moins de vingt à vingt-cinq espèces , de même qu'on peut admettre trente variétés de citronniers , limettiers , etc.
Je citerai donc 1° le citrus aurantium lusitanicum (1) , le plus répandu et celui qui donne les meilleurs fruits.
20 C. A. vulgare, oranger franc, qui est regardé, ainsi que le dit fort bien M.
Risso , comme le type de tous les autres orangers à fruits doux.
(1) Sans m'engager dans une dissertation nécessairement incomplète et inutile par ce seul fait, sur les pays dont nous viennent le bigaradier , le citronnier et l'oranger à fruit doux, je dirai et j'apprendrai à ceux qui ont écrit sur ces matières, si savamment traitées par MM. Galesio et Risso, que le nom générique de l'oranger, norandji, n'est ni persan ni arabe , mais purement sanscrit, et que les plus anciens dictionnaires de cette langue antique en font foi. Je n'ai pas sous les yeux les ouvrages nécessaires pour m'as-
3° C. A. sinense, qui donne l'orange chinoise.
4° C. A. hierucunticum, orange à pulpe rouge.
5° C. A. rugosum, oranger à fruit rugueux , variété qui offre le plus de chances
surer si ce mot a passé dans le persan, par la filière du Zend et du Pelhvi, mais je suis certain que les Portugais l'ont emprunté aux Hindous.
Au reste , la plupart des auteurs qui ont assigné à cet arbre une autre patrie que l'Inde, se contredisent ou s'appuient sur des fables. Théophraste , trois cent trente ans avant Jésus-Christ, en parle sous le nom de pomme de Nubie ; Celius le fait venir des montagnes de la Mauritanie , probablement par respect pour la fable d'Atlas.
Flavien Josephe et Dioscorides le font voyager de la Perse en Palestine. Pline, le premier lui applique le nom de citrus; il semble, comme Théophraste qu'il répète , n'avoir décrit que le bigaradier. A quoi bon tant de pages écrites pour ou contre : l'oranger ne peut-il être originaire et croître dans plusieurs contrées différentes, ainsi que beaucoup d'autres arbres.
d'heureuse acclimatation hors de la zône dite des Jorangers.
6°C. A. tardum. tardif, à fruits très déprimés, et avec indice de superfétation.
7° C. A. carnosum , à fruit charnu , écorce ferme, épaisse , adhérente à la pulpe, laquelle se divise en dix ou douze loges. Son suc est doux mais peu abondant. Les confiseurs le préfèrent à cause de l'épaisseur de son écorce.
Dans nos contrées, l'oranger proprement dit n'atteint guères que sept , huit et quelquefois neuf mètres de hauteur ; on le tient même bas, tout exprès , dans les jardins plus exposés au froid.
Avant de passer au bigaradier , qui constitue un genre bien tranché , comme chacun le sait , j'ajouterai que le bel arbre sur lequel je viens de donner quelques notions indispensables , se greffe sur un sauvageon dont les boutures subissent cette opération la seconde année de leur séjour en terre , et qu'à
partir de cette époque , il faut attendre quinze ou seize ans , ce qu'on peut appeler en ce pays la récolte complète. On doit évaluer alors à deux cent ou deux cent cinquante mille francs le produit des arbres répandus sur une surface de 91 hectares 9 ares 80 centiares , où ils se trouvent cependant entremêlés pour la plupart aux pêchers et aux abricotiers, dont le revenu est moins considérable, mais aussi moins précaire (1).
(1) Un tel résultat paraît, au premier coup d'oeil , si lucratif, que beaucoup de personnes se laissent éblouir par lui, et qu'elles oublient les grands froids de 1564, 1709, 1765, 1789 , 1814 et 1820 ( le plus désastreux de ces hivers ), qui firent périr ces arbres presqu'en entier. Elles ne font pas attention à ce que, dans certaines années, dès que le thermomètre, marque deux degrés au dessous de congélation, la récolte se trouve perdue si elle est encore pendante ; et enfin, elles ignorent ou semblent ignorer que le produit, qu'on pouvait évaluer autrefois à plus de 350 mille francs, diminue d'années en années par l'introduction des oranges étrangères qui,
Je passerai rapidement sur les bigaradiers et citronniers , parce que, comme je l'ai déjà dit, ils ne sont pas, à proprement parler , un objet de grande horticulture. Ainsi sont cultivés , sans que le commerce des fruits en retire grand avantage , le bigaradier ordinaire, citrus bigaradia; le bigaradier à fruit corniculé , C. B. cornÙulala: l'oranger bouquetier, C. B. florifera ; le citronnier ordinaire , citrus média ; le citron long , citrus oblonga ; le citron du Portugal , citrus Lusitanica , citrus mellarosa ; le limon cédrat ou poncire de SanRemo , limon citratus ; le citron pomme d'Adam , pomum adami ; le bergamotier , citrus bergamium ; enfin l'arbre connu à Hyères sous le nom ridicule d'hermaphro-
en 1822 , ont vu baisser de moitié les droits qui pesaient sur elles. On jugera, par le tableau suivant , de la valeur imposée aux jardins d'orangers et de leur classification (*}.
(*) ÉTENDUE ET CLASSIFICATION DES JARDINS D'ORANGERS.
:-.;:=-:y;,-..z:-C-_-:'::TI:'F';::'!!'m"-""S- )! t!M—!t!!t~~mM~)~m~t~t~ l CONTENANCE. REVENU IMPOSABLE.
r ÉVALUATION i ! t par nature par nature I | j PAR c:r..1SSE. par nature PAR CLASSE. PAR CLASSE. par nature PAR CL\SSE. DE PROPRIÉTÉ. PAR CLASSE. PAn CLASSE. DE PROPRIÉTÉ.
bec. DE pnOPRIÉTÉ. DE PROPRIÉTÉ.
1 9 78 74 750 7.340 55 I - hec. ares cent. 500 9,265 00 I [ h. a. c. f I 3 34 41 HS 91 09 80 5X0 H.557 II ) 32,222 71 I 4 24 92 37 200 4,984 74
I 5 3 44 t4 ( 80 275 51
dite, mais mieux qualifié ailleurs par celui de bizarrerie , C. B. bizarria , se trouve dans presque tous les jardins. Son fruit participe de la nature de plusieurs espèces d'oranges , de cédrats ou de citrons , sans que ces variétés cessent d'être bien distinctes. On peut lire , dans les ouvrages de Galesio (1) et dans celui de M. Risso , des particularités curieuses sur la découverte et la propagation de cet arbre singulier. J'y renvoie le lecteur.
Les marchands , qui d'ordinaire achètent la récolte sur pied , cueillent les oranges avant qu'elles soient mûres, en novembre, décembre et janvier , et les expédient sur Paris , Lyon et Strasbourg , par caisses de deux cent quarante à deux cent cinquante , désignées , selon la grosseur
(i) Une lecture plus attentive de l'ouvrage de M. Galesio (traité du citrus ), m'a convaincu que cet auteur avait connu l'origine, sinon sanscrite au moins hindoue du mot orange.
des fruits, ('omme caisses d'extra-belles , passe-belles, belles et moyennes ; et enfin quelques unes contiennent jusqu'à trois censt fruits de moindre dimension , désignés sous le nom de mignonettes. Chaque orange
enveloppée d'une feuille de papier fin , placée avec soin dans la caisse , mûrit en routé, et arrive à sa destination, mangeable , et surtout parfaitement colorée, ce qui est le point important. Au commerce des oranges , il faut joindre celui des fruits d'été , fraises , abricots , pêches , prunes , qu'on expédie chaque jour de la saison et surtout comme primeurs , sur Toulon , Marseille et Aix. Les marchands de fruits m'ont assuré que les fraises seules étaient un objet de plus de cinquante mille francs de rapport. On estime à cent vingt mille francs le produit des autres récoltes, celui des légumes, artichaux et choux-fleurs surtout, peut s'évaluer aussi à une quarantaine de mille francs.
Ces beaux résultats , do ce qu'on peut ap-
peler le jardinage d'Hyères , sont dus en partie à la qualité du terrain , à la quantité de fumiers qu'on y jette , et surtout à des irrigations (1) bien entendues , qu'on pourrait étendre et perfectionner encore.
(1) Les eaux qui servent à arroser une partie du terroir d'Hyères, ne tombent pas de la montagne du Château , comme l'a dit Millin , et ainsi que l'ont répété ceux qui l'ont copié; elles sont conduites par un canal (*) construit en 1458, par les soins de Jean Natte, habitant d'Hyères, que les actes du temps qualifient justement du nom de vir peritus et ingeniosus. Ce canal , réparé plus tard aux frais de Rodolphe de Limans, n'est qu'un embranchement du Gapeau, petite rivière qui prend sa source près de Signes , coule du nord-ouest au sud-est, et se jette dans la mer un peu au dessous de l'établissement des Salins, après avoir servi à l'arrosement de toutes les vallées qu'il parcourt.
(*) Un mémoire inséré dans le recueil des Transactions de la société d'émulation de Draguignan, avance, sans preuves bien positives , à notre gré , qu'un aqueduc romain conduisait aussi des eaux d'arrosage du hameau des Aiguicrs, terroir de Solliès, jusqu'à Hyères.
INDUSTRIE ET COMMERCE.
Si, comme on vient de le voir, l'industrie agricole n'est point trop arriérée , à la réserve de grands établissemens , dont je vais me hâter de parler , l'industrie manufacturière et commerciale n'a point atteint, à Hyères , tout le dégré de prospérité dont elle a joui autrefois (1) , et pourrait lui sou-
(1) Voici ce qu'on lit dans un registre manuscrit de la communauté d'Hyères, daté de l'année 1698, et sous le titre de Remontrance aux commissaires de l'affouagement, contenant les raisons que la communauté a pour être diminuée des feux : « Et en effet, il n'y a plus aucune fabrique ni « manufacture dans cette ville , bien que autre« fois il y eut quantité de tanneurs , de chape« liers, de passementiers, de savonniers et autres « semblables mestiers, qui avoient leurs fabri« ques et manufactures bien établies et qui ac« tivoient un commerce très considérable ; tout « cela ayant déguerpi et quitté le pays, il ne nous « reste que des chirurgiens qui sont toujours fort
baiter aujourd'hui, dans l'intérêt de la population et surtout dans celui de l'accroissement de la classe ouvrière. Cette classe en effet est loin d'être assez nombreuse pour suffire aux besoins de l'agriculture et à ceux des nouveaux établissemens industriels , arrêtés courts dans leurs développemens.
L'établissement des Salins est sans contredit celui qui occupe le plus grand nombre de bras, et celui dont le revenu est le miebx assuré.
D'après le cadastre de 1830 , son étendue comprend 2,957,407 mètres carrés.
Les procédés de fabrication sont ici fort
« occupés, avec quelques apothicaires, quelques « méchants savetiers et quelques méchants tis- « seurs de toile qui ne savent faire que des toiles « unies et fort grossières, en façon (,ue lorsqu'on « veut faire des toiles de médiocre finesse ou « tant soit peu ouvragées, comme serviettes, on « est obligé d'aller à Toulon , à Soliers ou à « Cuers. »
simplifiés , gr4çe à une température assez constante et à l'action énergique du soleil qui activent l'évaporation de l'eau de mer répandue dans une certaine quantité de bassins , et y demeurant jusqu'à ce qu'elle soit parvenue au degré nécessaire pour être convertie en el dans d'autres bassins appelés tables , dont le fond a été soigneusement battu et préparé. Le terme moyen de la récolte, s'élève annuellement à 350,000 minots, qui correspondent à 17,500,000 kilog. Elle a lieu en août et septembre, et dans ce moment occupe de deux cents à cinq cents personnes.
Dans le courant de l'année , une cinquantaine d'ouvriers suffit aux divers travaux de mesurage , transport et réparations.
Si l'on ne peut préciser le chiffre du dividende qui revient à chaque actionnaire , au moins devra-t-on s'en faire quelque idée, quand on saura que le receveur principal des douanes perçoit une somme de 300 à 350.000 francs par an , sur les sels livrés à la consom-
mation. Un nouvel établissement vient de se former à côté de celui dont il est question , mais il est trop récent pour que ses produits puissent être évalués. Il promet , quoique assis sur des bases moins considérables , d'offrir des résultats proportionnels aussi bril- lans. La fabrication peu dispendieuse et fort lucrative du sel dans les deux établissemens réunis , s'étendra sur un espace de 315 hect.
61 ares , 50 cent. Les bâtimens suédois , norwégiens et russes et les fabriques de soude du littoral, entrent pour la plus grande partie dans les voies d'écoulement. Admirablement situées sur la pointe extrême des îles Portcros et Porquerolles, trois fabriques de soude factice s'alimentent des sels qu'on peut peut leur livrer à très bon marché, et dévorent tous les bois (1 ) du littoral, qui commencent à se dégarnir tellement , que je doute
(1) Ces bois comprennent une espace de 14,274
que d'ici à quelques années, ils puissent suffire à la consommation. Les deux fabriques de Portcros, qui jadis n'en formaient qu'une seule, ont cessé d'exister. Celle de Porquerolles , dirigée habilement par MM. Rigaud et Delpuget , a toujours présenté l'apparence d'une situation plus prospère. On estime à plus de 100,000 fr. par an la quantité de soude jetée dans le commerce et dirigée sur Marseille.
Trois distilleries absorbent tous les vins défectueux ou qui ne se vendent pas dans le courant de l'année ; elles s'emparent aussi des rafles ou résidus des récoltes nouvelles et les utilisent : les fabricans estiment qu'il
hectares 72 ares 97 centiares. Ils sont presque toujours la proie d'incendies partielles, ou tombent sous des coupes mal aménagées; ce qui rend leur produit irrégulier, et souvent nul.
faut dix hectolitres de vin (1) pour obtenir un hectolitre d'alcool pur, ou un hectolitre 89 litres d'eau-de-vie à 53 degrés centésimaux.
Au nombre des établissemens industriels les plus utiles du canton on devrait mettre aussi en première ligne la fabrique de soie de MM. Deloutte frères qui ofrrait un débouché prompt et facile pour les cocons prove-
(1 ) Les rafles sont représentés par le vin f c'està-dire qu'une boute ( mesure du pays qui équivaut à 576 litres ) compte pour une boute de rafles. La différence entre cette matière et le vin
1 est qu'il faut se hâter de l'employer aussitôt après la sortie du pressoir, parce que, d'après des expériences réitérées, on s'est aperçu qu'alors la partie alcoolique n'était point du tout ou se trouvait moins évaporée. Au lieu, par exemple, de 1,152 hectolitres, il n'en faut que 979 pour obtenir , en opérant avec les nouveaux appareils qui donnent l'esprit de droiture, un résultat de 5 hectolitres d'esprit à 84 degrés centésimaux, ce qui revient en alcool pur à un total de 4 hectolitres 20 litres.
nant des belles magnanières de nos plus grands propriétaires fonciers ; mais il ne faudrait pas qu'ils eussent à lutter chaque jour contre leurs propres ouvriers , ouvriers que ces fabricans ont été obligés d'attirer du dehors , et qui se font valoir en conséquence ; car on n'a pas encore trouvé , à Hyères , .des individus assez intelligens et assez laborieux pour pouvoir se passer de ceux qu'on fait venir à grand frais d'Avignon , Nîmes, Arles, etc.
La quantité de cocons récoltés dans le pays s'élève à 5200 kilogrammes qui, manufacturés , peuvent se représenter par une somme de (1) 25,000 francs.
Des moulins à huiles. des recenses , une fabrique de bouchons , quelques tuileries et
(1) Ce qui équivaut à 400 kilog. de soie. La fabrique pourrait filer annuellement 1200 kilog. ,
elle ne trouve donc dans le pays que le tiers de la matière première, et elle est obligée , pour le reste, d'avoir recours aux cantons voisins.
fabriques die poteries grossières , voilà à quoi se réduit l'industrie manufacturière (1 ) ; d'où l'on voit qu'il lui reste beaucoup à faire dans un pays où elle peut être favorisée par un
(1) ÉTAT DU NOMBRE DES PATENTÉS.
Voituriers 12. Boulangers 24. Charrons 5.
Appartemens meublés 7. Fabrioans d'huile 17.
Marchands de chaux 4. Marchands de comestibles 40. Marchands d'étoffes 6. Marchands de vin 10. Cabaretiers 1 1. Marchands de fruits 5. Maréchaux-ferrans 12. Perruquiers 15. Tailleurs 4.
Colporteurs 3. Menuisiers 21. Bouchers 8. Revendeurs de viande 3. Médecins 4. Horlogers 2. Bois 1.
Grains 2. Armurier 4. Peaux 1. Pharmaciens 3.
Peintres 2. Bouchonnier 1. Maçons 17. Tourneurs 5. Scieur de long. 1. Serruriers 4. Poissonniers 2. Cordonniers 12. Vanniers 3. Tisserands 5. Tailleur de pierre 1. Fourniers 12. Tonneliers 5. Chapeliers 2. Aubergistes 4. Fabricans de soude 2.
Chiffonniers 3. Quincailliers 2. Revendeurs 5.
Chaudronnier 1. Cordier 1. Bourreliers 4. Fabricans de poterie 3. Marchand de plâtre 1 Cafetiers 3. Débitans de tabac 2. Liquoristes 3. Ferblantiers 3. Marchand de cocon 1. Huissier 1. — TOTAL des patentés : 335.
cours d'eau aussi considérable que le canal de dérivation du Gapeau.
ÉTAT DES PROPRIÉTÉS BATIES.
MESURES EN SUPEfiFICIB.
Le nombre des maisons de la commune était, en l'année 1698 , de 638 maisons ; il est aujourd'hui de 1668.
Grandes routes , chemins vicinaux, rues , promenades publiques , cimetières , superficie des églises, des presbytères et de tous autres bâtimens d'utilité publique , 164 hectares 95 ares 9 centiares.
Rivières , lacs , ruisseaux , 192 hectares 34 ares 48 centiares.
Superficie des propriétés bâties imposables et des cours, 34 hectares 44 ares 48 cent.
Maisons, boutiques , magasins et autres bâetimens consacrés à l'habitation, au commerce et à l'industrie, 2064.
Revenu par nature. 46,919 fr.
Moulins à eau et à vent, 20.
Revenu par nature. 6,440 fr.
Fabriques, usines, manufactures, 30.
Revenu par nature. 9,117 fr.
Revenu total du territoire d'Hyères : 409,904,16 francs.
Je crois devoir donner ici l'extrait du rôle des contributions directes (1).
ÉDIFICES ET MONUMENS.
Il n'existe , à Hyères , ainsi que je l'ai déjà dit, aucuns monumens anciens , aucuns sou-
..--.
(1) fr. c.
Contributions foncièt-es 99,569 83 Idem portes et fenêtres. 9,401 70 Idem personnelle et mobil. 15,722 84 1 Idem patentes 9,562 85 1 ¡-TOTAL. IL54,057 | Frais d'avertissement j 187 80 1
venirs des arts romains ou grecs , tels que portes, sarcophages, tombeaux ; tout consiste en deux constructions du moyen-âge, l'une est l'Eglise des Cordeliers, qu'on peut classer avec quelques raisons parmi les rares modèles en France de l'architecture byzantine ; l'autre est l'Hôtel de la Mairie, autrefois connue sous le nom de la chapelle SaintBlaise, bâtie par les Templiers.
Jusqu'en l'année 1823, rien n'indiquait aux voyageurs la modeste demeure où était né l'évêque de Clermont : un étranger, un Anglais demanda et obtint la permission de l'indiquer à la curiosité publique ; et quelques lignes tracées à la pointe du ciseau sur une plaque de marbre gauchement encastrée dans l'une des chambres intérieures , furent longtemps le seul témoignage que le nom de Massillon était encore en vénération dans sa ville natale. Plus tard on obtint du gouvernement un buste du grand homme , buste que la munificence libérale d'un autre étranger , M.
Georges Stulz , permit de placer sur une colonne en marbre au milieu de la place Royale, tout auprès de l'église des Cordeliers.
Puis cet étranger lui-même, reçut à son tour un témoignage de reconnaissance de la part des habitans : par une haute faveur.
le conseil municipal de la ville , de son vivant et en son honneur , fit élever l'obélisque-fontaine qui décore la place des Recolets.
POPULATION.
Dans le grand travail de statistique générale dont la publication avait été autorisée par l'empereur Napoléon , en 1805 , le chiffre de la population d'Hyères , donné par M. Fauchet, préfet du Var , était de 6,528 individus. Plus tard, en 1816, il avait été porté à 7,897. Aujourd'hui on compte dans la commune d'Hyères 9,966 individus.
MOUVEMENS DE LA POPULATION.
MARIAGES.
En 1857. 87 En t 858. 87 En t859. 74 En <840. 88 En t S"L 82 TOTAL. 415
NAISSANCES.
En t837. 514 En t838. 314 En t839. 318 En 1840. 291 En t 841. 342
TOTAL 1,579
DÉCÈS.
En t857. 270 En t 838. 280 En 1839 310 En t 840. 305 En 1841. 372
TOTA: 1,637
DURÉE MOYENNE DE LA VIE.
M. Henri Bigeon , jeune homme d'une haute espérance qui s'était déjà fait connaître par des relevés exacts et des calculs statistiques piquans , quand une mort cruelle l'arracha à ses amis et aux sciences , s'était occupé d'un travail sur la durée moyenne de la vie dans l'arrondissement de Toulon.
Il a donc établi, d'une manière incontestable , que cette durée serait , à Hyères , de 28 ans pour les hommes et de 32 pour les femmes ; 2° que pour amener un mariage annuel , il faut, dans la même localité , 124 personnes , et enfin que les naissances correspondantes à 10 mariages, y sont de 44.
REVENUS ET DÉPENSES DE LA COMMUNE.
Les revenus ordinaires et extraordinaires de la commune peuvent s'évaluer à une somme
de quarante-cinq mille francs , et les dépenses à une somme égale répartie de la manière suivante : DÉPENSES OROlNAIRES.
Frais d'administration , d'impression , gages des agens , tels que commissaire de police , receveur , commis , greffier, sergens de ville, gardes-champêtres , gardes-forestiers , cantonniers , paveurs et fossoyeurs. 11,500 fr.
Charges et entretiens des biens communaux , chemins vicinaux et ruraux , promenades , aqueducs , ponts et fontaines , pavés , horloges, réparations annuelles aux maisons communales , éclairage de la ville, 11,900 fr.
Secours aux établissemens de charité, fonds accordés aux hospices , bureaux de bienfaisance , prélèvement pour les enfans trouvés ,
pensions pour les aliénés 11,300 fr.
Instruction publique. 6,800 fr.
Culte 2,100 fr.
Fêtes publ. et dépenses imprévues 700 fr.
FRAIS EXTRAORDINAIRES.
Dépenses variables qui se montent annuellement à une somme de 2 à 3000 francs et qui comprennent une distribution de secours à la classe ouvrière, pendant la mortesaison , réparations des chemins , quart de bourse à l'école normale.
Indemnité de logemens à des institutrices.
Ameublement de l'hôtel-de-ville.
Frais d'établissement de bibliothèque, etc.
Tel est, en masse , l'application des fonds communaux dont chacun peut voir et contrôler l'application.
ÉTABLISSEMENS DE CHARITÉ.
Il existe, à Hyères , un burean de bienfaisance et un hospice. Le bureau de bienfaisance jouit de peu de revenus fonciers ; mais il reçoit de la commune une allocation de deux mille francs.
L'hospice civil d'Hyères perçoit annuelle-
ment environ douze mille francs. Le tiers Ue cette somme provient des biens et des créances propres à l'hospice ; les deux autres tiers sont fournis par la commune sur les fonds de l'octroi.
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Près de mille enfans, distribués entre treize écoles autorisées, reçoivent, à Hyères , le bienfait de l'éducation primaire. Le conseil communal affecte à l'instruction une somme de six mille huit cents francs. Aussi cette instrustion est-elle gratuite pour plus de sept cents quarante enfans qui fréquentent la salle d'asile et les écoles , depuis l'âge de trois ans jusqu'à celui de quinze ou seize. Il existe, en outre , une école gratuite de dessin , où sont appelés à suivre le cours , à titre de récompense et d'encouragement, trente-cinq enfans choisis parmi les plus studieux et ceux qui montrent le plus de disposition , ainsi qu'un cours de musique instrumentale.
Ainsi ma tâche est achevée ; il ne me reste plus qu'un devoir à remplir ; c'est celui de remercier et de faire connaître ceux qui ont bien voulu m'aider dans mon travail en me procurant les documens qu'ils avaient à leur disposition.
Outre les manuscrits de la bibliothèque d'Aix, où j'ai puisé, il y a déjà treize ou quatorze ans, la plupart des notions historiques dont la vérité fait seul le mérite de mon ouvrage , je dois encore beaucoup à M. Victor Estalle, qui a entrepris et terminé une histoire d'Hyères , pouvant former plus de deux volumes in-8° ; à M. Mabille , ancien magistrat, dont l'ouvrage est aussi entre mes mains ; à M. Auffrain père , qui avait laissé un travail de même nature , lequel m'a été communiqué par le fils ; à M. Pareto , dont l'obligeance est au dessus de tout éloge. Mais si je témoigne ouvertement ma gratitude aux personnes que je viens de citer , je dirai avec la même franchise qu'il en est quelques autres
qui , dirigés par je ne sais quel esprit étroit de coterie, m'ont celé des pièces peut-être précieuses et qui eussent donné à mon livre un plus haut degré d'intérêt. Tel qu'il est je le présente avec confiance au public comme aux habitans d'Hyères , espérant qu'on y reconnaîtra , tout au moins , une oeuvre utile et consciencieuse.
m maiïiiaaîa DU
CLIMAT D'HYÈRES SUR LA CONSERVATION DE LA SANTÉ ET LA GUÉRISON DES MALADIES, par iît. le docteur eapte.
S'il est un point sur lequel les croyances populaires s'accordent avec les données les plus positives de la médecine, c'est celui de l'immense influence que les climats chauds , tempérés, non humides exercent sur la conservation de la santé et la guérison des maladies. De tout temps, chez les anciens comme chez les modernes, on a l'habitude d'envoyer les goutteux, les rhumatisans, les personnes dont la poitrine est délicate, les phtisiques ,
passer le semestre d'hiver dans certaines contrées du midi, qui réunissent à une chaleur douce et sèche l'inappréciable avantage d'être peu sujettes aux vicissitudes brusques de température. Les villes de Pise, de Nice, l'île de Madère, et en France, la ville d'Hyères sont les principaux lieux que choisissent tous les ans les émigrans des régions froides de la France, de l'Angleterre , de la Hollande , etc. La réputation de ces villes est bien méritée , car il n'est pas d'année qu'on ne voie revenir , de ces lieux favorisés par la nature, des malades qui n'avaient trouvé dans la médecine aucun soulagement à leurs maux et qu'un séjour de quelques mois dans ces heureux climats a rendus à la santé et à la vie.
Parmi ces lieux d'un air si pur et si salutaire , il en est un qui égale tous les autres par ses effets bienfaisans et que nous devons préférer, ne fûl-ce que parce qu'il est en France , c'est la ville d'Hyères ; heureuse
cité , à qui la providence , si sévère pour d'autres régions, a tout accordé : température douce , chaude et calme ; air pur et sec , embaumé par d'immenses jardins plantés d'orangers , de citronniers , de grenadiers que la terre produit comme ailleurs les sapins et les chênes ; végétation riche et exubérante, verdure perpétuelle, sites et paysages pittoresques et délicieux , qui rappellent les plus belles descriptions quelespoëtes nous ont laissées de certaines villes de l'Italie et de la Grèce. Je n'en dirai pas davantage sur ce sujet ; les lecteurs de cette notice médicale connaissent déjà mieux la ville d'Hyères que moi, après avoir lu la topographie si complète, si savante et si exacte que son éloquent député , M. Denis , lui a consacrée.
Je dois me borner , dans les quelques pages que l'auteur de ce livre veut bien m'accorder, à donner un petit nombre de conseils aux nombreux voyageurs qui vont passer l'hiver à Hyères, à leur indiquer les prin-
cipales maladies qui réclament le séjour dans cette ville , et les précautions qu'elles auront à prendre pour en tirer plus de soulagement et de profit. Mais avant d'entrer dans le fond même de mon sujet, je dois dire quelques mots sur l'influence de l'air et des diverses températures. Ces notions préliminaires feront mieux apprécier ce que j'ai à dire sur le climat d'Hyères, comme moyen de traitement et de guérison.
L'homme ne vit pas seulement des alimens et des boissons qu'il ingère , l'air qu'il respire lui est plus nécessaire encore , car il ne peut s'en passer un seul instant de sa vie ; cet élément perpétuel de son existence pénètre à chaque instant dans sa poitrine, se combine avec son sang qu'il colore et purifie , excite et anime toutes ses fonctions ; la compression qu'il exerce à la surface de son corps, est le principal agent de la circalation de ses humeurs. Mais cet ait si indispensable , ce pabulum vitœ, comme l'appe-
laient les anciens , entretient plus ou moins bien la vie et la santé, suivant les qualités dont il est doué. Ces qualités sont très variables ; la chaleur dont il est pénétré , l'humidité qu'il contient, l'électricité dont il est le seul propagateur , une foule d'exhalaisons et de matières étrangères peuvent le modifier de mille et mille manières ; de là des influences également très diverses sur la santé.
L'air le plus sain , le plus salutaire pour la conservation de l'homme , c'est sans contredit celui qui est sec , chaud , et qui éprouve le moins de vicissitudes de température. Cet air excite et anime les fonctions, augmente l'évaporation de la peau , et n'est pas moins utile à l'énergie des facultés intellectuelles qu'aux actes purement physiques de l'organisation.
L'air humide , au contraire , surtout lorsqu'il est en même temps froid et stagnant, est fort dangereux pour la santé et engendre une foule de maladies. Il diminue la trans-
piration , et augmente la faculté absorbante de la peau et la secrétion des urines ; il affaiblit et énerve la force musculaire. L'humidité dont il est imprégné , se communiquant plus facilement au corps , le fait paraître beaucoup plus froid qu'un air sec qui marquerait la même température au thermomètre ; mais ce qui le rend surtout dangereux ce sont les fréquentes vicissitudes auxquelles il expose, son impression étant trop pénétrante , on s'en garantit par des appartemens très chauffés ; lorsqu'on sort de ceux-ci sans être plus chaudement vêtu , et qu'on passe ainsi d'une température chaude et sèche à une température froide et humide, on éprouve une sensation vive de froid qui n'est pas toujours proportionnée au degré marqué par le thermomètre. De là , la suppression de la transpiration et par suite les coryza , les attaques de rhumatisme et de goutte , les rhumes , calharres et autres affections pulmonaires qui sont si communes en hiver dans
des régions du nord de la France, et en particulier à Paris.
Ces quelques mots suffisent pour faire pres sentir d'avance l'utilité du climat d'Hyères, pendant l'hiver. Ce climat est à la fois sec, chaud et beaucoup moins sujet aux vicissitudes brusques de température qu'aucune autre partie de la Frauce. Il doit donc être avantageux aux personnes dont les maladies ont été provoquées ou entretenues par des conditions opposées de l'atmosphère, c'està-dire , un air humide, froid et sujet à de fréquentes variations.
Les heureux effets du climat d'Hyères, que le raisonnement indique d'avance , se trouvent heureusement confirmés par une longue expérience , et nous croirions perdre notre temps , à prouver par de nombreux détails , ce qui est dans les convictions des médecins et du public. Nous nous bornerons à parler d'un petit nombre de maladies com-
munes contre lesquelles ce climat est plus particulièrement utile.
Poitrines délicates , disposition à la toux , aux rhumes , aux catharres pulmonaires, aux fièvres calarrhales.
Parmi les parties du corps.auxquelles un air humide et froid est particulièrement nuisible , les poumons occupent sans contredit le premier rang , car rien ne peut les garantir de sa funeste influence, à moins qu'on ne veuille se séquestrer de la société et vivre solitaire dans sa chambre au milieu d'une atmosphère artificielle ; mais quelles sont les personnes qui voudraient ou qui pourraient se condamner , à moins d'une absolue nécessité , à une pareille réclusion ? On sort donc pendant l'hiver comme dans les autres saisons , et à chaque inspiration d'un air chargé d'humidité et d'une basse température on est exposé à s'enrhumer, surtout si
l'on passe brusquement, comme cela arrive sans cesse , de la température chaude et sèche des appartemens à la température humide et froide de l'air extérieur. Il résulte de ces vicissitudes inévitables des toux et des rhumes continuels , surtout chez les personnes dont la poitrine est faible et délicate ou très irritable. Les grandes villes du nord , et surtout Paris, sont pleins de ce genre d'affections ; il y a même des hivers où plus d'un quart de la population est atteint de rhume , mais à des degrés très divers ; chez les hommes robustes , c'est ordinairement une indisposition passagère qui ne les empêche pas de vaquer à leurs occupations habituelles. Il n'en est pas de même de ceux dont la poitrine est délicate , irritable , impressionnable , ou qui ont éprouvé une plus forte influence de l'air extérieur ; leur rhume est accompagné d'une toux vive et douleureuse , de fièvre , de difficulté de respirer, et de tous les symptômes qui constituent les
maladies que les médecins nomment catharre pulmonaire, bronchite, fièvre catharrale. Ce qu'il y a de plus fâcheux pour ces malades, c'est qu'à peine sont-ils rétablis qu'ils s'enrhument de nouveau , sitôt qu'ils veulent sortir et reprendre leurs anciennes habitudes ; ils passent aussi leur hiver dans des rechutes continuelles. Nous dirons sans hésiter à ces personnes , si sujettes à tousser et à s'enrhumer : allez passer l'hiver à Hyères et vous serez tout étonniés de voir se dissiper, comme par enchantement , votre fâcheuse disposition. Quelques jours seront à peine écoulés , au milieu de l'air chaud et embaumé de cette vallée , que la toux , l'oppression et les autres symptômes qui accompagnaient votre rhume , disparaîtront avec une grande facilité , et vous serez surpris de pouvoir sans danger supporter des variations de température qui vous eussent infailliblement occasionné des rechutes dans des climats humides et froids. Votre guérison sera aussi
solide que prompte , pourvu que vous consentiez à prendre quelques précautions que nous indiquerons plus loin.Beaucoup de malades , qui sont dans l'état dont nous venons de parler , ne -veulent point se décider à aller passer l'hiver à Hyères , par la raison que c'est sans danger et qu'elles redoutent moins leur toux habituelle , que l'ennui et les fatigues d'un long voyage.
Ces personnes se trompent gravement ; leur disposition actuelle n'est pas dangereuse , sans doute , dans le moment , leurs poumons n'ont encore éprouvé aucune atteinte sérieuse ; mais avec le temps. le mal qui n'existe pas encore arrivera , la membrane muqueuse pulmonaire , sans cesse irritée , affaiblira l'organe de la respiration , et par suite 1 économie tout entière, et pour peu que ces malades soient disposés à la phlhisie pulmonaire, leurs rhumes continuels finiront par développer cette redouîahi malalio, dont ils auraient
été à jamais préservés par quelques hivers passés à Hyères.
Crachement de sang.
Le crachement de sang à la suite d'accès de toux , que les médecins nomment hémoptysie , est un accident sérieux , moins encore en lui-même , que par les craintes qu'il doit inspirer pour l'avenir. L'expérience prouve, en effet, que ce symptôme est bien souvent l'indice d'une phthisie pulmonaire imminente et toujours le caractère d'une poitrine faible et délicate. Il est beaucoup moins grave lorsqu'il est seulement l'effet d'un trop grand exercice de la respiration et de la voix ; tel est le crachement de sang qui se manifeste assez souvent chez les personnes qui parlent ou chantent beaucoup en public, tels que les professeurs , les avocats , les acteurs, les chanteurs, etc. Mais ces cas sont bien plus
rares que les autres et exigent d'ailleurs le même traitement.
Cette maladie est une de celles où le climat d'Hyères est le plus utile. Tous les ans en automne nous voyons partir de Paris, pour le midi, un grand nombre de pèrsonnes ayant éprouvé des attaques plus ou moins répétées d'hémoptysie avec de l'oppression et souvent de la toux. Ces malades se trouvent bien très promptement d'un climat chaud et sec ; la difficulté de respirer qui les tourmentait habituellement se dissipe au bout de peu de temps , leur poitrine prend de la force , elles peuvent parler plus long-temps sans fatigues ; beaucoup d'entre eux se rétablissent si complètement qu'ils peuvent faire de grandes pro menades et même gravir des montagnes sans être essoufflés. Leur coloration et leur embonpoint reviennent d'une manière étonnante. Ces personnes, après un ou deux hivers passés dans le midi, retardent indéfiniment ou même préviennent à jamais une phthisie
pulmonaire dont elles auraient fini par être les victimes.
Enrouement habituel , pcte de la voix, inflammation chronique du larynx.
Les personnes qui par leur profession font de grands efforts de respiration et de voix , et qui exercent beaucoup leurs orgaues vocaux et pulmonaires , sont très sujettes dans les pays humides et froids à contracter des enrouemens, des inflanmations chroniques du larynx et quelquefois des aphonies complètes ou pertes de la voix. Si ces malades, après les premières atteintes , se décidaient à garder long-temps le silence , le plus souvent ils se rétabliraient complètement; mais en général , ils éprouvent à peine une amélioration , que cédant aux exigences de leur profession , ils recommencent bientôt à prêcher, à plaider , à professer, à déclamer , à chanter , etc. , ils ne tardent pas à retomber, et
après plusieurs améliorations et rechutes alternatives , ils finissent par contracter un enrouement habituel ou même une inflammation chronique du larynx avec perte de la voix, qu'aucun moyen local en général ne parvient à dissiper. Il ne reste plus à ces malades d'autre ressource que les climats du midi , mais celte ressource est souveraine. Il est bien peu de sujets qui n'éprouvent promptement une grande amélioration de la respiration d'un air chaud et sec, et la plupart, après avoir passé un hiver à Hyères , retournent dans leur pays avec leur voix naturelle , ou du moins après avoir éprouvé une amélioration très marquée, qu'ils avaient vainement cherchée dans les moyens dont la médecine dispose.
Phthisie pulmonaire.
Il n'est aucune maladie contre laquelle on conseille plus souvent le climat d'Hyères que
la phthisie pulmonaire , maladie cruelle qui moissonne tous les ans une partie de la population , et qui, elle seule , fait presque autant de ravages dans les climats humides et froids que la plupart des autres maladies réunies. Les médecins donnent-ils ce conseil en désespoir de cause, comme beaucoup de personnes le pensent, et pour se débarrasser des malades que l'art est impuissant à guérir , ou bien l'expérience a-t-elle réellement constaté l'efficacité curative des climats chauds et en particulier du climat d'Hyères ? Avant d'examiner cette question , nous devons en traiter une autre qui la domine , celle de savoir si la phthisie pulmonaire peut être guérie ou si elle est incurable.
Les anciens et même les modernes, jusqu'à la fin du dernier siècle, citent dans leurs ouvrages un grand nombre de cas de guérison de cette maladie , obtenus par l'emploi de moyens très variés ; mais ces auteurs confondaient avec la véritable phthisie , qui
dépend du développement dans les poumons de petits corps d'un blanc grisâtre appelés tubercules, avec plusieurs autres maladies des mêmes organes , lesquelles sont très susceptibles de guérison. Dès le moment où cette découverte , due principalement aux travaux de Bayle , a été faite , les guérisons ont cessé et les médecins n'ont pas tardé à tomber dans cette désolante certitude que la phthisie pulmonaire était toujours incurable. Heureusement pour l'humanité , cette conviction était erronée, du moins dans ce qu'elle avait de général et d'absolu. Il n'est que trop vrai sans doute que cette redoutable maladie , parvenue à un certain degré , conduit au tombeau la presque totalité des personnes qu'elle atteint ; mais les travaux de Laennec , confirmés par ceux de beaucoup d'autres médecins, ont prouvé d'une manière certaine que la phthisie pulmonaire pouvait guérir par les seuls efforts de la nature , même
à une époque avancée de son cours. Lorsque cette heureuse terminaison a lieu, les excavations que renferment les poumons par suite de la fonte et de l'expectoration des tubercules dont nous avons parlé plus haut, se rétrécissent et se resserrent peu à peu et finissent par se cicatriser entièrement.
Mais le nombre des phthisiques qui guérissent dans la première période est bien autrement considérable , et ce nombre augmentera tous les jours davantage, à mesure qu'on s'occupera de bonne heure à combattre les causes qui concourent à développer et à faire naître cette cruelle affection. Les principales de ces causes sont une constitution faible , lymphatique, scrophuleuse , l'hérédité , une température froide et humide , et en général toutes les influences capables d'affaiblir le "orps en général et les poumons en particulier. Ces diverses circonstances donnent lieu à la maladie d'une manière lente et progressive , d'où il résulte qu'on a d'autant
plus de chances de succès qu'on les attaque plutôt. Lorsque les poumons ne sont pas encore atteints et que les malades ne présentent qu'une fâcheuse prédisposition à contracter la phthisie , on peut concevoir l'espoir presque certain d'en préserver le plus grand nombre de ceux qui voudront ou qui pourront se soumettre à un traitement convenable. Lorsque les premiers germes du mal se sont déjà développés dans les organes de la respiration t ce même traitement peut encore en arrêter les progrès et sauver un grand nombre de sujets. Mais , nous le répétons, ce n'est qu'à l'origine de la maladie, et à son premier degré, que cet espoir est fondé ; plus tard, tous les moyens échouent et les cas où la nature bienfaisante parvient à triompher elle-même du mal sont malheureusement bien rares.
Quel est donc , nous demandera-t-on 9 ce traitement auquel nous accordons tant d'ef-
ficacité contre la prédisposition à la plithisie pulmonaire et son premier degré? Ce traitement consiste essentiellement dans le passage d'un climat froid et humide à un climat chaud et sec, dans la respiration d'un air doux et pur, dans la nécessité pour les personnes à poitrine menacée d'abandonner pendant l'hiver nos contrées du nord pour aller passer cette saison dans le midi , et à Hyères en parlieulier.
Les preuves de l'importance du conseil que nous donnons ici sont trop multipliées pour qu'il nous soit possible de les énumérer.
Nous nous bornerons à une seule qui est des plus concluantes. Le docteur Renton , médecin de Madère, a publié un tableau des phthisiques qui ont passé l'hiver dans cette île pendant huit années.
Voici le résultat obtenu pour les phthisiques au premier degré : nombre de cas , 35.
Individus guéris ou soulagés à leur départ
de l'île, et dont on a eu ultérieurement de bonnes nouvelles. 26 Individus soulagés mais perdus de vue 5 Individus morts depuis. 4 35
- Le tableau des malades parvenus au second ou au troisième degré offre un résultat bien différent, car sur un total de 47 malades , tous ont succombé, à l'exception de trois dont on n'a plus entendu parler après leur départ de l'île.
Cette différence dans les effets obtenus du séjour dans les pays chauds, suivant l'époque de la maladie , doit faire sentir , mieux que tous les raisonnemens , combien il importe de combattre le mal dès son origine. On ne saurait donc trop se presser , lorsque les premiers symptômes se manifestent , d'aller passer l'hiver à Hyères ; c'est le seul moyen d'arrêter dans ses progrès une maladie qui plus tard n'offrirait plus aucune ressource.
Dana la seconde , et à plus forte raison daM la troisième période , on ne peut rleQ espérer d'un pareil séjour. A cette époque, les malades sont très faibles , une fièvre presque continuelle les dévore. Les fatigues inséparables d'un long voyage , le chagrin de quitter sa famille concourent encore à aggraver leur état, et le plus souvent les voyages entrepris dans df's circonstances aussi fâcheuses.
ont pour effet d'accélérer le terme fatal au lieu de le reculer. Nous conseillons vivement à ces malades de rester dans leur famille ; si la nature ou l'art peuvent quelque chose pour leur soulagement ou leur guérisoa , c'est dans leurs foyers qu'on l'obtiendra , plutôt que dans tout autre endroit.
Maladies rhumatismales.
Parmi la multitude de maladies qui affligent l'espèce humaine , il n'en est pa3 de plus commune , dans les pays froids et humi-
des , que les affections rhumatismales, surtout cellles qui sont vagues et chroniques.
On peut assurer, sans crainte d'exagération, que dans beaucoup de localités plus d'un quart de la population en éprouve quelques atteintes légères ou prononcées en automne et dans le cours de l'hiver. Il est vrai que souvent ces atteintes constituent plutôt des indispositions que des maladies , qu'ordinairement elles n'empêchent point de vaquer à ses occupations habiluelles ; mais il n'en est pas toujours ainsi. Ces affections , à peine ressenties ou nulles en été, reviennent dès les premiers froids et tourmentent les malades jusqu'au retour de la belle saison ; beaucoup d'entre eux sont même souvent obligés de suspendre leurs affaires et de se soumettre à un traitement ; et comme ces affections sont des espèces de protées, qu'elles peuvent affecler la plupart des organes et revêtir les formes les pins variées , les rhumatisans sont bien souvent exposés à ce que
la véritable nature de leur maladie ne soit point reconnue, et à ce qu'ils aient à supporter , en sus de leurs maux habituels , des traitemens longs, fatiguans et infructueux.
La diminution des fonctions de la peau , qu'une température froide et humide ne manque jamais de produire dans les climats du nord pendant l'automne et l'hiver. est la principale et peut-être l'unique cause de ces retours périodiques des affections rhumatismales dans ces saisons. Le seul moyen de les éviter et par conséquent de guérir les rhumatismes vagues , si communs et si opiniâtres , c'est de se soustraire aux causes qui les produisent et les entretiennent , c'est d'abandonner les climats qui les ont fait naî1re et d'aller passer l'automne et l'hiver dans un pays chaud et sec. Hyères , comme nous l'avons dit , remplit parfaitement ces conditions ; nous ne saurions donc trop conseiller à ces malades de consacrer quelques uns de leurs hivers à l'habitation de cette ville.
Nous pouvons assurer qu'ils y trouveront tous un soulagement considérable à leurs souffrances habituelles , et que beaucoup d'entre eux même seront radicalement guéris , pourvu qu'ils veuillent s'astreindre ensuite à quelques précautions hygiéniques indispensables.
Maladies goutteuses.
4 Ce que nous venons de dire des maladies rhumatismales s'applique en partie aux maladies goutteuses qui leur ressemblent sous tant de rapports. Quoique la goutte dépende essentiellement d'un état général de la constitution , qu'engendre surtout un régime trop nourrissant, trop succulent, principalement composé d'alimens tirés du règne animal ; cependant la transpiration exerce une grande influence sur cette maladie. Les babitans du midi y sont beaucoup moins exposés que ceux du nord ; les personnes ri-
ches et bien nourries qui se livrent à des exercices du corps habituels et qui par suite provoquent les fonctions de la peau en sont rarement atteintes , tandis que cette affection attaque surtout celles qui sont sédentaires. En outre, les accès de goutte sont beaucoup plus communs en automne et en hiver que pendant l'été. Toutes ces raisons prouvent combien il importe aux goutteux d'entretenir une transpiration habituelle , et de perdre, par la surface du corps , une partie de ces humeurs superflues dont la conservation engendre tant de maux et de souffrances. Envisagés, sous ce rapport, les climats du nord leur sont très nuisibles et ceux du midi très salutaires ; c'est ce que prouve l'expérience de tous les jours. Nous engagerons donc les goutteux, comme les rhumatisans, à passer leurs hivers à Hyères, leurs attaques seront moins fréquentes et plus légères ; ceux qui n'éprouvent que des douleurs vagues , habituelles ou passagères , re-
tireront surtout un grand soulagement de cet agréable séjour. Nous ne saurions, il est vrai, leur promettre une guérison radicale ; un pareil résultat n'est malheureusement pas commun , et exige un choix convenable et un heureux concours du régime, de l'exercice , du traitement interne et de l'habitation; mais c'est surtout au milieu d'un climat doux et sec que les malades auront le plus de chances de retirer du fruit du traitement des affections goutteuses.
Précautions à prendre pendant le séjour à Hyères.
Notre but, en rédigeant cette notice , n'a pas été de donner aux malades , qui, se ren.
dront à Hyères , les moyens de se traiter eux-mêmes et de se passer de médecin , cette pensée peu honorable pour moi serait très dangereuse pour eux. Aussi me suis-je bien
gardé de leur faire connaître les symptômes des diverses maladies que j'ai indiquées , et le traitement que chacune d'elles réclame.
Je leur conseille au contraire en arrivant à Hyères , de s'adresser de suite à l'un des médecins de cette ville, et surtout à celui à qui un long séjour dans le pays et l'habitude de soigner la plupart des étrangers qui vont y passer l'hiver, ont donné une expérience particulière et formé une sorte de spécialité.
Je veux parler de M. le docteur Allègre, médecin sage , instruit et consciencieux , dont le zèle et le dévouement pour ses clients est vivement apprécié par tous ceux qui ont eu occasion de le consulter à Hyères.
Je crois cependant devoir donner quelques conseils aux malades négligens qui auraient attendu quelque temps avant d'aller consulter M. Allègre. et qui, dans leur ignorance du climat d'Hyères, pourraient faire de graves imprudences pendant les premiers jours
de leur séjour et compromettre leur santé au lieu de la rétablir.
Beaucoup de personnes se font du climat d'Hyères une idée tout à fait fausse et imaginaire ; elles se figurent que la température de cette charmante ville est d'un calme , d'une douceur et d'une égalité parfaites, c'est là une grave erreur ; aucun pays du monde ne jouit d'un pareil privilège et l'on n'en trouve la réalité que dans les romans. Hyères présente , non seulement dans le cours de l'hiver mais encore dans la même journée , des variations atmosphériques et thermométriques très sensibles. Les nuits et les matinées de l'hiver y sont souvent froides et le thermomètre descend parfois à 6 et 5 degrés et même plus bas au dessus de zéro. Mais à mesure que le soleil paraît et s'avance sur l'horizon , la température se réchauffe graduellement et s'élève jusqu'à 12 , 15 et même 20 degrés qui se soutiennent pendant une grande partie de la journée. Après le cou-
cher du soleil , l'air se refroidit peu à peu et les soirées finissent par être aussi froides que les matinées. En outre , il souffle parfois à Hyères , pendant l'hiver , un vent froid et très violent qu'on nomme le mistral et qui est fort dangereux pour toutes les personnes qu'une délicatesse ou une maladie de poitrine ont appelés dans cette ville.
D'après ces circonstances. tout le monde devinera les conseils que nous avons à donner et en sentira l'importance; ils sont aussi simples que faciles à suivre. Les malades devront éviter soigneusement de sortir le matin 1 le soif et la nuit, et rester dans leur appartement qui sera chauffé , sufvant le bètsoin , de manière à y conserver à peu près la même température que dans le reste de la journée. Ils devront rester également renfermés chez aux tous les jours où le mistral se fait sentir. Ils feront bien encore de ne pas trop aller se promener au bord de la mer , car il n'est pas rare qu'il y règne tm
peu de vent et que l'air y soit vif, lorsque celui de la ville est fort doux et très-calme.
BAYLE, D. M. P.
Professeur agrégé de la faculté de médecine de Paris.
Ï3<I>WSLL AIPIPmHIDIlCBIBtt
Page 140 , ligne 6.
Qui le croirait ! dans ce séjour qui servit de retraite a tant d'hommes éminents aux premiers siècles du christianisme, fut célébré, m 1558, le ramazan, etc.
Aux détails que nous avons donnés sur l'occupation des îles d'Hyères par Kitir-ed-din, surnommé Barberoussè, nous sommes heureux de pouvoir joindre ceux qu'on rencontre dans l'ouvrasce si intéressant publié par MM. Rang et Ferdinand Denis , intitulé : Fondation de la régence d'Alger. Cette citation d'un livre écrit par un auteur arabe comble une importante lacune, et nous fait voir combien il serait utile à notre histoire de puiser plus souvent aux sources orientales.
« De là ,il alla mouiller dans une belle rade for* mée par diverses îles non habitées , qu'on nomme Hières ; derrière ces îles est une petite ville fortifiée appelée Toulon. Pendant que Kaïr-ed-din
était au mouillage, on vit passer un bâtiment qui sortait de la raàe de Toulon ; le Bey d'Alger fit courir après lui une de ses galiotes qui s'en empara ; il était chargé de fromages de très bonne qualité, et qui devinrent une ressource pour la nourriture des équipages. Les habitants de Toulon, instruits de la prise de ce navire, armèrent quatre galères qu'ils avaient en réserve pouf courir après la galiote, sans se douter qu'elle faisait partie d'une "flotte commandée par Kaïr-ed-din en personne. Un des vaisseaux musulmans se trouvait mouillé un peu à l'écart, les quatre galères vinrent l'assaillir et l'enlevèrent, Le Bey d'Alger en apprenant cette fatale nouvelle témoigna ses regrets et se résigna aux ordres du destin ; mais la providence qui le protégeait ne tarda pas à lui rendre ce vaisseau , dont la perte l'affligeait , et cela parun évènement singulier, qui mérite à coup sûr de trouver place parmi les anedoctes merveilleuses, rassemblées dans l'ouvrage intitulé ; La Consolation inattendue dans les malheurs. Voici comment la chose se passa : « Les galères conduisirent à Toulon la prise qu'ils avaient faite, puis on laissa les esclaves musulmans dans leur navire, renfermés à fond de cale
et liés à quelque distance les uns des autres au moyen d'anneaux de fer. On mit sur ce vaisseau des gardes pour les surveiller, et un équipage pour les conduire à une ville de la côte où Sa Majesté le roi de France se trouvait. Grâce à un heureux hasard dirigé sans doute par la main de Dieu , les chrétiens laissèrent en liberté un petit mousse musulman qu'ils chargèrent du soin de servir les esclaves. Cet enfant, avec un outil qu'il déroba , vint à bout de délier un des esclaves, celui-ci rendit le même ser ice à son voisin, et en peu de temps tous se virent non seulement dégagés de leurs fers, mais en état de risquer un coup de main.
Pour cela ils attendirent tranquillement la nuit, et ce fut alors seulement qu'ils parurent sur le pont.
r ,es sentinelles, en 'es voyant dans l'obscurité, les prirent naturellement pour leurs camarades qui venaient relever la garde, et ils ne se mirent point en défense. Tout à coup les musulmans sautent sur leurs armes; pas un soldat ne peut résister, et ils ne conservent la vie qu'aux matelots et aux rameurs qui demandent quartiers. Puis, mettant sur lechampà la voile, ilg viennent trouver Kaïrpd-din qui passe dans un instant de la plus grande
affliction à la joie la plus vive; il faut rappeler à cette occasion ces beaux vers arabes : a Lorsqu'une heureuse étoile préside à ta destinée dors tranquille; les précipices s'aplaniront devant toi pendant ton sommeil.
« Si tu veux prendre le phénix, ton bonheur sera le filet qui le saisira , et il se changera en dromddaire infatigable si ta veux poursuivre le sagittaire dans le firmament.
« Parmi les îles où la flotte mulsumane était mouillée, il y en avait une plus éloignée que les autres, elle était cultivée et soixante et dix chrétiens l'habitaient. Ils se mirent dans leurs bateaux et vinrent trouver Kaïr-ed-din, auquel ils offrirent en présens soixante-dix gobelets d'argent, quelques jarres de miel, du beurre , des poules , des cailles , etdifférents fruits. Le Bey d'Alger leur rendit les gobelets d'argent, maisil accepta d'un air gracieux les autres objets ; puis il leur demanda s'il n'y aurait point possibilité de prendre Toulon. Ces paysans lui répondirent avec un accent de sincérité qui le frappa : « Seigneur, l'entreprise n'est pointaisée, attendu les fortiifcations qui défendent cette ville ; d'ailleurs, comme on se défie sans doute de tes projets, on n'aura pas manqué d'y
Rassembler beaucoup de monde. » Ces raisons parurent plausibles à Kaïr-ed-din, et il renonça à son idée, en disant à «es soldats qui le pressaient de faire une tentative.*» Si nous allions, camarades, mettre le siège devant Toulon , sans parvenir à nous en rendre maître > cet éehec obscurcirait biço vite notre gloire aux yeux des chrétiens; et la terreur qu'inspirent nos armes s'affaiblirait infailliblement; remettons à un moment plus propice cette entreprise , et attendons que Dieu nous en facilite les moyens. » Ensuite Kaïred-din donna ordre de lever r ancre, et il fit voile pour les côtes d'Italie, mais le vent contraire l'obligea de revenir au mouillage deux jours après ravoir quitté.
a André Doria, à son départ de Gharchel, avait fait route pour Gênes, et il avait conduit sa flotte dans legolfe de la Spécia, d'où il écrivit au sénat pour lui demander trois mille soldats en remplacement de ceux qu'il avait perdus durant son expédition , cent quintaux de poudre et le biscuit dont il avait besoin. A l'exception des soldats qu'on ne pouvait recruter qu'avec le temps, on lui expédia aussitôt sa lettre reçue les munitions de guerre et de bouche qu'il demandait, et on les
chargea sur deux navires. Par un effet delà pro.tection durcie] qui veille sur l'Islamisme, le même vent d'est qni avait obligé Kaïr-ed-din à relâcher aux îles d'Hières , y amena les deux bâtimens sortis de Gênes pour ravitailler la flotte de Doria.
- « Kaïr-ed-din découvrit le premier, dans le lointmo, un de ces navires qui louvoyait, il envoya une galiote pour le reconnaître de plus prés ; elle vint annoncer que ce bâtiment avait une conseisve.
Alors le Bey d'Alger expédia des,furces suMisantes pour s'en emparer; aussi dans la même journée les amena-t-on tous les. deux; il put remercier Dieu de cette faveur signalée. Tandis que la flotte musulmane était encore dans ce même mouillage , on aperçut en pleine mer un gros vaisseau dont la poupe dorée et les pavois annonçaient un armement considérable. Kaïr-ed-din idonna ordre à plusieurs de ses bàtimens d'alloirl'attaquer, mais de loin, toutefois et sans chercher à l'aborder. Il fit surtout cette recommandation à. SinanReïs dont il connaissait l'intrépidité. Lorsque les bâtimens musulmans furent à portée du navire, ils commencèrent à l'entourer et à faire feu sur lui de toutes parts. Une pareille façon de combattre n'était pas assez expéditive pour l'ardeur de
Sinan-Reïs ; bientôt il oublia la recopimandation
de Kaïr-ed-din, et il approcha pour tenter l'abordage; mais heureusement qu'une balle de fusil vint lui crever un œil, et le mit hors d'état de combattre.
« Kaïr-ed-din apprenant cet accident s'écria : « Il est arrivé ce que je craignais, cet homme a un courage de lion, et son courage lui fait affronter les dangers d'une façon par trop téméraire. » Ce-
pendant les bâtimens mulsumans continuèrent leurs attaques avec tant dé succès , que le vaisseau ennemi se vit bientôt près de couler à fond, en raison de la quantité de boulets qu'il avait reçus. Plusienrs des gens de l'équipage ;'effrayés du péril qui les menaçait, se jetèrent à la nage pour venir demander quartier. Le commandant infidèle voyant le découragement général qui s'était emparé des combaltans, et, convaincu de l'impossibilité de résister davantage à des forces supérieures , amena son pavillon et se rendit. Kaïr-ed-din fit conduire ce vaisseau dans la rade des îsles d'HU;res J et après avoirordonné qu'on le déchargeât et qu'on enlevât ses ngrèli, il y fit mettre le feu.-
Page 204, à la note.
En 1642 Louis XIII transféra à Toulon le siège de la sénéchaussée.
MÉMOIRES Pour soubstenir l'écltt de la translation do siege d'Yeres à l'olon accordée par nos seigneurs du conseil aux officiers de la dite ville d'Yeres par édit du mois
de mars dernier.
Le conseil de sa majesté desirant empescher lesmurtres, assassins, seditions qui arivent tous les jours au dit Tbolon avoit resolue dy establir un corps de justice; et parce queceste proposition ruinoit entièrement quatre sièges celuy d'Aix, Brignoles, Draguignan et d'Yeres, sur les plaintes qui en furent faites par les officiers d'Yeres ou la dite ville de Tholon avoit accoustume de ressortir. La dite translation du siege fut ordonnée pour le bi?,n du service du roy et du public par les raisons suivantes.
La ville d'Yeres qui a l'un des plus grands et dès,plus fertiles terroirs de la province est toutefois la pluj incomodee et a paie nouvellement en fonds de terre plus de quatre cents mille livres
quelle avoit empruntés en divers temps pour la nécessité de ces affaires. -
Ceste incomodité est causée principalement parceque leslabitans ne s'occupent pointàla culture de leurs fonds et s'amusent seulement à la chicane et à exercer des offices dans la seneschaussée, estant la dite ville plus riche et plus abondante en toutes choses avant l'establissement du dit siege.
Ceux qui ont gouverné la province de temps à autre et mesme feu monsieur du Vair , desirtint y donner un meilleur ordre auroient donné ad vis et fait ordonner diverse fois de transférer laseneschaussée du -dit Yeres à l'holon, pot-ireii fortifiant Ja justice au dit Tholon qui est une ville très importante à l'estat et qui a besoin d'un nombre d'officiers pour contenir les habitans et les estrangers dans leurs devoirs donner plus de moyens aux liabitans du dit Yeres de faire valoir leurs fonds et en aquiller les charges.
A present qu'il a plu à sa majesté d'ordonner la dite translation , les habitans d'Yeres en font plainte, soubs pretexte que leur ville en sera desolée, les habitans reduis à l'impuissance d'aqujter leurs charges foncières, soigner les salins des-
quels, sa majeste tire des grands revneus, et à donner secours aux isles en cas d'abort des ceursères ou des ennemis.
Mais leurs plaintes n'ont point de fondement puisque la dite translation ne sauroit esloigner guères plus de cinc ou six familles des principaux officiers parce que les autres petits n'auront garde de quitter leurs maisons et leurs fonds pour changerde demure, Aucontrere en vandant leurs offices tireront des deniers-clairs pour parvenir avec plus d'aisance à la conduite de leurs mesnage.
Les charges foncières ne sont commùoement aquitëes que du reveneu des fonds et cette translation nes les diminuant pas, au contrere donnant plus de môyen aux habitons de lès soigner , il est certein que les charges en seront plus facilement et plus- promptement supportées.
Les salins sont travaillés la plupart par les habitans des lieux circumvoysins, à cause de la feneantisc de ceux d'Yeres, et les proprieteres qui en retirent le principal reveneu n'auront garde de les laisser perir. pour n'en prendre le reveneu.
Le secours des isles ne despend pas d'Yeres qui
na ny barque ny vesseau, eeloignec de la mer une
- grande lieue, mais de Tholon qui conserve toutes les forces de if province.
En dernier lieu Tholon est. au mitan et la capitale ville du ressort et seroit une très grande comndité aux habitans des lieux circumvoysins en portant leurs. fruits au dit Tholon pouvoir vaquer à leurs procès, et au contrere estant la ville d'Yeres au bout du ressort, malsaine en façon que une partie des procureurs n'y vienent que les jours de plaid et par après s'en retournent à leurs maisons et les officiers sont obligés de quiter l'excedant de leurs charges durant l'esté qui est tout affait insuportable au dit Yeres et subvenir par quartiers, l'ayant fait aynsi ordonner par arrest du parlement, les parties y Souffrent une très grande incomodite.
Et de cette façon les empescliemens donnés par les habitans d'Y er's estant sans interest la translation necessere pour faire valoir avec plus d'esclat l'authorité et le service de sa majesté dans Tholon et sa dit-majesté en retirant un notable secours pour emploier aux fortifications de la dite ville de Tholon. Nos seigneurs du conseil sont très humblement sa pliés de maintenir l'edit qui a esté seléestdresé sur ce subject et résilier toutes les of-
fies qui pourront estre faites an contraire.
( Extrait du vol. I. — Affaires et mowvemeps de Provence jusqu'en 1646. )
(Mouvemens de Provence depuis 1645 jusqu'en fG55. vol 11.^ DOtÉANCES DE LA VILLE DHYÉRSJ AU ROI.
Vostre ville d'Yeres sire. n'a pas esté moingre per&ecutée que les autres pour avoir esté fidelle à vostre majesté , elle a souffert beaucoup d'injures et par les arrest du parlement et par ceux de la chambre des comptes qui l'ont obligée de recourir à vostre majesté pour avoir du secours dans ses malheurs, et de former instance en vostre conseil au préjudice de laquelle le sieur de Puget qui par la considération de son fils conseiller en ce parlement trouve l'impunité en toutes ses entreprises, a voulu par voye de faict s'acque- rir l'autorité qui est disputée : et ayant excité une horrible sedition par la lye du peuple qu'il gouverte, il fit piller deux maisons, excéder trois ou quatre habitans. l'un desquels est décédé de ses blessures. Le parlement feit semblant de vouloir faire justice, et envoya un commissaire pour en informer. qui d'abord se saisit d'un des principaux factieux qu'il faist traduire aux prisons d'Aix ,
mais lasuiltc afaict voir que son desseing n'a esté que de favoriser ses partisans et de destruire ses adversaires. Ce prisonnier et ses complices que leur conscience avoit rendu fugitifs, sont revenus sans punition, et continuent leurs cabales dans la viIje, cependant <Jfie l'on suscite des accusations calomnieuses contre les plus apparens de vos serviteurs f et qu'on-les detient dans Aix pour souffrir des procès extraordinaires. Les preuves sont connues parles informations qui ont esté faites de l'authorité de vostre conseil et mises entre les mains de M. Boucherat.
VIGUERIE D'HYÈRES. (t649) La ville d'Yeres, soixante-huit feux et deiny.
Bormes, douze feux, Pierrefeu, huit feux.
Colobrières, six feux.
Forcalquaires, trois feux.
Sainct-Anastasi, un feu.
Solliers, vingt un feu.
Cuers, seize feux et demy.
Beaugencier, un feu un quart.
Le Puget, dix feux. Carnoulles, neuf feux.
Hoque-baron, un feu.
LETTRE DU CARDINAL BICHY A MONSEIGNEUR t POUR S'OPPOSER AU RÉTABLISSEMENT DU SIÈGE DE LA SENECHAUSSEE A IIYÈRES.
Monsieur, Les"plaintes que m'ont envoyé faire MM. de la ville de Toulon sur ce qu'ilsontapprisqu'on poursuivait à la' cour l'estàblissement d'un siége à Yeres m'obligent de vous faire scavoir par ces li- 1 ghes que lorsque Fon tràitta l'accommodement j'a vois l'honneur d'estre employé, l'instance qu'en fit le parlement de Provence fut absolument re* jbttée par M. le comte d'Alais et moy , sur ce que nous considénasmes *[ue cela serait ui e trop rude et peu équitable récompense à la dite ville de Toulon de la fidélité qu'elle venait de tesmoigner pour le service du roy. Ce point donc n'estant aucunement contenu dans les articles du dit accommodement, je m'estonne qu'on veuille le faire glisser avec les autres expéditions des quelles on demeura d'accord, pt je m'asseure aussi que vous ne jugerez pas expédient de le laisser passer tant pour les raisons susdites que parce qu'en faisant une chose de si mauvaise conséquence le proffit n'en reviendroit qu'à messieurs du parlement à qui il n'est
pas deu. JJoso vous prier d'y prendre garde , et d'aggréer qu'en ce'te oocnsjorY je vous réitère les assurances de la-passiorf très grande aveclaquelle je me professe.
'Monsieur , -voire très-humble, etc.
Signé : CARDINAL BICHY. Carpèntras, le 1er d-etiin 4649.
BLESSÉS nR {. ARMÉE NAVÁU: MIS A HYÈRES EN 1646.
Les blessés de l'armée navale - qu'on mist à Yeres et à'-Thoulon es années 1646-1647, ont fait « - une piaye mortelle à la province ; car sous prétexte de leur dépense qui ne revenait pas à quarântemîl livres, il a fait lever par son ordonnance (le comte d'Alais) quatre cerisf cinquante mit livres dobtila disposé, et ainsi le pays a fait comme les oyseaux qui guérissent le mal en le prenant.
A-près Celte impression (Pimpres-sion du manifeste ) on a eu advis de l'hôlon,qu'à 1 instant que M. le comte d'Alais y fut arrivé pour y descrier la justice des armes que les véritables serviteurs du roy et de leur patrie, opposent à ses violences, et pour estouffer par de faux bruits et de calomnies, les bons sentimens que cette ville prenait pour le bien public : il fit publier que le parlement avoit
fait arrest delalransferancede leur siègeàYeres, bien qu'il n'en ait jamais eu la pensée. Que le roy par lestres patentes , avait restably son régiment: qu'il avait déclaré le parlement et la ville d'Aix rebelles, et confisqué leurs charges et leurs biens.
Mais que tout le peuple apprenne une fois pour toutes de ne se laisser plus abuser aux artifices dont on se sert depuis dix ans pour nous piper et nous perdre * car on vient d'apprendre par lesdespcscbes d'un courrier envoyé de la cour et qui a étésuivi trois heures après par le sieur d'Aymar arrivé en poste , qu'après les lettres de cachets qui avoicnt esté expédiées sur les fausses impressions que trois courriers de M. le comte d'Alais avoient données, que nous avions ouvert les portes à l'Espagnol: le roy informé de la vérité de nos actions, et de la justice de nos armes pour la défense publique, fit résoudre en son conseil le 27 du mois de juin dernier , que le traicté fait par M. le cardinal Richy, seroit ponctuellement exécuté, et pour cet effet M. d'Estampes conseiller d'estât fut cômandé de partir en, diligence avec les ordres du roy qu'il apporte, ces courriers l'ayant laissé près de Lyon.
(Extrait du manifeste de la ville d Aix. VoLU. M^uv. de Prov.)
TOfJCFTAXr UNE APPELLATION RELEVÉE PAR Lsg CONSULS DYERES EN PROVENCE SUR LA DÉPUTATION EN COUR DU SIEUR DE
VALANEZ.
Le parlement de Provence estoit saisy de 1 appellation diclarée par le sieur d'Aiglun en soa nom et de ses adhérants de la députation en cour du sieur de Yralanez et de l'appellation relevée par les consuls d'Yeres de la procédure faite par le sieur Gautier au nom emprunté d'Emeric, Si-* guier et Rainoard , et à la poursuite véritable do diet sieur d'Aiglun.
Le diet sieur d'Aiglun s'estoit bien desparli de l'appellation relevée à son nom de la dicte députation, mais comme il faisoit poursuivre sur l'appellation de la procédure du diet sieur Gautier , mesme parl'effect de certain règlement des affai* res de la communauté, les consuts loy firent signiffier leur cédule évocatoire en la personne du procureur de la cause , lequel n'ayant voulu faire responce pertinente , ta mesme cédue luy fut si- gniffiée à sa personne le vingt-sixmc janvier mil MX cent quarante-trois, sur laquelle ayant faiet res*
ponce qu'il poursuivait la dicte instance seulement pour le bien de la comté-, les dicts consuls qui sont les seuls administrateurs de la comté. luy fi.
rent signiffier un acte nouveau le mesme jour 26me janvier portant sommation de desister de la dicte poursuiste ce que n'ayant voulu faire , ils ont esté constraints de le faire assigner au conseil, ou la cause a esté retenue par arrest contradictoire du 15 septembre 1643, et toutesfois le dict parlement a faict arrest sur le dict règlement pendant la d. instance le dernier juin pré.
cedent.
L'é vocation estoit fondée, sur ce quelesr d'Aiglun et le sr d'Esparron estoient les véritables parties bien qu'ils eussent faict intervenir les d.
Siguier , Emerrc et Rainoard , la proceduredu d.
sr Gautier de laquelle estoit appel justifioit ceste vérité, parce que le d. sr d'Aiglun avoit toujours pal Il et faict toutes les réquisitions et poursuites par devantluy, il ne l'avoit pas contredict aussy par les actes a luy signiffiez de lapa t des d. consuls , mais pris pretexte seulement qu'il en faisoit la poursuite pour le bien de la comte- Il a été justifié aussi que les d. sr d'Aiglun et d'Esparron estoient les seules parties au faict du d. reglement
par diverses procédures faictes aud. parlement sur le subjet d'iceluy.
1 Le pretexte qu'ils ont pris d'avoir faict ceste poursuite , n'a peu empescher l'évocation parce que la cÕmti. n'a peu estre représentée que par lesconsuls, et comme les poursuites desd. srd'Aiglun et d'Esparron, ont esté fâictes a leurs noms et a leurs deapens contre le corps de la comté- l'évocation n'a peu estre par eux refusée puisqu'ils estoient parties en l'instance dont l'évocation estoit demandée par les d. consuls.
( Extrait du vol. i. Affaires et mouvemens de Provence jusqtL en. 1646. )
PLEINTE DES GENS D'YÈRES EN PROVENCE
CONTRE LE SIEUR DE VALANEZ.
Plairra à Monseigneur le chancellier jetter les yeux sur ce mémoire.
Le sr de Valanez estant venu en cour ensuitte d'une députation de la ville d'Yeres en Provence contre la volonté des liabitans plus intheressez et au prejudice d'un appel d'icelle rellevé et cxploieté au parlement aurait par une délibération secrette et faite dans la maison d'un particulier son cou-
sin germain rapporté par une taxe de tren te lignes par jour.
Ensuite de laquelle taxe et depuis qu'il est en cour il a tiré de cette pauvne communauté et dont les biens sont en distribution la somme de vingt mi! treize livres douze sols et par dessus cella deschargé des taillais et fait ennoblir environ quinze - arpenti de terre.
Quoique le siège d'Yères qui estoit le prétexté de sa deputalion soit estahli puis une IfillOO eo la ville de Thollon il est neangmoins encores iey à la sollicitation 4e neuf procès qu'il y a exilés au nom de la communauté eonlre tGll6 les gentilshommes et la plupart des apparents de la dite , ville,yayant vingt septassignations données, tous procès de vengeance contre ceux qui ont choqué sa députation et dont il ne peut revenir aucun bien au publicq* On a mis les armes, l'authorité et la bource publjcjue entre les mains du peuple qui n'ayant point d'intérest à telles 4espences à cause que les tailles y sont réelles est bien aise de perpetuer cette députation etconsommé d'ai'ieurs avec tant de profusion le bien de cette communauté tant en depuration que festins continuels qu'on trepve dans
une année une depense de plus de cinquante mil livres.
Mais ce qui est de pis, c'est que le mal est sans remède, car si quelqun se formalise de ses desordres on le menace d'abord de le tuer , si l'on recourt a la justice elle est impuissante, car sy l'on s'adresse anxjugesnaturels on les menace de r au tborité du conseil, sy c'est au parlement ou il y a plusieurs informations on l'interdit d'abord, s'y a l'intendant on appelle de ses oi donnances quant ce ne serait que d'une simple assignation le tout à la faveur du sr de Valanez.
Tellement que j ornais peuple ne fust plus insolent, on ne parle que de tuer et de massacrer.
Les seditions y sont aussy famillières que les festins personne ny est en asseurancele parlement y ayant envoyé deux conseillers on les a altaqués et assiegés dans une maison religieuse qu'ils avoient choisy pour refuge ; on a forcé les gardes, enfoncé les portes et redu t yceux en l'extrémité de périr. En façon que la plupart des gens de condition ont abandonné la ville, il y a plus de soixante des meilheuresfamilles qui souspirent après cette oppression et tiranuieet qui n'attendent que l'evejemeiit de ses proccs pour scavoir s'ils la doi-
vent abandonner et dozerter au grand interest du bien dè l'estat puisque c'est la plus belle coste et la meilheure rade de la mer Méditerranée.
L'honneur de vous appartenir et dont le dit sieur de Valanez se vente a retenu leur plainte jusques à présent, qu'après avoir recherché inutilement toutes les voyes de paix ils ont recours à votre grandeur pour la suppliertres humblement d'avoir cômpassion de leurs miseres , avec cette protestation qn'il ny a rien dans la memoire dont il ny ait des pruves literalles au proces et pour l'estatdesplorable de la ville les gens du roy dans la province, le gouverneur, l'intendant ou le parlement en rendront lousiours fidellc lesmoigimge.
Bras de fer l'advocat de quelques particuliers de la ville d'Yeres, ennemis du repos de la communauté ne pouvantdeffendre aux instances pendantes au conseil s'est attaché seulement à la personne du sieur de Valanez, duquel il a parlé avec tant de licence , qu'il a esté constraint d'en demander réparation.
Responce. )
Il n'a jamais affecté de se ilire Il dict, qu'ayant affecté protecteur de la communauté n'es- de se dire protecteur de la tant pas d'humeur ny de condition communauté, sa protection a tirer avantage de si peu de chose, a produit le mesme effet La licence de l'advocat est exllc que les sacriffices des fauls en cest endroit le voulant faire pas- dieux aux inlideIles, qui ser pour homme qui prend plaisir consôment plus leurs trouà faire curée du bien d'auttruy Sa peaux que le ravage de naissance , son humeur , et toutes cent loups.
ses actions sont esloiguées non seulement de l'effect, mais de la pensée mesme.
Le deffaul du succez n'est point Que sessoings n'ont rien en la conduite , les considérations produit , et qu'il a jusques soot cogneues par messieurs du con-icy trompé tous ceux qui seil, et tous les employs qui luy ont attendu quelque bon ont esté donnez en divers temps , effect de sa conduite, et a divers rencontres sont autant de tesmoins de sa bonne conduite , de sa candeur et de sa franchise.
Les propositions qu'il a portées Qu'il a faict des proposide l'adveu de la communauté en- tions au conseil pour introsuite des délibérations des 13 et 16 duire des nouveautés qui juin 1643, n'estoient point pour ressentent la contagion dont introduire des nouveautez , mais il s'est laissé gaster a la bien pour les cmpescher , et telles suite du conseil.
propositions estoienl pour le seul avantage de la communauté.
11 a esté prié par délibération du Que le d. sr de Valinez 10e dec, 1642 de faire le voyage , est venu en cour pour y et s'en estant excusé , il s'est laissé soubstenir lcsinterest de la vaincre après six mois aux impor- communauté , sans pouvoir tunités des corsais et habitans at- ny députation.
tendu l'iroportance de l'afiaire et la deliberation du 1"r mars 1643 confirmée par celles des 14 et 16 juin , 25 juillet, 29 octobre et 15 nov. 1643. Les'moindres composées de soixante habitans , les autres de plus de cent, qui sont les plus célebres et plus nombreuses assembfées qu'on puisse convoquer.
tï esl fauls qu'il aye fait aucune Qu'il a éonveuu de la convention pour les frais de son despence de sou voyage a ■ voyage Il est parti sur la foy des trente livres par jour, sôme consa's J'eslre relevé de sa des- 'excessive et extraordinaire pence , laquelle ils ont depuis reglee a la d. somme trente livres , qui ne peut l'empescher d'y adjouster du sien. La communauté luy a fourny, quinze mil livres a son des- Que soubs pretexte de ce part dont les douze devoient estre voyage, il a consommé plus employées à faire des avances sur de cinquante mil livres.
les. propositions donb, le d. s'estoit chargé , tout le surplus n'est que menterÍf"
La quitance lui a esté donnée a Qu'il a retiré quittance compte des frais de son voyage, et de quatorze cent livres de la somme y contenue justifie l'inte- failles par luy deubs , bien rest qu'il a de conserver la cômu- qu'il- n'en aye fait aucun nauté. payement.
Il esl faulx qu'il aycfaict enno Que son avidité s'est acblïr partie de ses biens, il a seule- crue ea sorte qu'il a faict ment poursuivy la descharge de ennoblir trois livres de son l'excez de son allivrement, par les bien par voyes illicites, voyes ordineres et accoustumées, ~-' *~~ de mesme qu'ont faict les autres ha- ,(P -£ bilans qui ont creu d'eslre grevez ,f.
a leur taxe. ,1 $; o ~.A 7~/ \t.